Titre

Face à la crise climatique

Auteur

Pierre de Charentenay

Type

livre

Editeur

Marseille : Publications Chemins de Dialogue, 2020

Nombre de pages

281 p.

Prix

19,00 €

Date de publication

13 janvier 2021

En savoir plus

Face à la crise climatique

Le lecteur, attiré par la “crise climatique” du titre de cet ouvrage, éprouvera peut-être quelque frustration à ne voir apparaître qu’au chapitre 9 (sur 11), une étude consacrée, en tant que telle, à “l’épuisement de la planète”. Pourtant, dès son introduction, l’auteur s’appuie sur ce fait inéluctable pour donner sens à sa réflexion. Et l’on prend conscience alors que le mot le plus important du titre, c’est “face”. Non seulement “en face” pour observer, mais surtout “faire face” pour changer le cours des choses.

Pierre de Charentenay, docteur en sciences politiques, jésuite, connaisseur du monde (Etats-Unis, Rome, Bruxelles, les Philippines…), auteur de nombreux ouvrages, enseigne aujourd’hui à l’Institut Catholique de la Méditerranée à Marseille. Son livre n’est donc pas celui d’un spécialiste du climat ou de l’environnement, mais une réflexion et une analyse de science politique sur les conditions de réponses à la crise climatique.

Quel est donc l’état de notre monde qui doit faire face à une urgence sans précédent dans l’histoire ? Les deux tiers du livre sont consacrés à un portrait sans concession de la société d’aujourd’hui, faisant appel à tous les domaines : culturel, économique, religieux, sociologique, financier, technique, etc. “Tout est lié” : l’auteur reprend ce leitmotiv du Pape François dans “Laudato si’” 1. Et la complexité de ces interactions est en elle-même une réponse à tous les simplismes élémentaires de ceux qui s’enferment dans leurs certitudes.

Notre société souffre d’une mondialisation mal maîtrisée par les changements très rapides, surtout techniques, ce que l’auteur appelle “la grande lessiveuse” du mouvement. L’ouverture du monde brouille nos repères et nos identités par une confrontation avec d’autres cultures, d’autres religions, d’autres manières de vivre. Le tourisme mondial de masse, l’arrivée de migrants, les facilités de liens grâce à l’Internet… autant d’accélérateurs de ce grand “melting-pot” ou plutôt, de cette “hybridation” sur laquelle Pierre de Charentenay insiste : “La fragilité de la condition sociale de la modernité produit un nouveau modèle d’homme hybride, sans racine, ballotté entre une modernité qui l’aspire et des racines qu’il recherche.” D’où le désenchantement de tout, le désengagement citoyen et les peurs entretenues, tant du côté des religions que de la politique où fleurissent les extrémismes de tous bords.

Nous sommes entrés dans un monde de doute, entretenu par des médias ou des réseaux sociaux qui charrient le meilleur du savoir comme le pire de la bêtise, des ragots et des mensonges. Ajouter à cela l’hyper individualisation, l’affadissement de la notion de bien commun, le repli sur son ressenti où l’émotion l’emporte sur la réflexion, l’immédiateté du “tout, tout de suite”, sans autre perspective que le court terme… La conclusion est amère : notre société n’est pas en mesure d’affronter la crise climatique. Elle n’y est pas prête parce qu’elle ne sait plus se donner un objectif commun.

“Face à cette fragilité de nos sociétés apparaît subitement le monstre hideux du changement climatique et de l’épuisement de la planète”. Avec le chapitre 9, l’auteur offre un remarquable condensé de tous les aspects de la situation : déforestation, fonte des glaces, montée des eaux, épuisement des ressources fossiles, surconsommation, urbanisation et démographie non maitrisées, inégalités, disparitions d’espèces animales, canicules, accumulations de déchets, etc. Le tableau est saisissant, le mal est profond. Après “cette spirale du négatif” que l’auteur s’applique à lui-même, il est intéressant de lister quelques “valeurs qui résistent” (chapitre 10). Ainsi, l’appartenance à une nation ou une fédération de nations, là où s’affirment les identités ; la prise de conscience grandissante d’une communauté globale ; l’importance retrouvée du “territoire” à défendre ; la force des utopies, des projets et de la vitalité des associations qui déjouent l’individualisme. Et au-delà de ces valeurs, Pierre de Charentenay, dans son dernier chapitre, accorde une place particulière à deux “prophètes” : le philosophe Bruno Latour (Où atterrir ? La découverte, 2017) prônant une éducation au “Terrestre”, et le Pape François avec l’encyclique Laudato Si’” (Ed. Artège, 2015).

A aucun moment, la tonalité pessimiste de l’ouvrage ne tourne au “catastrophisme” : Pierre de Charentenay reconnaît, dans la mobilisation des jeunes en particulier, les prémices d’une résistance et d’un engagement. Mais il s’interroge sur la sphère politique et médiatique qui préfère “polémiquer sur l’écume des jours plutôt que de travailler à des objectifs fondamentaux”. Toujours le court terme, alors que la situation exige une prise de conscience globale et à long terme…

Voilà donc un livre d’analyse politique, lucide, percutant, sans pathos mais engagé et lancé comme un cri d’alarme. “Le système n’en peut plus”, reprend l’auteur avec les mots du Pape François. Le système, c’est cette forme de libéralisme qui oublie les hommes et détruit la planète. On ne s’étonnera pas que l’auteur appelle à un changement radical de société et à l’instauration “d’une politique écologique qui redessine les relations de l’homme à son environnement”. Un engagement pour faire “face à la crise climatique”…

Claude Popin2

 

Notes de la rédaction

1 Laudato Si’ : lettre encyclique sur la maison commune / pape François (Rome, 24 mai 2015).

2 De Claude Popin, on pourra lire sur notre site sa récente contribution aux Regards intitulée Un dialogue impossible ?  et ses nombreuses recensions.

Retour à l’accueil