Retour sur la tournée du Père Jamal Khader en France

A la fin du mois de juin, Chrétiens de la Méditerranée accueillait en France le Père Jamal Khader de l’université de Bethléem pour une tournée à Paris et dans l’ouest de la France (Lisieux, Caen, Rennes, Vannes). Photo : Jamal Khader à Vannes le 30 juin 2011.  Plus de 400 personnes rencontrées. Plusieurs interventions dans les médias dont RFI. Retour sur cet événement à travers deux documents :

 

 

Un article publié sur le site de la Conférence des Evêques de France :

Israël-Palestine : “Le vivre ensemble est possible”

 

et

 

Ci-dessous, une retranscription de l’interview donnée par Jamal Khader à RFI le 3 juillet dernier :

 

Père Jamal Khader RFI :

 

Le conflit est un conflit politique national où il y a deux peuples qui disputent la même terre, cela a commencé comme ça, avec le mouvement sioniste qui était un mouvement laïc et socialiste et avec le mouvement national palestinien A la fin des années 70 on a commencé à parler de la religion. Là il y a des revendications des deux parts : Nous voyons le mouvement sioniste religieux et de l’autre côté nous voyons les musulmans, surtout le mouvement du Hamas avec des revendications aussi religieuses. Bien sûr cela complique la situation et devient plus difficile de trouver un compromis entre les deux peuples.

 

Je suis optimiste mais il y a plus de défis devant nous, d’abord l’unité nationale palestinienne qui est très importante et puis il y a septembre avec la résolution de l’ONU que l’on attend avec impatience et que l’on travaille pour préparer cette rencontre de septembre qui et on voudrait voir la réaction de là Communauté internationale, ce sera un pas très décisif pour le futur du conflit entre Palestiniens et Israéliens . Il y a des signes d’espérance.

 

Ce que je vois aussi autour de nous au Moyen Orient, le printemps d’arabe qui donne un signe d’espérance, pas tout de suite, il faut un peu de temps mais le statu quo ne peut continuer. il y a eu des changements, nous avons besoin d’un changement radical en Palestine après 44 ans d’occupation militaire israélienne, ça suffit ! Nous avons besoin d’une solution juste du conflit palestinien

 

La paix passe par la justice. La justice n’est jamais absolue mais là il y a une occupation militaire israélienne, cela veut dire qu’il y a une oppression, une humiliation, les Palestiniens ne peuvent pas décider et organiser leur vie, ils ne sont pas libres, alors voilà une question fondamentale de la justice, avoir la liberté. Nous avons d’autres questions urgentes comme la question des prisonniers. Nous avons des milliers de prisonniers, nous avons des millions de réfugiés.

 

Nous avons des gens qui souffrent, ce que demandent les Palestiniens c’est d’avoir un Etat sur le territoire occupé depuis 1967. Je sais bien que c’est une justice relative mais c’est important pour vivre une nouvelle situation en Palestine

 

Les Chrétiens en Palestine sont des palestiniens

Il n’y a pas de différences au point de vue politique entre chrétiens et musulmans. Qu’ils soient chrétiens ou musulmans, ils demandent la même chose, la liberté, l’indépendance, un futur meilleur , un Etat palestinien.

Les Chrétiens peuvent jouer un rôle positif dans le processus la justice, la paix, la réconciliation. Mais la réconciliation viendra plus tard. Nous ne pouvons pas commencer tout de suite la réconciliation, mais la contribution de la communauté chrétienne est très importante, on le voit par exemple dans le cas notamment de la non-violence. La non-violence est caractéristique des Chrétiens. Il y a aussi de plus mais il y a de plus en plus de Palestiniens, des musulmans non-violents pour trouver la liberté et l’indépendance.

 

Il y a aussi des groupes juifs pacifistes ou non-violents, mais , il y a aussi des groupes juifs mais le problème actuel est que le gouvernement d’Israël est de droite, on ne voit pas ces mouvements pacifistes dans la scène politique, mais ils existent, ces mouvements qui sont en faveur d’un coexistence pacifique et même d’une collaboration dans le futur.

 

Les Chrétiens font partie du système politique palestinien, ils ont contribué toujours, dans la lutte contre l’occupation. Oui, il y a un mouvement intégriste et fondamentaliste, mais cela dépend de la situation politique. Si nous trouvons une solution juste, je suis sûre que la grande majorité des Palestiniens sont en faveur un pays séculier où tous les citoyens seront égaux devant la loi , un Etat basé sur la citoyenneté et non sur la religion, puis que Chrétiens et Musulmans ont toujours coexisté en Palestine. Le danger n’est pas l’intégrisme, mais c’est de continuer cette situation d’instabilité et d’insécurité politique, c’est pourquoi certains Chrétiens émigrentt mais pas pour échapper à une persécution à une discrimination mais pour une vie meilleure.

