À Jérusalem-Est, “les gens doivent comprendre ce qui se passe lorsque des colonies sont construites” (Nouvelles du Conseil Œcuménique des Églises).

Nous reproduisons cet article de Rachel Schwartz paru le 16 mars 2023 dans les Nouvelles du Conseil Œcuménique des Églises, media en ligne dont CDM est partenaire.

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https://www.oikoumene.org/fr/news/in-east-jerusalem-people-need-to-understand-what-happens-when-settlements-are-built

Pour les 380 000 Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est, la vie quotidienne est souvent entachée d’inégalités dans des domaines aussi variés que le logement, les services de santé, la garde d’enfants et même le ramassage des ordures. Bien que les Palestiniens représentent 39% de la population de la ville, il existe de nombreuses disparités dans les services qu’ils reçoivent.

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22 novembre 2022, Jérusalem, Palestine: Vue de la vieille ville de Jérusalem et de Jérusalem-Est. Photo: Albin Hillert/COE

16 Mars 2023

Rachel Schwartz est coordinatrice de la sensibilisation publique internationale pour Ir Amim (qu’on peut traduire par “Cité des Nations” ou “Cité des Peuples”), organisation israélienne à but non lucratif qui se concentre sur Jérusalem dans le contexte du conflit israélo-palestinien.

Mme Schwartz suit les dernières actualités concernant l’évolution des colonies et leurs ramifications sur les droits de l’homme et l’avenir politique.

Elle a pris le temps d’expliquer où commencent les divergences entre les colonies israéliennes et les quartiers palestiniens – et cela revient au processus de création d’un quartier.

Cela signifie qu’il faut procéder à un zonage, a expliqué Mme Schwartz. “Il faut des plans de zonage pour construire un quartier. Je ne connais aucun quartier palestinien qui ait bénéficié d’un plan de zonage actualisé au cours des dernières décennies”, a-t-elle déclaré.

Pour les Palestiniens, les plans de zonage sont largement dépassés. “Il est impossible d’obtenir des permis de construire pour de nouvelles constructions qui répondraient à la croissance naturelle de la population”, a-t-elle précisé, ajoutant que si un Palestinien construit une maison sans permis, il s’expose à des démolitions.

“Nous constatons même que, rien que cette année, au cours des deux premiers mois de 2023, il y a eu 55 démolitions à Jérusalem-Est”, dit-elle. “Vingt-deux ont été des démolitions de maisons et 33 d’unités non résidentielles, comme des entrepôts ou des magasins”.

En 2022, 40 000 unités de logement ont été approuvées pour les Israéliens dont 23 000 dans des colonies. En revanche, 6 000 unités de logement ont été approuvées pour les Palestiniens, qui représentent pourtant 39% de la population.

“Les chiffres sont très révélateurs”, a déclaré madame Schwartz. “Regardez les terres allouées aux Palestiniens. Seulement 8,5% des terres allouées leur sont destinées”.

Jérusalem-Est souffre d’une grave pénurie de logements et d’un manque de services. “Nous le constatons également en ce qui concerne le niveau et les conditions de vie”, a déclaré madame Schwartz. “Les ressources municipales allouées aux Palestiniens de Jérusalem-Est sont très limitées”.

Qui est le plus touché?

Les femmes et les enfants sont les plus touchés par cette inégalité.

En janvier 2020, il y avait quatre crèches publiques pour 40 000 enfants à Jérusalem-Est, contre 118 crèches publiques pour 72 000 enfants à Jérusalem-Ouest.

Il existe également une différence entre les quartiers israéliens et palestiniens en ce qui concerne le rôle des femmes dans l’espace public.

Parmi les femmes juives, 82% participent à la vie active, alors que les femmes arabes ne sont que 26% à le faire. Leurs rôles différents, combinés à la disponibilité ou à l’absence de services de garde d’enfants, ont un effet cyclique.

“Les femmes sont les laissées-pour-compte de tous ces problèmes”, explique madame Schwartz, en particulier lorsqu’il s’agit de démolir des maisons. “Souvent, les femmes sont responsables des maisons et ce sont elles qui doivent s’occuper des enfants, elles sont donc au foyer et leurs maisons sont menacées de démolition. Que faire lorsque l’on est femme au foyer et que l’on n’a plus de maison?”

