Titre

L’Europe est-elle chrétienne ?

Auteur

Olivier Roy

Type

livre

Editeur

Paris : Seuil, 03/01/2019

Nombre de pages

192 p.

Prix

17€

Date de publication

25 mai 2019

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L’Europe est-elle chrétienne ?

Ce livre arrive à point nommé. A l’heure des élections européennes, l’ouvrage pose la question des fondements et des conflits religieux qui ont constitué l’Europe. Histoire, adhésion populaire, place des Églises, valeurs communautaires… tout est envisagé pour comprendre les valeurs en cours dans l’Europe du XXIe siècle.

À la question « l’Europe est-elle chrétienne ? », la réponse ne se construit pas dans le oui/non mais dans une analyse historique des relations entre Églises et États depuis le XVIIIe siècle, et dans une fine compréhension des mouvements religieux actuels en Europe.

La thèse d’Olivier Roy[1] est claire : entre les laïques purs et durs pour qui le fait religieux est un scandale, les identitaires pour qui le religieux chrétien est un marqueur culturel (mais pas un engagement de foi) et, enfin, les communautés de foi qui professent leur vérité, l’Europe n’a plus de « boussole transcendante » reconnue. Il lui faut donc reprendre la question des valeurs, revenir à ses fondements car, dans notre espace mondialisé, l’Europe est le seul corps où l’on puisse encore insuffler quelque esprit.

Son livre est bien documenté, surtout du côté catholique… se permet de préciser l’auteur, protestant, de cette recension ! La loi 1905 est la « Loi de séparation des Églises et de l’État », et non, comme l’écrit abondamment Olivier Roy, « de l’Église et de l’État ». Le livre est foisonnant, parfois étourdissant dans ses anecdotes, toujours intéressant dans ses analyses. Car il reprend ce qui est épars, la place de l’islam, la désertification des Églises classiques, la sécularisation… etc. et cherche à le comprendre dans un ensemble.

L’on découvre ainsi, avec intérêt, que ceux qui veulent défendre l’Europe chrétienne n’adhèrent en rien aux données évangéliques, et transforment au contraire le religieux chrétien en folklore civilisationnel. Ou bien que l’Église catholique, qui a aujourd’hui accepté bon gré mal gré la sécularisation du monde et la laïcité de l’État, campe sur un système normatif concernant la vie sexuelle, la famille et la procréation : la rupture entre le catholicisme et la culture dominante européenne porte désormais sur la question anthropologique, à savoir sur ce qui fonde… la société européenne en particulier.

Autre point largement analysé par Olivier Roy : la gestion de l’islam (et donc du mélange religieux/social) par des tribunaux, revient à remodeler l’ensemble du champ religieux en Europe. Ce qui semble mener à une extension de la sécularisation à la vie privée, et à la déchristianisation des sociétés européennes.

Il faut lire les premiers chapitres, historiques, du livre : ils synthétisent bien les tensions et conflits qui ont mené nos sociétés européennes – régies par le religieux -, à voir leurs fondements complètement retournés, en quelques décennies.

Mais ce serait un comble, en matière religieuse, de penser conclure par la seule analyse !

Olivier Roy a le bon sens de ne pas le faire. Ses conclusions sont donc fines. Si le fait religieux relève de tendances lourdes et longues, l’histoire montre que l’inattendu surgit toujours. C’est la place des prophètes et de l’esprit, de Dieu et des hommes[2].

 Bertrand Vergniol  

 

Notes de la rédaction

[1] Professeur en science politique à l’Institut universitaire européen de Florence, Olivier Roy, auteur de nombreux essais sur l’islam politique, prolonge ici la réflexion entamée avec La Sainte Ignorance. Le temps de la religion sans culture (Seuil, 2008 et « Points Essais », 2012). On pourra lire, sur notre site, la recension de son livre d’entretiens avec Jean-Louis Schlegel : En quête de l’Orient perdu (Seuil, 2014 et « Points Essais », 2017), en  cliquant ICI.

[2] Sur « le rapport complexe qu’entretient l’Europe aujourd’hui avec le christianisme », lire La Croix du 11/01/2019, où Olivier Roy répond aux questions d’Isabelle de Gaulmyn et Jean-Christophe Ploquin, en cliquant ICI. Il a été interrogé aussi par Laurence Desjoyaux, dans l’hebdomadaire La Vie du 07/03/2019.