 

La situation des Chrétiens est différente selon les pays. En Egypte par exemple, les Chrétiens ont été avec les Musulmans sur la place des Tahir mais de l’autre côté il y a les chefs religieux qui étaient contre cette révolte, c’est un point négatif contre les Chrétiens. En Syrie, les chefs chrétiens , des Eglises sont en faveur du régime, que va-t-il se passer quand le système va tomber ? Cela complique la situation des Chrétiens. Mais pour la Palestine, les Chrétiens sont des citoyens, prêts à collaborer avec n’importe qui, nous ne sommes pas liés à un régime dictateur comme dans d’autres pays arabes.

 

La jeunesse

L’université de Bethleem est chrétienne catholique avec deux tiers musulman, et des jeunes femmes. 35 % Chrétiens, 73 % de jeunes femmes. C’est une institution très importante pour préparer les jeunes, pas pour préparer un futur individuel mais pour préparer une société meilleure. Les jeunes viennent chaque jour à l’université pour étudier, ce n’est pas facile. Ils étudient, ils travaillent, ils obtiennent leur diplôme, ils sont les chefs, les leaders de la société. Ils sont un signe d’espérance. L’université est là pour donner du courage et de l’espérance, mais de fait ce sont eux qui nous donnent du courage et de l’espérance, de l’optimisme avec cette volonté d’étudier, de préparer le futur .

Les jeunes sont très conscients de ce qui se passe autour d’eux , de la situation politique très compliquée, mais ils ont la volonté de préparer un futur meilleur.

 

Ils ont suivi le printemps arabe avec optimisme, les valeurs principales sont la liberté, la dignité, ça suffit avec les dictateurs. C’est un optimisme mais sans illusion, ce ne sera pas pour demain. Il y aura peut être plus de souffrance, mais pour la Palestine plus d’espérance

 

On sait que ce n’est pas pour demain, il nous faut l’espérance. On le voir déjà en Egypte, ils ont ouvert le passage pour Gaza, ils ne livrent plus le gaz à Israël, on voit des conséquences positives pour Gaza. Avec optimisme mais sans illusion .

 

Les jeunes disent maintenant, je suis fier d’être arabe, avant on disait je suis fier d’être palestinien, ou fier d’être chrétien, d’être musulman, maintenant, on entend je suis fier d’être arabe, et cela change. C’est un changement dans leur identité, cette dimension arabe passe au premier rang.

 

Les jeunes ont beaucoup d’ambition, comment réaliser cette ambition en Palestine au niveau économique ? Ils ne voient pas comment réaliser cette ambition dans cette situation politique, alors ils partent pour continuer leurs études ou trouver un travail.

 

Ils ont le désir de partir faire des études ailleurs, il faut créer une stabilité économique où ils peuvent vivre leurs rêves en Palestine

 

J’ai vu des dizaine jeunes Chrétiens partis faire des études en Amérique ou en Angleterre, et ils rentrent à Bethléem. Il y a un nombre croissant de pèlerins, cela donne du travail, alors les jeunes rentrent . Il s’agit de créer une ambiance favorable, il faut stabiliser l’économie et la politique et pour encourager les jeunes à rentrer . Après Oslo ils sont revenus, en 2000, ils sont repartis, car ils ont perdu tout le travail, aujourd’hui certains reviennent.

 

Le Kairos

Un groupe de Chrétiens palestiniens qui appartiennent à toutes les Eglises se sont réunis pour réfléchir à ce que nous dit notre foi à propos de cette situation. Cela nous a pris deux ans, en décembre 2009, nous avons présenté le document oùnopus parlons d’une manière très concrète de la situation et de ce que nous dit notre foi

 

Deux points importants :

Le premier point, nous renouvelons notre foi en un Dieu bon, juste, Père de tous les hommes et femmes et non en un Dieu tribal, d’ un peuple contre un autre Dieu ne veut pas de discrimination entre les hommes.

Nous disons que l’occupation militaire est un péché contre Dieu et les pétrés humains.

Le second point est la lecture de la Bible surtout de l’Ancien Testament. Beaucoup lisent la Bible pour justifier l’occupation en Palestine, au nom du Dieu qui a donné la terre, des promesses de Dieu, cela ne peut pas être une théologie chrétienne, car une théologie qui donne comme résultat une situation d’injustice et d’oppression n’est pas une théologie chrétienne, et là nous entrons en polémique situation politique avec des concepts bibliques.

