''A un ami israélien – avec une réponse d'Elie Barnavi'' de Régis Debray

Livre de Régis Debray “A un ami israélien (avec une réponse d’Elie Barnavi)”  Flammarion, mai 2010

Sermon à Israël

L’exercice tient de la paire de gifles assénée à l’évanoui, ou du prunier secoué en juillet pour en obtenir les fruits. Régis Debray administre ce traitement de choc ” à un ami israélien “, en l’occurrence l’ancien ambassadeur en France Elie Barnavi.

 

Revenu d’à peu près tout, Régis Debray sermonne à la mitraillette, alignant comme à la parade les formules et les cibles. En vérité, ce sont les mythes israéliens, anciens comme nouveaux, reconstruits ou savamment entretenus, qu’il passe, en iconoclaste, à la paille de fer, ce qui fait que son épître tombera des mains de ceux qui ne peuvent concevoir un regard sur Israël non accompagné d’empathie généreuse ou de respectueuses génuflexions. Car, pour Régis Debray, si c’est l’Occident que les dirigeants israéliens disent défendre sur place, ” un Occidental a son mot à dire sur la façon dont ils assument nos valeurs en Orient “.

La charge vise l’incapacité à trouver un terme digne à l’affaire palestinienne et se concentre sur le protagoniste israélien (” On ne semonce pas un vaincu – le Palestinien – quand il est à terre, on ne doit s’en prendre qu’aux forts, aux victorieux, à ceux de son bord, qui ont une bonne image et du vent dans les voiles”). Pourquoi cet échec ? Parce que l’idéal d’Israël a été gâté, selon M . Debray, par le retour aux sources religieuses, décuplé par la divine victoire de 1967, et qui dope aujourd’hui un patriotisme obsidional. Car ce triomphe a ouvert la voie à la muraille du Temple à Jérusalem, au caveau des Patriarches à Hébron et à une multitude de tombeaux parsemés en Cisjordanie.

Bref, Israël n’est plus ce qu’il a été. ” Ben Gourion et les siens croyaient se servir du judaïsme de grand-papa pour construire un avenir flambant neuf “, mais ” l’idiot utile n’a pas été le rétrograde à caftan et papillotes mais le visionnaire en chemisette blanche “.

Israël a changé sans mesurer les transformations qui ont accompagné sa mue. Et Régis Debray de dépeindre un Occident où l’antisémitisme a été sinon éradiqué, du moins réduit à ” l’écume “ (” La seule phobie aujourd’hui enracinée en France, tolérée sinon encouragée, stigmatise les minarets, non les synagogues “), et où la révérence tiendrait désormais de posture vis-à-vis d’Israël : ” La figure symbolique du juif français est le chouchou de la République. Elle lui devait bien ça, mais les chouchous agacent. “ Pour tirer Israël du marais des territoires palestiniens dans lesquels il s’enfonce et se perd, les Israéliens, assure Régis Debray, ne doivent miser que sur eux-mêmes et ” trouver des portes cachées dans les murs qui les cernent “. Inutile de compter sur un deus ex machina américain, comme l’espère Elie Barnavi, révulsé par l’impuissance de deux lutteurs de forces inégales mais également décrédibilisés.

 

Le dialogue vigoureux et le caillassage verbal sont souvent de mise dès lors qu’il est question d’Israël et de Palestine. Mais, à dire vrai, Régis Debray et Elie Barnavi défendent le même camp de la paix. Un camp ébranlé par ce qu’il tient pour l’affaissement politique du pays. Un camp qui a été défait en rase campagne par la droite, avec l’aide des Palestiniens, et qui tente de reprendre de la voix aujourd’hui sur le sol européen au travers d’un ” appel à la raison ” (JCall) d’ores et déjà âprement disputé. Gilles Paris , article publié le 18 mai 2010 dans le  journal Le Monde 

 

Le Livre ”  A un ami israélien est une lettre adressée à Élie Barnavi, auteur des Religions meurtrières dans la collection Café Voltaire. Sur des sujets brûlants comme Israël et la Palestine, le statut des Juifs et la question de l’antisémitisme en France, Régis Debray pose des questions essentielles, avec une acuité et un recul remarquables. Aucune provocation, mais bien plutôt une arme, un style qui accompagne une pensée. Un ouvrage qui ouvre le débat, avec rigueur et avec liberté. Élie Barnavi répond en fin d’ouvrage à Régis Debray. 

 

Description: ” Vous avez lu ça ? ” me demande un journaliste de Radio France en brandissant la Lettre à un ami juif, qui vient de paraître. ” C’est très bien, vous verrez, Souss a les mêmes idées que vous, vous êtes faits pour vous entendre. Pour une fois, des deux côtés de la barricade, on entend le même son de cloche…” J’ai lu ” ça “. Je l’ai lu d’une traite, avec l’impatience inquiète du faux sceptique qui ne demande qu’à croire. Autant le dire tout de suite, j’ai été déçu. Lettre à un ami juif à l’intention des amis français, tel devrait être le titre de cet opuscule. Car il n’est rien d’autre qu’un pamphlet à usage externe. Alors, comme il y a peu de chances que cet irréel ” ami juif ” réponde, j’ai décidé de le faire à sa place. Sur la guerre et la paix, l’Histoire et le présent, sur la morale et la politique, sur le soulèvement palestinien et la répression israélienne, sur ce qui nous sépare et ce qui, malgré tout, nous unit, voici ma réponse.