Nous faisons écho à ce communiqué de SOS Méditerranée, l’association de secours en mer qui travaille aux côtés de quelques autres au sauvetage des migrants naufragés en Méditerranée. Nous avons plusieurs fois relayé les appels de SOS Méditerranée (1) et plus que jamais le soutien de l’opinion publique et la générosité des donateurs sont nécessaires, face à un rejet croissant des puissances européennes. En témoignent en France les passions que soulève le nouveau projet de loi sur les migrations. On trouvera à la suite un aperçu des dispositions prises par les États européens pour entraver l’action des sauveteurs et retarder leurs interventions, telles que les déplore SOS Méditerranée.
Un naufrage terrible a eu lieu le 14 juin au large de la péninsule du Péloponnèse, au sud-ouest de la Grèce. Au moins 79 personnes ont péri et le bilan risque de s’alourdir de plusieurs centaines de victimes, puisque l’embarcation serait partie de Libye avec 750 personnes à bord, selon l’ONG Alarm Phone.
Nous sommes extrêmement choqué.e.s face à cette nouvelle tragédie mais aussi profondément en colère.
Au moins 27 000 hommes, femmes et enfants ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014. Plus de 1 000 ont disparu depuis le début de l’année en Méditerranée centrale, un record depuis 2017 – sans compter les naufrages invisibles, survenus sans témoins.
Jusqu’à quand devrons-nous compter les morts avant que les États européens n’agissent ? Jusqu’à quand laisseront-ils ces femmes, hommes et enfants mourir devant nos côtes dans l’indifférence la plus totale ?
Cette tragédie aurait pu être évitée. L’Europe a les moyens d’agir pour éviter ces drames, c’est une question de volonté.
Parce qu’il n’est pas acceptable de rester sans rien faire, nous, humanitaires et sauveteur.euse.s, continuerons avec détermination à porter secours à celles et ceux qui fuient pour sauver leur vie. Quels que soient les obstacles.
Pour cela, nous avons besoin de vous.
Merci d’être à nos côtés !
L’équipe de SOS MEDITERANEE
#TogetherForRescue
Crédits : Anthony Jean / SOSMEDITERRANEE
(1) SOS MEDITERRANEE est une association qui a pour mission de sauver des vies, de protéger les personnes rescapées et de témoigner de la situation en mer et des multiples visages de la migration. Voir par exemple sur ce site les articles de François Thomas, président de SOS Méditerranée France:
Migrants : “La mission de SOS Méditerranée est un chemin d’humilité et les personnes rescapées nous apportent une force d’humanité” (27 juillet 2022).
https://www.chretiensdelamediterranee.com/un-nouvel-entretien-avec-francois-thomas-president-de-lassociation-sos-mediterranee-donne-a-nos-partenaires-de-pax-christi/ (7 septembre 2022).
https://www.chretiensdelamediterranee.com/alerte-en-mediterranee-le-navire-de-sos-mediterranee-locean-viking-a-nouveau-bloque-en-mer/ (9 novembre 2022).
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Voici un extrait d’un article du 20 juin 2023, publié sur le site de SOS Méditerranée :
https://sosmediterranee.fr/focus/consequences-des-nouvelles-mesures-contre-les-ong/
Depuis fin 2022, le nouveau mode opératoire imposé par les autorités italiennes affecte drastiquement la capacité opérationnelle des ONG de sauvetage toujours en action en Méditerranée centrale. Résultat, la mortalité augmente et le coût des opérations explose.
“Ce mois d’avril nous a rappelé avec horreur la situation d’urgence humanitaire en Méditerranée centrale et les conséquences de la nouvelle tendance qui consiste à assigner des lieux sûrs éloignés aux navires des ONG”, explique Daniel, marin-sauveteur à bord de l’Ocean Viking. Dans une brève vidéo, il souligne que le mois d’avril a été le plus meurtrier depuis 2017 et que sur cette période notre navire a été éloigné pendant 17 jours de la zone de recherche et de sauvetage et a dépensé 80 000 € de plus en fuel pour couvrir les 5000 Km supplémentaires imposés par ces nouvelles directives. “Cette hausse des coûts pourrait empêcher les ONG de poursuivre leur mission de sauvetage à plus long terme”, précise-t-il.
“Aujourd’hui, une journée en mer coûte 24 000 euros à l’association”.
Dès le mois de décembre 2022, avant même la publication du décret par le gouvernement italien le 2 janvier 2023, promulgué en loi depuis, des ports de débarquement ont été immédiatement attribués aux navires humanitaires après un sauvetage, mais ces ports sont très éloignés de la zone de détresse de Méditerranée centrale, quand ils ne sont pas littéralement à l’opposé du territoire italien (à 1 000, voire 1 300 km de navigation). Les navires humanitaires reçoivent instruction de les rallier sans délai, sous peine d’amende ou de détention et ne peuvent plus optimiser leur présence sur place en recherchant d’autres embarcations en détresse.
(…)
Les temps de navigation et donc la consommation de carburant s’accroissent considérablement, ce qui provoque de nouveau une forte hausse des coûts opérationnels, en plus du doublement des prix du carburant en 2022.
Face à ces évolutions, l’un des principaux défis pour les ONG comme SOS MEDITERRANEE est donc d’ordre économique. Dans un contexte de forte inflation, alors qu’aucun financement d’État ou européen n’est consacré au sauvetage en Méditerranée centrale, réunir les fonds pour soutenir les besoins financiers en hausse constante constitue un défi sans cesse renouvelé.
“ Six personnes meurent chaque jour en Méditerranée centrale”
Encore plus grave, proposer des lieux sûrs très éloignés a pour conséquence de tenir les navires humanitaires hors des zones de détresse pendant de trop nombreux jours, alors même que les moyens de sauvetage y font toujours cruellement défaut et que la coordination par les autorités est défaillante depuis des années.
Dans le même temps, le nombre de traversées étant en forte augmentation depuis les côtes libyennes et tunisiennes, la mortalité atteint des niveaux inégalés depuis 2017 sur les premiers mois de l’année 2023, comme en atteste l’Organisation internationale pour les migrations (1).
Ainsi, témoigne Claire Juchat, actuellement à bord de l’Ocean Viking, depuis le début de l’année, “chaque jour en moyenne, six personnes meurent en Méditerranée centrale. La grande majorité de ces personnes ont moins de 25 ans : autant de femmes, de bébés, de mineur.e.s qui viennent agrandir le cimetière qu’est devenu la Méditerranée. Lors de ma dernière mission, le plus jeune avait deux semaines. Il aurait pu mourir, comme toutes les autres personnes qui reposent désormais au fond de la mer, et à qui je ne peux offrir que ma douleur.”
(1) Voir le communiqué du Directeur général de l’OIM à propos du naufrage du 14 juin 2023 au large du Péloponnèse : “la route migratoire la plus dangereuse au monde, avec le taux de mortalité le plus élevé”.
Sur les circonstances de cette tragédie, voir l’article de Nathalie Birchem dans la quotidien La Croix du 16 juin 2023 : Naufrage en Grèce, deux versions s’affrontent sur les raisons du drame.