Et, plus simplement, les enfants palestiniens n’ont même pas d’endroit où jouer. “Il n’y a pratiquement pas de parcs pour les enfants palestiniens à Jérusalem-Est”, a expliqué madame Schwartz.

Les routes sont en relativement mauvais état à Jérusalem-Est, et madame Schwartz a ajouté: “Sans parler des trottoirs”. Même le ramassage des ordures est beaucoup plus rare dans les quartiers palestiniens.

Promouvoir la prise de conscience

Alors que les nouvelles colonies font la une de l’actualité internationale, Mme Schwartz souhaite sensibiliser les gens à ce qui se passe en coulisses.

“Il est important de savoir que la construction des colonies est un processus long, compliqué et bureaucratique”, a-t-elle déclaré. “C’est très technique, c’est très long et cela fait l’objet d’innombrables discussions”.

Tant qu’une colonie n’a pas reçu l’approbation finale, il est très difficile de comprendre ce qui se passera dans la réalité.

Mme Schwartz et ses collègues d’Ir Amim se frayent régulièrement un chemin dans une bureaucratie compliquée, épluchant souvent les journaux à la recherche des avis de zonage légaux requis.

Elle craint qu’il n’y ait aucun moyen d’arrêter l’expansion de colonies.

“Le seul moyen que nous ayons trouvé pour ralentir l’expansion des colonies est l’intervention internationale, c’est-à-dire la mobilisation des personnes en dehors d’Israël pour que leurs consulats ou leurs ambassades fassent pression sur Israël”, a-t-elle déclaré. “Les gens doivent comprendre ce qui se passera si ces colonies sont construites”.

Si les colonies prévues deviennent une réalité, cela pourrait signifier que des milliers et des milliers de personnes se verront refuser les droits de l’homme. Pour parvenir à la paix dans la ville, il faut une solution mutuellement acceptée qui garantisse les droits de l’homme et les droits civils des Israéliens et des Palestiniens et qui maintienne l’attachement historique, religieux et politique, à la ville.

“Il est important que nous comprenions qu’une vie sûre et stable à Jérusalem ne peut exister que si les deux groupes de personnes peuvent vivre leur vie quotidienne de manière pacifique dans cette ville”, a déclaré Mme Schwartz.

Elle continue donc de travailler pour faire de cette vision une réalité. “Je pense que je tiens bon en pensant à l’alternative qui consisterait à ne pas faire ce travail, c’est-à-dire à rester assise, en colère, sans rien faire”, dit-elle. “Ce travail est très difficile. Nous poussons le rocher en haut de la colline et il redescend tout de suite”.

Mais elle ne peut se contenter de laisser les colonies se développer et les droits des Palestiniens être anéantis. “J’ai l’impression d’être un petit rouage dans une machine géante”, dit-elle. “Mais il faut faire quelque chose. Il s’agit de la vie et de la dignité des gens”.

Elle est reconnaissante envers des programmes tels que le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI) du Conseil œcuménique des Églises. “Nous avons une bonne expérience de collaboration en matière d’information”, a-t-elle souligné. “Nous rencontrons les cohortes de l’EAPPI pour les orienter, nous organisons des réunions d’information et des représentants de l’EAPPI interviennent lors de nos ateliers”.

Pour ce qui est de l’appel à l’action, Mme Schwartz souhaite que les gens restent informés et actifs. “Apprenez tout ce que vous pouvez sur ce qui se passe”, dit-elle. “Informez-vous auprès de bonnes sources”.

On peut aussi lire avec intérêt, dans le même media, une analyse de la stratégie israélienne d’annexion de la partie de la Cisjordanie allant de Jérusalem au Jourdain (“zone E1”), visant à retirer aux Palestiniens qui y vivent leurs moyens d’existence et à les pousser ainsi à l’exil. Cela revient en plus à couper la Cisjordanie en deux.

https://www.oikoumene.org/fr/news/e1-land-holds-future-promise-for-palestinians-but-will-those-dreams-be-shattered

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