Après le cessez-le-feu du 21 mai 2021 en Palestine-Israël.

Nous ne pouvons que saluer avec les habitants de Palestine et d’Israël  l’établissement d’une trêve, le vendredi 21 mai à 2h du matin, après 11 jours de bombardements meurtriers. Le Secrétaire général des Nations-Unies comme le Président des États-Unis s’en réjouissent, tout en déplorant les victimes innocentes, israéliennes comme palestiniennes, en nombre disproportionné, comme d’habitude dans les “conflits asymétriques”. Un article de la revue Courrier International du 21 mai 2021 renvoie à toute une palette de sources.

Les événements

Le déroulement de la nuit du cessez-le-feu est détaillé sur le site de la chaîne d’informations qatarie Al-Jazeera, citée par Courrier International.

Nous nous sommes associés aux appels en faveur de la reconnaissance des droits des Palestiniens. Ils vont de Pax Christi International au Conseil Œcuménique des Eglises, de Kairos Palestine à l’Association France Palestine Solidarité, du CCFD au Patriarcat latin de Jérusalem, et jusqu’au message d’inquiétude du pape François. Nous partageons le soulagement de voir cesser des frappes mortelles.

La trêve, négociée à l’initiative de l’Egypte, est déclarée “inconditionnelle” par le bureau du Premier ministre israélien, cité par Al Jazeera. Elle gèle donc en quelque sorte la situation, sans que les circonstances qui ont amené aux affrontements soient évoquées. En particulier rien n’est dit sur le statut de l’esplanade des Mosquées ni sur les expulsions de résidents palestiniens à Cheikh Jarrah et ailleurs dans  Jérusalem-Est. Tous soulignent la fragilité de cette trêve, et l’on rapporte encore des faits de violence récents. Les négociateurs du Hamas et du Jihad islamique ont annoncé avoir posé des conditions, ils ont été démentis par le ministre de la Défense israélien Benny Ganz (The Times of Israel, 20 mai 2021, “Israel and Hamas agree on Gaza ceasefire to end 11 days of fighting”).

Selon la même source, le gouvernement israélien affirme avoir atteint tous ses objectifs en frappant de manière décisive les groupes palestiniens de Gaza, Hamas et Jihad islamique. Ceux-ci affirment au contraire que leur action a changé la nature du conflit, permettant aux Palestiniens d’exister à nouveau sur la scène internationale. Un responsable du Hamas, cité par le même journal, déclare que “la résistance a établi une nouvelle équation et remporté une nouvelle victoire”. Un correspondant à Jérusalem d’Al Jazeera exprime au contraire le scepticisme qu’il constate sur place : “Il y a beaucoup d’inquiétudes et d’interrogations sur ce que chacun a pu gagner, sinon plus de morts et de destructions”. L’Office de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) relève que des dizaines de milliers de personnes ont dû fuir leurs habitations à Gaza (1).

Le rôle des États-Unis

Un élément important est relevé par les divers organes de presse. Le changement d’attitude du Président des États-Unis a été décisif. De fait, son poids est déterminant car l’aide américaine contribue à l’effort de guerre israélien à hauteur de plusieurs milliards de dollars par an. L’insignifiance politique de l’Europe a éclaté aux yeux de tous. Elle s’est contentée de suivre les États-Unis dans leur revirement. Chaque État d’Europe a joué de son côté, de l’Allemagne culpabilisée par la Shoah à la Hongrie, dont le régime autoritaire est cyniquement complice d’Israël malgré son antisémitisme. Quant à la France, son gouvernement s’est implicitement aligné sur celui d’Israël pour des raisons de politique intérieure, allant jusqu’à réprimer la manifestation parisienne soutenant le mouvement palestinien. Le Président des États-Unis est ainsi passé d’une position de retrait, affirmant qu’il n’allait pas refuser à Israël le droit d’assurer sa défense, à une intervention en direction du gouvernement israélien lui-même, puis de l’Égypte, voisine de Gaza, alliée indéfectible des États-Unis, et en mesure de parler aux parties en présence, qui se refusaient à avoir des négociations directes. Contre son gré il est ainsi amené à se consacrer à la question plus générale de la paix au Moyen-Orient, ce qui n’était pas dans ses priorités.

