Israël-Palestine, un avis de la Cour Internationale de Justice sur l’occupation israélienne et une initiative pour sortir de la crise, promue par l’IReMMO.

Dans la situation sans issue du conflit israélo-palestinien, nous publions le communiqué de presse à propos de l’avis de la Cour Internationale de Justice jugeant illégale l’occupation du territoire palestinien par Israël. Il émane de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine, à laquelle appartient CGM.

Nous diffusons aussi un long texte publié le 15 juillet 2024 sur le site de l’Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (IReMMO. Il pense découvrir un “trou de souris” pour la paix dans la sombre conjoncture actuelle et insiste sur le rôle que peut jouer la France dans une initiative de paix. Le texte est signé par le président et la vice-présidente de l’IReMMO, deux anciens ambassadeurs et deux directeurs de recherche émérites, au CNRS et au Collège des Bernardins.

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La CIJ estime que l’occupation du territoire palestinien par Israël est illégale

La Cour internationale de Justice a rendu vendredi 19 juillet un avis consultatif portant sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et la bande de Gaza.  Plusieurs associations et ONG demandent à la France de prendre en compte les conclusions de la cour pour leur mise en œuvre effective, et ce dans les plus brefs délais.

Dans un avis consultatif rendu public vendredi 19 juillet [1], la Cour internationale de Justice (CIJ) considère que la présence continue d’Israël dans le territoire palestinien est illégale et doit cesser au plus vite. Selon la CIJ, Israël doit évacuer les colons, démanteler toutes les colonies, et réparer [2] les dommages infligés aux personnes physiques et morales concernées par les violations du droit international dont le pays s’est rendu coupable. L’avis consultatif indique que les politiques et pratiques israéliennes équivalent à l’annexion de vastes parties du territoire palestinien occupé.

Par ailleurs, selon la Cour, les Etats tiers ont pour obligation de ne pas reconnaître comme légale la présence illicite d’Israël dans le territoire palestinien occupé, et ne doivent pas prêter aide ni assistance à Israël dans le maintien de l’occupation. Cela implique notamment, selon l’avis consultatif, de “s’abstenir d’entretenir avec Israël des relations économiques ou commerciales concernant le territoire palestinien occupé ou des parties de celui-ci, qui risquent de consacrer sa présence illégale dans le territoire”.

La CIJ considère en outre qu’Israël viole l’article 3 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD), et a donc mis en place une situation qui constitue une politique de ségrégation ou d’apartheid.

Les organisations signataires appellent la France à affirmer l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien et à indiquer quelles mesures elle compte prendre pour s’opposer à la situation d’apartheid, interdire les relations commerciales avec les colonies et demander la suspension de l’accord d’association UE-Israël à la lumière des multiples violations des droits humains décrites dans l’avis consultatif de la CIJ.

Contact presse :

Notes

[1] L’avis consultatif de la CIJ peut être consulté en suivant ce lien : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/186/186-20240719-adv-01-00-frc.pdf

[2] Selon l’avis consultatif de la CIJ, “la réparation comprend la restitution, l’indemnisation ou la satisfaction”.

[3] Article 3 de la CERD : Les Etats parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant de leur juridiction toutes les pratiques de cette nature.

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Israël-Palestine : une initiative politique pour sortir de la crise

Voir ici le texte intégral sur le site de l’IReMMO.

La déclaration commence par une analyse détaillée de la situation, notant une “inflexion stratégique” du Hamas depuis 2021, “l’entrée dans une nouvelle phase du conflit israélo-palestinien”, pour décrire ensuite “quatre scénarios noirs” qui d’ailleurs ne sont pas exclusifs les uns des autres.

“Cette crise majeure de Gaza peut produire des résultats catastrophiques.

  • Comme l’a révélé la séquence guerrière israélo-iranienne d’avril 2024, il y a la possibilité d’une guerre régionale par l’escalade d’un incident entre Israël et un acteur lié à l’Iran pouvant déboucher sur la confrontation armée entre l’Iran et Israël, et conduisant États occidentaux et pays arabes à s’y impliquer.

  • Il existe également la possibilité d’une nouvelle Nakba, d’un nettoyage ethnique par le transfert massif de Palestiniens de Gaza en Égypte, un scénario ouvertement affiché par l’extrême droite israélienne, souhaité par une partie du Likoud, et qui hante les dirigeants palestiniens.

  • Il est un troisième scénario noir possible, celui d’un Gaza devenu une Somalie, une zone sans maître, chaotique, objet d’affrontements sans fin entre l’armée israélienne et des éléments reconstituées du Hamas, à l’image du Liban sud occupé entre 1978 et 2000.

  • Il est enfin le scénario d’une Cisjordanie enflammée par la guerre de Gaza, débouchant sur une troisième Intifada.

Chacun de ces scénarios entraînerait une radicalisation des esprits tant en Israël que dans les territoires palestiniens, faisant naître notamment une génération de Palestiniens prônant la lutte armée sous toutes ses formes.

Ces quatre scénarios noirs sont les plus probables si on laisse cette guerre de Gaza se poursuivre.”

Le texte évoque ensuite “le blocage du processus d’Oslo“, qui fait que “les deux protagonistes restent dans une logique de guerre totale et sont incapables d’en sortir par eux-mêmes”. (…) “Le processus d’Oslo donc ne peut plus être le cadre du règlement du conflit israélo-palestinien”. Et c’est là qu’est introduite l’idée qu’il “existe un scénario positif, celui du trou de souris“. Il consiste d’abord à impliquer dans la recherche de paix “des puissances autres que les protagonistes“.

