Titre
Les Relations entre Juifs et ChrétiensSous titre
CompendiumAuteur
[publié par] la Conférence des évêques de FranceType
livreEditeur
Montrouge : Bayard ; Paris : Mame - Cerf, 2019Nombre de pages
242 p.Prix
22 €Date de publication
11 avril 2020Les Relations entre Juifs et Chrétiens
Cet ouvrage, publié par la Conférence des évêques de France, est l’œuvre du Service National pour les Relations avec le Judaïsme (SNRJ)1. Il offre, en un seul volume, un panorama des relations entre juifs et chrétiens depuis la sortie de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. Les Dix points de Seelisberg2 édités en 1947 sont une sorte de préface, car l’essentiel des textes est inauguré par la déclaration Nostra Ætate de Vatican II, en 19653.
Mais il ne faut pas minimiser l’énorme choc de la Shoah, qui amena les chrétiens, en dialogue avec les juifs, à une révision déchirante de leur comportement. On trouvera les textes du magistère romain et ceux édités par l’Église de France sous l’égide du SNRJ. Cela ne doit pas faire oublier l’évolution des autres Églises chrétiennes. Des réactions de la part de groupements juifs, des rabbins et des intellectuels, sont données en fin de volume.
Il importe de prendre toute la mesure du changement de type copernicien qui s’est opéré chez les chrétiens lorsqu’ils ont pris conscience de l’importance pour le christianisme de la tradition juive et du peuple qui en est porteur. Cela ressort de l’ensemble des textes offerts dans ce volume. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les chrétiens étaient encore nourris d’une vision très négative portée sur le peuple juif : son Alliance, celle du Sinaï, était périmée, remplacée et dépassée par la Nouvelle Alliance chrétienne. L’élection divine s’était reportée sur les chrétiens, et les juifs en étaient dépossédés. Le judaïsme était jugé comme une religion sclérosée et ritualiste.
Il n’est pas possible de rendre compte de tous ces textes témoins du « nouveau regard » (cf. le titre d’un livre du Père Jean Dujardin4) porté désormais sur le peuple juif et sur sa tradition. Une courte introduction de chaque texte, rédigée par les éditeurs, oriente le lecteur vers l’essentiel du message. Au vu de l’ensemble, c’est d’une véritable conversion dont il faut parler, conversion au cours de laquelle s’opère un décentrement de la vision chrétienne, remède infaillible aux tentations d’autoglorification auxquelles a trop souvent cédé l’Église.
À titre d’illustration voici la phrase introductrice du paragraphe 4 de Nostra Ætate, sans cesse citée : « Scrutant le mystère de l’Église, le saint Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament à la lignée d’Abraham ».
Un texte très remarquable, et toujours actuel, fut celui du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme, édité en 19735 : y est affirmé le caractère irrévocable de la première Alliance et pour la première fois est abordé le thème du « retour du peuple juif sur “sa” terre ». Deux thèmes qui provoquèrent de fortes réactions, et qui furent repris et développés dans les documents suivants. Ce texte a été suivi de deux documents importants de la Commission vaticane pour les relations avec le judaïsme : les Orientations et suggestions pour l’application de la déclaration conciliaire Nostra Ætate (§4) en 1974 et, en 1985, les Notes pour une correcte présentation des juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique6.
Pareille succession peut être notée entre La déclaration de repentance des évêques de France en 19977 et Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah, texte édité en 1998 par le Cardinal Cassidy8, président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens. Le premier document, d’une très grande qualité, fut malheureusement suivi d’un deuxième décevant.
Globalement, il faut noter un progrès dans la réflexion chrétienne, toujours en marche. Le document officiel le plus récent, « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables (Rm 11,29 » édité en 20159, réaffirme fortement l’assertion de 1973 formulée par le Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme, mais se présente aussi comme une invitation à la recherche.
Enfin, on lira avec grand intérêt les différentes réactions juives au changement opéré chez les chrétiens. Cinquante ans après Nostra Ætate, ces juifs de France et d’Europe, ces rabbins orthodoxes d’Israël, d’Europe et des Amériques, ces intellectuels américains et d’ailleurs, reconnaissent que ce retournement « témoigne d’une capacité inaccoutumée à se remettre en cause au nom des valeurs religieuses et éthiques fondamentales » (p. 204). Des rabbins orthodoxes déclarent que le christianisme « n’est ni un accident, ni une erreur, mais le fruit d’une volonté divine et un don fait aux nations » (p. 208)10. Désormais une coopération est possible, dans le strict respect des vocations respectives, au service de notre monde.
Après des siècles d’ignorance, de rejet et de persécutions, il faut mesurer l’impressionnante démarche de confiance de la part de ces juifs.
Jean Massonnet
Notes de la rédaction.
1 Ce livre est préfacé par le Cardinal André Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris et le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia ; la postface est du Frère Louis-Marie Coudray, o.s.b, directeur du Service National pour les Relations avec le Judaïsme (SNRJ).
2 Lire les Dix points de Seelisberg.
3 Cf. Déclaration Nostra Aetate sur les Relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes.
4 Cf. L’Eglise catholique et le peuple juif : un autre regard / Jean Dujardin.- Calmann-Lévy, 2004.- (Diaspora)
5 Lire les Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme, publiées par la Conférence épiscopale française, 16 avril 1973.
7 Lire la Déclaration de repentance des évêques de France, à Drancy, le 30/09/1997.
8 Lire le document Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah, 16/03/1998.
9 Cf. Document publié le 10/12/2015 par la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le judaïsme.
10 On lira ces Nouveaux textes à la suite de Nostra Aetate dans la revue Sens n°405, mars-avril 2016.