Puis le commandement de l’amour est notre réponse.

 

L’amour du prochain, l’amour du prochain nous le traduisons à la non-violence contre l’injustice contre l’occupation en, faveur de TOUS les hommes, c’est important car quand on parle de l’amour de l’ennemis, il faut le prendre au sérieux nous voulons libérer les opprimés de l’oppression , les Palestiniens, mais aussi ceux qui pratiquent l’oppression , les Israéliens.

 

Voilà comment nous comprenons la charité, un amour pour TOUS les hommes.

Si les Israéliens veulent vivre en paix, sécurité, justice, ils en ont le droit, alors que l’on mette fin à l’occupation, les Palestiniens vivront libres dans leur Etat t les Israéliens aussi. C’est un appel que nous faisons pour mettre fin à l’occupation et la création d’un Etat.

 

C’est un document très important pour les Chrétiens en Palestine écrit par des Chrétiens en Palestine mais aussi par les Musulmans qui ont accueilli le document, et pour les Eglises du monde entier avec l’insistance sur la non-violence :

Dans les 20 dernières année, nous avons essayé deux moyens

1. les négociations, ça n’a pas réussi personne n’y croit

2. la violence, pour des raisons morales et éthiques , la violence ne marche pas, alors il y a la non-violence, boycott, construction, des infrastructures, un plan politique qui a commencé il y a deux ans. Voilà, nous sommes prêts pour un Etat.

 

La réponse ouverte au dialogue est venue de rabbins de Jérusalem qui comprennent très bien la question , nous avons commencé un dialogue, nous avons eu une réponse négative des Juifs des états Unis qui nous accusent, difficile d’avoir un dialogue avec eux. Cette réaction assez forte est venue pour faire pression aux Eglises américaines pour ne pas commencer le boycott. Les conséquences et les réponses que nous avons reçues de la party de la Communauté juive.

 

Pourquoi Kairos

Nous avons pensé à un autre titre ‘C’est assez (Chalas !) », mais ce n’est pas biblique, alors pensé à un verset des psaumes « jusqu’à quand, ô Dieu « mais c’est pessimiste, alors nous avons choisi « kairos », c’est le moment, c’est le moment de vérité.

 

Il y a maintenant des étapes.

Septembre, l’Onu et le vote de la Communauté européenne. Nous avons la réponses des Américains, j’espère que ce n’est pas le bon vote. Le vote de la communauté internationale est important, les palestiniens parlent de la résolution 181. Une partie a été réalisée avec la création d’Israël, mais l’autre partie, non ! La France en 1947 a joué un rôle important, à l’époque elle a voté la résolution, alors nous attendons un vote favorable de la part de la France, ce ne sera pas facile avec l’Allemagne. Une quinzaine de pays a changé leur avis en voyant la France voter. Un vote favorable donnera de l’espoir aux Palestiniens.

 

Si ce plan échoue il n’y aura pas de violence, on parle de l’après-septembre, mais c’est trop tôt d’en parler. nous avons des options, nous préparons la réalité, mais les choses changent vite, nous le voyons dans tous les pays, Tunisie, Maroc, Syrie, Bahrein… Un peu partout la situation change, alors pourquoi pas la situation palestinienne ?

Nous avons fait le choix de la non-violence, même dans les accords du choix de Hamas et du Fatah. Nous demandons à la communauté internationale de nous aider et de pas laisser la Palestine seule. Il y a une responsabilité, faire pression diplomatique, économique, politique sur Israël st un choix juste.

 

Je parle aussi du boycott des colonies qui empêchent la création de l’Etat alors si nous voulons deux Etats, il faut régler la question des colonies. L’obstacle principal sont les colonies.

 

Il ya eu un dialogue entre Chrétiens et Hamas il y a 10 ans, avec le Hamas de la Cisjordanie. Notre patriarche émérite Michel Sabbagh a rencontré les responsables du Hamas avec un mot très fort « arrêtez les suicides, arrêtez la violence «. Des Chrétiens ont voté pour le Hamas car le Fatah avait échoué dans les négociations de paix .

Hamas a une position favorable envers les Chrétiens. Le problème est l’occupation.

Chrétiens et musulmans ont les mêmes droits, les mêmes devoirs, même à Gaza où le Hamas a toujours protégé le Chrétiens, mais que ce soit clair, nous nous opposons à la vision du Hamas, au droit religieux sur la terre, à la non reconnaissance d’Israël, mais nous croyons à un avenir meilleur ensemble.

 

Retranscription sans les questions et avec quelques phrases changées.

Par Martine Millet

5 juillet