La foi chrétienne aux prises avec la mondialisation

Les chrétiens ont-ils une parole spécifique à dire sur la mondialisation, une parole qui soit originale ?

Alain Durand[1], dans un langage très accessible car très pédagogique, relève le défi et montre nettement, comme l’indique Mgr Albert Rouet dans sa préface, que « la foi possède une force capable d’analyser, comme un veilleur d’humanité, et d’intervenir pour la libération des hommes ».

La mondialisation, envisagée selon ses différentes dimensions (économique certes, mais aussi technique, juridique, culturelle et religieuse), est une réalité historique foncièrement ambiguë. Elle engendre des maux très graves qu’il faut absolument combattre. Mais elle suscite aussi un mouvement qui rassemble des hommes et des femmes de toutes les parties du monde et les fait travailler ensemble en vue de ce qu’on appelle l’altermondialisation.

Prenant en compte sérieusement cette ambiguïté, Alain Durand nous offre un parcours autour de thèmes très importants pour l’évolution du monde et pour l’authenticité de l’expérience chrétienne : unité de l’humanité et responsabilité de l’homme ; priorité aux pauvres et solidarité avec les victimes de nos sociétés ; promotion d’une nouvelle conception de la richesse ; protection des biens naturels ; rencontre des cultures et éthique de la réciprocité ; évangélisation et mission ; eucharistie comme présence du Christ auprès des pauvres et invitation à « faire humanité » autrement.

L’immense chantier qui se présente à nous avec la mondialisation est aussi l’ouverture d’un vrai chantier pour la vie chrétienne et pour la réflexion théologique.

Un livre à lire et à travailler en vue des rassemblements, forums et assises[2] qui se multiplient pour faire face à ces questions.

Economie et humanisme, Lumière et Vie (revue théologique dominicaine), DIAL (Diffusion de l’information sur l’Amérique latine), Justice et Paix : ces quatre lieux de son activité disent assez qu’Alain Durand était bien placé pour traiter le sujet en théologien catholique, en témoin et en acteur.

Ouvrage de dimensions modestes, grand livre pour la réflexion et l’action des chrétiens qui s’interrogent sur la mondialisation, phénomène ambigu. Il s’agit d’une réflexion théologique à partir des prophètes et de l’Evangile. « La Bible dans une main et le journal dans l’autre », comme aurait dit Karl Barth.

La mondialisation est envisagée ici comme un processus d’« universalisation des échanges de biens, de valeurs et entre personnes ». Il ne s’agit donc pas seulement d’économie et de chiffres, mais de la constitution d’une certaine unité de l’humanité. Sera-t-elle celle de Babel fondée sur la puissance et la démesure, ou celle de la Pentecôte, de la communication ? Contribuera-t-elle à faire des hommes responsables, en élargissant le champ des libertés, en accordant la priorité aux pauvres, en faisant mûrir la conscience du bien commun – une « mondialisation écologique » – et une éthique de la réciprocité – contre « la tentation de faire du bien » ?

La mondialisation, dans ce qu’elle a de positif, « ouvre l’espace d’un dialogue interreligieux », nous invite « à la pratique d’une Eglise d’accueil, d’une Eglise de dialogue ».

L’auteur, au terme d’une riche réflexion sur l’eucharistie, conclut que Dieu nous pousse à « transformer une mondialisation néo-libérale – qui fabrique des pauvres – en une mondialisation solidaire ».

Jacques Mignon

[1] Alain Durand est dominicain. Il est l’auteur, entre autres, de : La cause des pauvres : société, éthique et foi.- Cerf, 1991, nouv. éd. 1996.- (Théologies) ; Pratiquer la justice : fondements, orientations, questions.- Cerf, 2009.- (L’histoire à vif) ; Dieu choisit le dernier.- Cerf, 2009.- (Epiphanie) :

https://www.editionsducerf.fr/librairie/auteurs/livres/5485/alain-durand

[2] cf. Livre blanc des Assises chrétiennes de la mondialisation (ACM) : http://www.doctrine-sociale-catholique.fr/index.php?id=6963