Femmes au Maroc : témoignage protestant

Le 10 mars 2012, une jeune paysanne marocaine de 16 ans, Amina Filali, se suicide après avoir été contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée. L’émoi est encore fort dans l’ensemble de la société. Témoignage du pasteur Karen Smith, en poste dans le Moyen-Atlas, pour le journal Réforme le 29 juin 2012.

« Le cas d’Amina Filali a soulevé des questions dans la société, et pour le gouvernement islamiste modéré, ce cas représente une vraie difficulté, analyse la pasteur Karen Smith. Pourtant le roi Mohamed VI lui-même avait proposé au Parlement un changement important de la loi en 2004 pour donner aux femmes plus de droits. C’est grâce à l’effort de Sa Majesté que cette loi, la Moudawana, a progressé, malgré les fortes réticences. »

Grâce à cette nouvelle législation, la famille est placée sous la responsabilité conjointe des deux époux, la femme ne devant plus « obéissance » à son mari. La femme peut demander le divorce. La première épouse doit donner son consentement pour que son mari prenne une deuxième femme, ce qui rend la polygamie quasiment impossible. Un mari ne peut plus répudier sa femme sans l’accord d’un juge.

De plus, l’âge légal pour se marier passe de 15 à 18 ans. C’est pourquoi le cas d’Amina Filali a été particulièrement choquant : un juge a autorisé son mariage avec son agresseur, pour éviter la prison à ce dernier, alors qu’elle n’avait pas l’âge légal de se marier.

Depuis, les féministes marocaines réclament l’abrogation de la loi 475, qui évite la prison à un homme qui viole une femme s’il l’épouse. Selon Karen Smith, « à l’université, les étudiantes féministes militent pour cela. Certaines portent le hijab (voile, ndlr), mais sont féministes quand même. Elles revendiquent le droit d’être à la fois musulmanes et féministes, même si leurs voiles dérangent quelques militantes des années 1970 ». Pour autant, selon la pasteur, « la grande lutte est surtout celle qui consistera à informer la population de ses droits, car elle les ignore ». La Moudawana est une grande avancée pour la femme marocaine, mais encore trop peu connue…