Les auteurs proposent “trois initiatives politiques” :

  • La reconnaissance de l’Etat palestinien
  • Une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU sur les deux Etats israélien et palestinien
  • La création d’une Coalition pour la paix et la sécurité, dont le premier cercle doit comprendre “l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Jordanie, le Qatar, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Union Européenne”.

Puis ils invitent  à “faciliter quatre changements politiques, quatre bascules” :

  • La construction d’un nouveau statut de Gaza
  • Une profonde réorganisation du mouvement palestinien, en distinguant l’Autorité palestinienne et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui doit rester l’acteur majeur
  • Un changement politique en Israël
  • L’émergence d’un nouvel ordre régional, où l’Arabie saoudite devrait jouer un rôle majeur et où la relation conflictuelle avec l’Iran deviendrait une “relation de dialogue franc et nourri”, lui permettant d’être associé aux travaux de la coalition”.

Voici in extenso les conclusions du document :

  • “La création de l’État palestinien

Si ces différentes bascules se produisaient, au mieux dans les deux ans à venir, elles faciliteraient l’ouverture d’un nouveau processus de résolution du conflit israélo-palestinien reposant sur le principe des deux États.

L’ensemble des dossiers du futur État palestinien devra être traité dans un travail entre la Coalition et les deux parties israélienne et palestinienne. Ces dossiers sont l’établissement des frontières et du territoire, le statut des colonies, la sécurité sur le Jourdain, la démilitarisation, Jérusalem, le droit de retour des réfugiés, la gestion de l’eau, les relations économiques de l’État palestinien.

Il existe d’ores et déjà deux éléments de référence essentiels. Ce sont les travaux menés en parallèle aux Accords d’Oslo sur l’eau et l’économie. Et ce sont les documents de Taba, négociés entre ministres israéliens et représentants d’Arafat en janvier 2001, la déclaration commune publique et le deposit confidentiel. Les futurs paramètres de l’État palestinien y sont déjà tous présents. Il suffit de les reprendre.

Le scénario serait donc le suivant. Après que les différentes bascules se soient produites, le processus de négociation entre la Coalition et les deux protagonistes israélien et palestinien met en place les paramètres de l’État palestinien. Une fois l’État palestinien établi, les élections pourront avoir lieu pour la constitution des organes législatif et exécutif de l’Autorité palestinienne.

La sécurisation des rapports entre Israël et l’État palestinien devra être garantie et assurée par la Coalition.

  • Face à la radicalité religieuse du conflit, une initiative forte pour une action commune des acteurs religieux

A l’évidence, le conflit israélo-palestinien est pourvu aujourd’hui bien plus qu’hier d’une forte dimension religieuse. La crise des acteurs laïcs israéliens et palestiniens, la montée en puissance des acteurs religieux et des radicalisations religieuses, Hamas et partis ultra-nationalistes religieux israéliens, la sacralisation des territoires, font qu’il est essentiel qu’un message de paix, de fraternité, et de dialogue, condamnant fermement tout discours de haine et toute pratique enrôlant le religieux dans des actions de violence, soit exprimé par les leaders religieux locaux, juifs, musulmans, et chrétiens. Le Vatican, le Conseil œcuménique des Églises, l’imam al-Tayyeb, de grands rabbins européens et américains, devraient s’associer à ce message.

Au-delà, il sera nécessaire de promouvoir une résolution intégrale du conflit par l’accompagnement de sociétés brisées par la haine. Un travail culturel, psychologique, approfondi devra être mené des deux côtés. Le dialogue interreligieux local entre les trois monothéismes aura dans cette perspective un rôle essentiel.

  • Agir en faveur du respect du droit international

Il y a eu à l’évidence, dans cette guerre de Gaza, un non-respect du droit humanitaire, ainsi que l’accomplissement de crimes de guerre, tant par le Hamas que par Israël. Et il demeure des risques de génocide. Il convient de poser la question de ce non-respect du droit international, et notamment d’agir en faveur de la liberté d’action de la Cour pénale internationale.

La France doit prendre l’initiative afin que ce scénario du trou de souris prévale. L’enjeu est ambitieux, mais il est à la hauteur de la crise ouverte le 7 octobre.

  • La France est très bien placée pour prendre l’initiative d’un tel projet de paix et de sécurité 

La France a quatre atouts à faire valoir. Sa présence historique dans la région, son lien fort avec toutes les puissances de la région, sa relation privilégiée d’amitié et de solidarité avec Israël et le mouvement palestinien, sa relation de travail avec l’Amérique. Aucune autre puissance européenne ne dispose de ces atouts. Notamment, la France a toute la capacité d’agir et d’influer auprès de ses partenaires européens, américain, et arabes, pour qu’un groupe d’États de bonne volonté se forme au sein d’une Coalition décidée à agir en faveur d’un processus de règlement d’un conflit séculaire qui a suffisamment duré.”

Jean-Paul Chagnollaud, président de l’iReMMO

Agnès Levallois, vice-présidente de l’iReMMO

Antoine Arjakovsky, codirecteur de recherche, Collège des Bernardins

Michel Duclos, ancien ambassadeur de France, conseiller à l’Institut Montaigne

Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS, iReMMO

Jacques Huntzinger, ancien ambassadeur de France, Collège des Bernardins

Institut de recherche et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient
7 rue des Carmes
Paris 75005

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