Le réseau Chrétiens de la Méditerranée publie le courrier du Dr Jacqueline Fraysse, députée de Nanterre-Suresnes, adressé le 20 avril 2012 à Monsieur Alain Juppé, Ministre des affaires étrangères et européennes, concernant l’interdiction à des militants pacifistes pro-palestiniens de se rendre en Cisjordanie le 15 avril 2012 pour l’opération « Bienvenue en Palestine ». Par ce courrier, la députée demande à Monsieur Alain Juppé de tirer les conclusions de ces événements et de reconnaitre l’Etat palestinien.
Monsieur Alain Juppé
Ministre des affaires étrangères
et européennes au 37, Quai d’Orsay – 75351 Paris
Paris, le 20 avril 2012
Monsieur le ministre,
Le 15 avril dernier, des centaines de militants participant à l’opération « Bienvenue en
Palestine » ont été empêchés d’embarquer à destination de l’aéroport Ben Gourion de Tel-
Aviv, d’où ils souhaitaient rejoindre la Cisjordanie ; une trentaine de militants ayant réussi à
embarquer a été emprisonnée puis expulsée vers la France. Déjà, en juillet dernier, les
autorités israéliennes avaient agi de même à l’encontre des participants à la première
opération « Bienvenue en Palestine ».
Dans cette malheureuse affaire, je m’étonne moins de l’attitude des autorités
israéliennes, qui nous ont habitués à faire peu de cas des libertés individuelles, que du
silence du gouvernement français. Pourtant, lorsque je vous avais écrit, en juillet dernier,
pour protester contre le sort fait aux militants de la première opération « Bienvenue en
Palestine », vous m’aviez certes indiqué que la France « ne peut garantir l’entrée de ses
ressortissants en Israël », en m’assurant toutefois que vous restiez « attaché à la liberté de
circulation vers et en Cisjordanie, comme dans l’ensemble des Territoires palestiniens, qui
doivent notamment être accessibles aux visiteurs étrangers ». « Nous l’avons fait savoir aux
autorités israéliennes », ajoutiez-vous.
N’étaient-ce là que des mots ? Ainsi, aujourd’hui, une compagnie aérienne comme Air
France peut demander leur religion à des passagers ? Des citoyens français peuvent se voir
refuser l’embarquement sur un vol, quand ils ne sont pas emprisonnés, pour le simple motif
qu’ils ne sont pas juifs et/ou qu’ils défendent l’existence d’un Etat palestinien laïc et
démocratique ? Car les personnes concernées n’étaient en aucun cas des apprentis
terroristes : j’en veux pour preuve que deux de vos diplomates ont vécu la même
mésaventure. Il s’agissait au contraire de militants pacifistes souhaitant manifester leur
soutien aux villageois de Bil’in et d’ailleurs qui prônent une résistance non-violente à
l’encontre de l’occupation israélienne. Ils venaient participer à la construction d’une
école dont on voit mal en quoi elle menaçait l’existence de l’Etat d’Israël.
Je veux bien croire que le gouvernement israélien soit resté sourd à la notification par
le gouvernement français de son désaccord quant à la façon dont les participants de la
première opération « Bienvenue en Palestine » avaient été traités. Si tel est le cas, il
convient d’en tirer les conséquences.
Ces opérations « Bienvenue en Palestine » visent en effet autant à dénoncer
l’occupation israélienne que le contrôle par l’Etat hébreux de tous les accès à la Cisjordanie.
En juillet dernier comme maintenant, l’attitude des autorités israéliennes rend plus
prégnante encore cette préoccupation et souligne, si besoin est, l’impérieuse nécessité d’un
Etat palestinien pleinement indépendant et souverain. J’ose imaginer que le gouvernement
français, prenant acte de cette situation et de son incapacité à raisonner les dirigeants
israélien, oeuvrera dorénavant pour une telle reconnaissance.
Un dernier mot enfin pour souligner à quel point il n’est pas anodin de voir le
gouvernement israélien interdire à des militants pacifistes de participer à une rencontre
prônant l’action non-violente à l’encontre de l’occupation israélienne, occupation par
ailleurs considérée comme illégale par plusieurs résolutions de l’O.N.U. Par cette attitude qui
ne peut que conforter ceux qui, en Palestine et ailleurs, encouragent une action plus violente
à l’égard d’Israël, le gouvernement de Benjamin Netanyahou dévoile clairement la stratégie
de la tension qui est la sienne. Je regrette de voir que la France, par son silence et ses
circonvolutions quant à la reconnaissance d’un Etat palestinien, se rend complice d’une telle
stratégie si contraire à la paix et, par conséquent, aux intérêts du peuple israélien.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le ministre, l’expression de mes sentiments
distingués.
Dr Jacqueline Fraysse
Députée de Nanterre-Suresnes
Conseillère municipale de Nanterre