Titre

Profession diplomate

Sous titre

Un ambassadeur dans la tourmente

Auteur

Yves Aubin de La Messuzière

Type

livre

Editeur

Paris : Plon, 2019

Nombre de pages

395 p.

Prix

21 €

Date de publication

30 janvier 2020

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Profession diplomate. Un ambassadeur dans la tourmente

Certains livres valent la peine d’être lus et relus, pour la diversité des angles sous lesquels on peut les aborder. C’est le cas de ces mémoires.

Diplomate, arabisant, Yves Aubin de la Messuzière a été, au cours de ses quarante années de carrière, en poste au Tchad, en Irak, en Tunisie. Directeur de la section Afrique du Nord et Moyen Orient du Quai d’Orsay de 1998 à 2002, il a aussi connu le Yémen, Gaza, et même… Rome, qu’il présente comme « son exotisme à l’envers ».

Le lecteur historien, sociologue ou politiste, aura grand plaisir à découvrir des aspects très concrets de la situation de ces Etats, ainsi que des moments peu connus des relations diplomatiques de la France avec eux. On appréciera les détails de sa mission en Irak entre 1997 et 1999, les discussions avec Tarek Aziz et Saddam Hussein ; le rappel du travail en réseau qui a permis à la France d’empêcher l’aval du Conseil de sécurité pour le déclenchement de la guerre en Irak de 2003.

Qui aime le genre littéraire des mémoires, aime les anecdotes originales et se régale de portraits croqués sur le vif, à la façon de Saint Simon ; il goûtera les coups de griffe portés à la physionomie de personnalités connues : « Emile Lahoud : le dirigeant le plus insignifiant que j’aie connu, par son côté invertébré… » ; l’appréciation de la teinture des cheveux du président Ben Ali « plutôt réussie  par rapport à celle d’autres chefs d’État » ; les « insuffisances » de certains ministres d’avantage accrochés à leur portable qu’aux correspondances des postes, « heureusement compensées par les qualités de leur directeur de cabinet ».

L’auteur a à cœur de rétablir certaines vérités : la responsabilité de l’échec du Sommet de Paris du 4 octobre 2000 que les autorités israéliennes attribuent faussement à la France, accusant le président Chirac d’avoir poussé Arafat à ne pas accepter l’accord ; ou encore les attaques du président Sarkozy contre «  les diplomates qui ne voient jamais rien venir » au moment du déclenchement des révolutions arabes, quand précisément ces derniers, dont l’ambassadeur Aubin, avaient depuis longtemps alerté la France sur la situation en Tunisie.

L’objectif principal de ce livre est d’éclairer le lecteur sur le métier de diplomate ; d’en faire connaître la réalité, au-delà des clichés mondains ou littéraires, de détailler les conditions de travail (diversité des sujets à traiter, allant du politique à l’économique, du culturel au social, de l’analyse à la prévision et aux propositions d’action). Le prologue et l’avant-dernier chapitre du livre « Un métier en mutation », peuvent d’ailleurs être lus comme des manuels très précis et pédagogiques pour futurs diplomates[1].

Le plus attachant reste la personnalité même de l’auteur : courtois mais peu mondain, curieux et profond, grand humaniste, fondamentalement attaché à la laïcité et à la défense des droits de l’homme, sur laquelle il ne transige jamais. Parfois à ses dépens[2].

Laure Borgomano

 

[1] Note de la rédaction : cf. Questions de Pascal Boniface à Y. Aubin de la Messuzière

[2] Du même auteur : Mes années Ben Ali : un ambassadeur de France en Tunisie.- Cérès, 2011 ; Monde arabe, le grand chambardement.- Plon, 2016