Elections en Israël et en Palestine.

Élections en Israël et en Palestine.

A l’heure où nous mettons en ligne ce billet, Mahmoud Abbas, le président palestinien, a annoncé le report sine die des élections palestiniennes. Il met en cause la décision de M. Netanyahu de ne pas autoriser le vote des Palestiniens de Jérusalem-Est. Annonce qui a déclenché des manifestations de mécontentement notamment parmi la jeunesse palestinienne.

Et par ailleurs, nous venons de l’apprendre ce matin, M. Netanyahu avait jusqu’à mardi 4 mai minuit pour former un gouvernement, mais le délai a expiré et comme prévu nulle formation n’a pu être présentée au président Rivlin. Il reste alors trois possibilités :

  • soit le président confie ce travail à Yair Lapid, chef de file de Yesh Atid,
  • soit la Knesset (le parlement israélien) désigne un Premier ministre,
  • soit Israël se dirige vers un cinquième scrutin cet été.

Quelles conséquences les résultats de l’une et de l’autre de ces élections auraient pour un futur État Palestinien?

Les élections législatives en Israël ont eu lieu le 23 mars dernier, les législatives et la présidentielle en Palestine étaient prévues pour le 22 mai pour les premières et le 31 juillet pour la seconde.

En ce qui concerne les résultats en Israël, nous en connaissons l’issue maintenant. Une issue qui se révèle très dangereuse non seulement en Israël mais aussi en Palestine car les conséquences du virage vers l’extrême-droite sont catastrophiques pour la Palestine et son avenir mais aussi sans aucun doute pour les Israéliens épris de justice et de démocratie et pour la région.

En effet ces élections, les quatrièmes en presque deux ans pour les électeurs israéliens, marquent la confirmation de la poussée des mouvements religieux intégristes et de l’extrême-droite raciste. Les récents évènements enregistrés ces derniers jours à Jérusalem-Est le prouvent : les manifestations de haine anti-arabes des kahanistes inquiètent tous les démocrates. Au cri de “A mort les Arabes”, de jeunes fanatiques religieux font la chasse aux Arabes. Voir l’article de Dominique Vidal sur son blog chez  Médiapart, qui n’hésite pas à nommer ces évènements d’un mot rappelant de tristes heures de notre histoire récente “un pogrom”.

https://blogs.mediapart.fr/dominique-vidal/blog/250421-amis-journalistes

Pour revenir aux résultats de l’élection israélienne, sur les 120 sièges que compte la Knesset (le parlement israélien),

le “Likoud”, parti de M. Netanyahu, a obtenu 30 sièges
le parti “Yesh Atid” de M. Lapid, 17
le parti “Shas” d’Aryé Dery, 9
“Bleu et blanc” de Benny Gantz , 8
“Yamina” de Naftali Bennet, 7
“Judaïsme unifié de la Torah” de Moshe Gafni, 7
“Israël Beytenou” d’Avigdor Liberman, 7 également
le parti sioniste religieux, 6
le parti “Ra’am” de Mansour Abbas, issu de l’ancienne liste arabe unie, d’approche fondamentaliste, 4.

Quant à la liste arabe unie (liste unifiée) de Ayman Odeh, elle ne remporte que 6 sièges au lieu des 15 obtenus aux précédentes élections, mais la perte de suffrages s’explique par le mouvement dissident islamiste crée par Mansour Abbas qui obtient 4 sièges. Le “Meretz” (parti de gauche) n’obtient que 6 sièges et la liste “Nouvel espoir” 6 également.

Nous voyons donc deux choses :

  • d’une part les difficultés de M. Netanyahu à former un gouvernement. Il a été chargé par le président Reuven Rivlin de cette tâche. “Ce n’est pas une décision facile pour moi, tant moralement qu’éthiquement”, a par ailleurs déclaré le président israélien.

Tâche difficile à réaliser pour B. Netanyahu, le délai pour créer un nouveau gouvernement s’est achevé. Bien qu’il compte sur un soutien des listes d’extrême-droite et du mouvement de Mansour Abbas, qu’il courtise ouvertement et sans aucun scrupule, il semble qu’Israël se dirige vers un cinquième scrutin. N’oublions pas qu’il est sous les feux de la justice israélienne et mis en examen. Son procès sous trois chefs d’accusation, corruption, fraude et abus de confiance vient de démarrer. Mais il n’aurait à démissionner que s’il était condamné définitivement et les multiples recours pourraient prendre des années…

M. Netanyahu est arrivé au terme des 28 jours, plus 15 jours de prolongation, dont il dispose  pour former son équipe.

  • et d’autre part les mouvements de gauche, qu’ils soient israéliens ou palestiniens d’Israël, peinent à asseoir leur audience. Voir le livre récent de Thomas Vescovi, chercheur et journaliste, L’échec d’une utopie, l’histoire des gauches en Israël (1), et le lien vers une de ses conférences https://www.youtube.com/watche?v=JdtP34fwzw.

Mais surtout ils n’arrivent pas à former une véritable alliance sur des bases anti-colonialistes. Pour Amen Odeh (Liste arabe unifiée ), c’est l’égalité totale des citoyens d’Israël qui est revendiquée, pour d’autres mouvements israéliens de gauche le projet sioniste reste premier. Y-a-t-il une place pour une gauche non-sioniste en Israël, une gauche arabe et juive ? C’est une des questions que pose Thomas Vescovi.