Une conséquence en est que son Secrétaire d’État, Anthony Blinken, s’est lancé dans une tournée politique au Moyen-Orient. Pourrait-elle être l’occasion pour les États-Unis de redessiner leur politique, et de prendre au sérieux l’impossibilité de la solution “à deux États” (2), formule hypocrite qui ne fait plus illusion pour personne ? (3)

Du cessez-le-feu à de véritables perspectives de paix

Que les armes se taisent est important. Ce n’est pas pour cela qu’une solution politique durable est en vue. La solution à un seul État démocratique (qui ne peut être un État “juif”, donc c’est la fin du projet sioniste…) est la seule sur le papier, mais il s’agit bien d’une utopie rendue encore plus difficile à réaliser par les derniers événements de violence dans les villes israéliennes dites “mixtes”. Un article d’Asaf Ronel, journaliste du quotidien israélien Haaretz, intitulé “La “coexistence pacifique” de Jaffa, ma ville, s’effondre sous mes yeux”, en témoigne (4).

Tous les observateurs sérieux sont effarés devant l’impasse totale. Les violences des colons dans les Territoires occupés, comme celle des groupes racistes d’extrême-droite, soutenus par le gouvernement, exacerbent les tensions. Les partis palestiniens sont exsangues, y compris le Hamas, dont la riposte violente a été critiquée comme sans véritable objectif, sinon une visée électoraliste. Les déclarations de l’administrateur du patriarcat latin de Jérusalem et de Kairos Palestine font écho à ces critiques. Est-ce le moment pour que les acteurs renversent enfin la table et imaginent une issue (5) ? En tout cas c’est plus que jamais le moment de soutenir toutes celles et tous ceux, individus et collectifs, qui accompagnent les aspirations des Palestiniens et des Israéliens à une paix juste et durable.

(1) Voir l’état des pertes au neuvième jour de l’offensive israélienne dans le remarquable éditorial de Dominique Vidal sur le site de l’Institut de Recherche Méditerranée et Moyen-Orient (iReMMO). Intitulé “L’hubris, la puissance et la faiblesse” il dénonce avec véhémence la démesure d’un gouvernement israélien qui ose toutes les violences, sans craindre les réactions internationales grâce au silence complice de la plupart des médias, mais il entrevoit ce que ses excès mêmes portent de faiblesse dans la durée.

(2) Voir l’article de Yousef Munayyer dans la revue Foreign Policy du 12 mai 2021, cité par la revue Courrier International, 26 mai 2021, Green-Lined Vision Is Blurring Reality in Israel-Palestine“, “Une vision politique fondée la ligne verte brouille la réalité en Israël-Palestine”. Il est intéressant en ce qu’il rappelle que la solution à deux Etats, définis par la “ligne verte”, la ligne séparant Israël des Territoires palestiniens jusqu‘en 1967, est devenue pratiquement impossible, mais qu’elle est la seule qui ait valeur d’un point de vue international. Elle est la base des résolutions de l’O.N.U. C’est à elle que le gouvernement des États-Unis est obligé de se référer…

(3) Voir La Croix du 21 mai 2021, “Israël-Palestine, une solution à deux États est-elle encore possible ?”

(4) L’article a été refusé par la direction du journal. Il a été publié par le quotidien britannique The Guardian le 20 mai. A la suite de cela le journaliste a donné sa démission, comme il s’en explique dans un blog sur Médiapart publié en français avec la traduction de son article.

(5) Éditorial du journal Le Monde, 22 mai 2021, “Israël-Palestine : changer de paradigme”.

CDM

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