Titre

La nouvelle Turquie d'Erdogan

Sous titre

Du rêve démocratique à la dérive autoritaire

Auteur

Ahmet Insel

Type

livre

Editeur

Paris, La Découverte, février 2017, éd. 2015 revue et augmentée

Collection

La Découverte/Poche, Essais, n° 462

Nombre de pages

208

Prix

10 €

Date de publication

6 juin 2018

La nouvelle Turquie d’Erdogan

Économiste et politologue turc, Ahmet Insel a été professeur à l’Université de Galatasaray (Istanbul) et vice-président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Excellent analyste de la situation politique et économique turque, il ne ménage pas ses critiques à l’encontre du mode de gouvernement du Président Recep Tayyip Erdoğan auquel il reproche sa dérive dictatoriale.

Cet essai dense et précisément documenté vise à expliciter les raisons du succès de l’islam politique en Turquie, à partir d’une analyse combinant des éléments du temps long de l’histoire – tradition d’autoritarisme, de démocratisation, de droite conservatrice – et un examen de la situation économique et politique turque depuis une vingtaine d’années, notamment la crise financière de 2000 pour laquelle le FMI imposa au pays des réformes économiques de grande ampleur dont le régime récolte aujourd’hui les fruits.

Ahmet Insel voit dans le parti de la Justice et du Développement, l’AKP, dont Erdoğan est depuis 2002 le chef charismatique, un mouvement qui a su tirer parti de la confrontation ancienne entre conservateurs musulmans et modernistes autoritaires, les premiers se trouvant principalement dans les parties rurales, pieuses et villageoises du pays, les seconds se recrutant dans les élites urbaines et laïques de l’Ouest de la Turquie. La stratégie d’Erdoğan a été de faire fusionner la majorité sociologique du pays (musulmane sunnite turcophone) avec l’État turc, transformant ainsi une majorité sociologique en majorité politique stable autour de lui et de son parti.

Si l’arrivée au pouvoir de l’AKP est en rupture avec le paradigme dominant depuis les années 20, Ahmet Insel souligne cependant la continuité dans le mode de gouvernement autoritaire du pouvoir. Mais cet autoritarisme est devenu de plus en plus excessif avec l’élimination des derniers bastions du kémalisme1. Premier ministre sans interruption depuis 2002, devenu Président de la république en 2014, Erdoğan a transformé la république parlementaire en régime présidentiel. Il a su tirer parti du brouillage de l’adhésion à l’UE pour gagner l’appui de la droite traditionnelle turque, nationaliste et conservatrice tout en mettant en place une politique d’islamisation de la société ; il met à mal toutes les libertés élémentaires sous couvert de renforcer la sécurité de l’État, tout en menant une politique de répression contre les Kurdes et en menant une politique ambigüe vis-à-vis de la guerre en Syrie. Enfin, le coup d’état militaire manqué de juillet 2016 lui a fourni une occasion inespérée de renforcer encore un pouvoir devenu désormais dictatorial.

La Turquie est entrée dans une zone de grande turbulence, sociale, économique et politique internes, qu’il convient de prendre en compte pour comprendre la politique internationale du régime (même si le sujet n’est pas traité ici).

Ahmet Insel2 souligne, finalement, que les aspirations démocratiques persistent en Turquie et espère que « de cet épisode conservateur autoritaire surgisse un nouveau rêve démocratique portant la Turquie à une authentique révolution démocratique3 »

Laure Borgomano

1 Cf. définition du kémalisme et art. Turquie : du kémalisme au néo-ottomanisme / Dorothée Schmid sur le site de l’IFRI

2 Ahmet Insel était l’invité de la Bibliothèque municipale de Lyon, mardi 3 avril 2018 pour une conférence sur La nouvelle Turquie d’Erdoğan, que l’on peut écouter ou regarder en video (durée 1h59)

3 À la veille des prochaines élections présidentielles et législatives, en Turquie, le 24 juin prochain, (ré)écouter aussi la chronique de géopolitique de Bernard Guetta sur France Inter, le 19/04/2018 : Quitte ou double en Turquie (durée : 2mn)