Rappelons tout de même qu’Israël est sans budget d’État depuis deux années, faute d’accord et de majorité parlementaire, Benyamin Netanyahu régnant depuis 12 ans.

Les élections en Palestine

Ni Gaza ni la Cisjordanie, Jérusalem-Est compris, n’ont connu d’élections depuis 2006 pour les législatives et 2005 pour la présidentielle. Nombreux sont ceux qui considèrent ces scrutins comme décisifs, mais les dates prévues du 22 mai et du 31 juillet ont été reportées sine die, comme Mahmoud Abbas l’a annoncé. Car l’autorisation par Israël de laisser les Palestiniens de Jérusalem-Est se rendre aux urnes a été refusée. Le 22 avril dernier, l’ONU et les membres européens du Conseil de sécurité, dont la France, ont cependant demandé à Israël d’autoriser ces citoyens à voter aux législatives palestiniennes, conformément aux accords d’Oslo.

Que savons-nous actuellement des listes en présence et de l’opinion des Palestiniens ? Ce scrutin, si l’on en croit le nombre d’inscrits sur les listes électorales (93% des Palestiniens), est très attendu.

Marwan Bargouti , emprisonné depuis 2002, héros populaire en Palestine et membre du Fatah, soutient une liste dissidente “Liberté” dont la tête de liste est un neveu de Yasser Arafat, l’ancien président de l’Autorité palestinienne et ancien leader du Fatah. L’épouse de M. Bargouti, Fadwa, est numéro 2 de cette liste qui espère réussir à gagner les votes des Palestiniens.

Là encore la complexité règne dans le soutien ou non à la liste historique du Fatah et dans la configuration des autres listes… Celle formée avec Fadwa Khader du Parti du peuple palestinien (PPP), celle du Front de libération de la Palestine (FPLP), celle de M. Dahlan (“Avenir”) émigré aux Émirats Arabes Unis, qui revendique une légitimité, sans oublier le Hamas mené par Ismaël Haniyeh, Hamas sorti vainqueur des dernières élections à Gaza. Un sondage réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (2) donne une indication du pourcentage des votes pour chaque liste. 27% des voix iraient au Hamas, 24% au Fatah, 20% à la liste de M. Bargouti, 7% à la liste de M. Dahlan. Mais bien entendu ce n’est qu’un sondage et la date incertaine des élections est encore loin… Tout semble ouvert.

La commission électorale avait pourtant indiqué avoir pris “des dispositions pour permettre aux 150 000 électeurs de Jérusalem-Est de voter dans 11 bureaux de vote à la périphérie de Jérusalem en Cisjordanie”, là où l’approbation d’Israël ne prévaut pas. Le droit de vote de ces citoyens ne leur sera-t-il pas dénié, comme leurs autres droits fondamentaux ? Leurs candidats ne seront-ils pas soumis à des pressions militaires ou policières (environ 60 candidats sur les listes sont résidents de Jérusalem-Est) ?

Les enjeux de ces deux scrutins sont vitaux pour les Palestiniens, pour leur futur. La jeunesse palestinienne est une jeunesse sacrifiée, humiliée par les trop longues années d’occupation militaire, d’arrestations, d’emprisonnements arbitraires.

L’annexion de facto est devenue la norme, les démolitions de maisons notamment à Jérusalem-Est rendent la vie de tout un peuple impossible. Sans parler du vol des terres, de l’émiettement du territoire et de la fragmentation du peuple dans ses diverses composantes, territorialisées de fait, rendant de plus en plus impossible la création d’un futur État palestinien. La question de Gaza et de son blocus qui dure depuis plus de 13 ans, ainsi que le sort des réfugiés, n’en doutons pas, seront au cœur du débat politique en Palestine. La question de la résistance à l’occupation également. Celle aussi du changement des leaders, mais cette question appartient bien au peuple palestinien, à ses forces progressistes et démocrates et à sa jeunesse, comme la question de son droit à l’auto-détermination.

Voir la lettre au haut représentant signée par de nombreuses associations internationales, dont CDM.

https://plateforme-palestine.org/lettre-a-l-Union-europeenne-sur-les-elections-palestiniennes

Ainsi que l’appel de Pax Christi international aux membres du conseil de sécurité de l’ONU pour l’arrêt des expulsions à Jérusalem-Est (3).

https://drive.google.com/file/d/1PbX2-rr12pu9t491QgK8HbCxAk8Rsksy/view?usp=sharing

Nous ne pouvons que souhaiter ardemment que ces élections aient lieu.

Et qu’enfin l’aspiration des Palestiniens à vivre libres, égaux et dans la dignité devienne réalité. Et que leur droit à l’auto-détermination soit reconnu par toute la communauté internationale.

Marilyn Pacouret

Présidente de Chrétiens de la méditerranée,
le réseau citoyen des acteurs de paix.

(1) Thomas Vescovi, L’échec d’une utopie, l’histoire des gauches en Israël. Préface de Michel Warschawski. Éditions La Découverte, 2021. https://www.editionsladecouverte.fr/l_echec_d_une_utopie-9782348043116

(2) Palestinian Center for Policy and Survey Research, organisme indépendant de recherche universitaire sur les enjeux politiques en Palestine. Il mène des sondages d’opinion depuis les années 1990. http://www.pcpsr.org/

(3) Traduction du texte original anglais par les Amis de Sabeel France, reproduite sur notre site, https://www.chretiensdelamediterranee.com/appel-de-pax-christi-a-lonu-contre-les-expulsions-de-palestiniens-a-jerusalem/.

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