Gaza au cœur : un appel urgent du CCFD-Terre Solidaire ; un paysan en grève à Paris pour qu’une poétesse soit accueillie en France.

Ne pas laisser seuls les gens de Gaza au plus fort des épreuves, quand l’offensive israélienne laboure les ruines de la ville en y multipliant les morts. C’est pour cela que notre partenaire le Ccfd-Terre solidaire lance un appel urgent, car par des organismes agissant sur place, il a encore les moyens de faire parvenir des secours. Et bouleversé par l’écrit d’une poétesse de Gaza, Mathieu Yon, paysan dans la Drôme, vient faire grève à Paris pour obtenir son accueil en France.

Urgence absolue à Gaza : agissons ensemble

A Gaza, la guerre s’intensifie depuis le début du mois de septembre, avec un ordre de l’armée israélienne d’évacuation totale de Gaza ville et un assaut terrestre… Cela vient empirer encore une situation déjà insoutenable : le bilan humain s’élève à plus de 65 000 morts, 165 000 blessés, et plus de 90% de la population déplacée à de multiples reprises.

Sur place, les conditions sont absolument intenables. Les bombardements s’intensifient, et la famine frappe plus de 500 000 habitants de Gaza. Les familles, privées d’eau, de nourriture et de soins, survivent dans des tentes.

Un enfant palestinien déplacé marche parmi des tentes détruites après une frappe israélienne à Gaza, le 13 septembre 2025.

Nos organisations partenaires, présentes à Gaza, en Cisjordanie et en Égypte, restent mobilisées. Elles tiennent, résistent, agissent et sauvent.

Ainsi, après les récents ordres d’expulsion de Gaza par l’armée israélienne, les équipes de notre partenaire Culture et Pensée Libre (CPL) augmentent les capacités d’accueil des deux camps situés à Khan Younis pour y accueillir 550 familles, soit près de 3 200 personnes. CPL a besoin de moyens supplémentaires pour acheter des tentes, et assurer leur approvisionnement en nourriture, en eau et en électricité.

Les équipes de notre partenaire Filastiniyat continuent de soutenir les journalistes de Gaza dont les rangs ont été décimés : de nombreux journalistes ont été tués dans des bombardements israéliens, d’autres ont été contraints de fuir dans d’autres villes ou en Égypte. Les moyens actuels manquent pour leur offrir des espaces de travail tout équipés, un soutien financier, ainsi qu’une aide psychologique afin qu’ils continuent à rendre compte de la situation à Gaza.

Enfin, notre partenaire Community Development and Media Center (CDMC) agit auprès des jeunes en proposant des ateliers en sécurité numérique et soutien psychologique d’urgence et leur fournit des biens de première nécessité dans les zones les plus affectées.

Toutes ces actions sont véritablement vitales pour la population de Gaza. Dans l’immédiat, les moyens de nos organisations partenaires manquent cruellement pour agir alors que les besoins sont urgents et immenses.

Faire un don

Votre soutien est crucial : faites un don dès maintenant au CCFD-Terre Solidaire et à ses partenaires sur place pour soutenir la population de Gaza.

Texte et image Ccfd-Terre solidaire

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“Évacuez ma sœur de Gaza : paysan, il se met en grève devant le ministère des Affaires étrangères à Paris

Mathieu Yon, chroniqueur du media en ligne Reporterre, fait grève de son métier de paysan devant les instances de l’Etat français pour alerter sur le sort d’une poétesse de Gaza, Alaa al-Qatraoui, qu’il considère comme sa sœur, afin qu’elle soit admise en France. Voici son témoignage.

Une grève pas comme les autres

Ma grève ne sera pas une grève comme les autres : elle n’exigera pas du gouvernement des prix planchers ou un revenu décent. Elle n’évoquera pas mes conditions de travail pénibles ou ma protection sociale dérisoire. À Paris, face au ministère des Affaires étrangères, je m’assiérai chaque jour sur un banc ou à même le sol, du matin au soir et par tous les temps, avec un message simple écrit sur un morceau de carton : “Monsieur le ministre, évacuez ma sœur de Gaza.

Il y a plusieurs mois, j’ai lu un recueil de poètes gazaouis. Et j’ai été bouleversé, comme si les mots m’avaient appelé dans la nuit de Gaza. Ces mots avaient un visage, et ce visage avait un nom : Alaa. Elle et moi, nous avons tissé des liens puissants, inimaginables. Il y a plusieurs jours, sans concertation et chacun de notre côté, nous avons écrit un poème à partir d’un même verset du Coran : “Pas une feuille ne tombe qu’Il ne le sache”. Et je me demande encore, quelle était la probabilité d’écrire un poème à partir d’un même verset du Coran ?

Le soir, des prières tombent dans mes mains,
dans un bruit impossible à déceler.
J’accroche des silences au mur
mais le Lieu précis, inaccessible
continue de m’échapper.
Alaa, j’ignore si Gaza est le nom
d’un lieu ou d’une blessure.

Mathieu – Dieulefit – 31 août

La pluie tombe des nuages, et les enfants se réjouissent,

et les amoureux éprouvent une vague de nostalgie.

Les fruits tombent lorsqu’ils sont mûrs.

Tomber n’est pas une faiblesse ;

cela peut être une forme de perfection.

Les larmes tombent —

pour permettre au cœur d’exprimer sa douleur, son silence, ses blessures.

Les maisons s’effondrent sur leurs habitants à Gaza –

pour témoigner de la mort de ceux qui nous regardent en silence.

Chaque chute est porteuse d’un message.

Alaa – Gaza – 1ᵉʳ septembre

Les mots d’Alaa tombent dans mes pensées. Et parfois, je froisse les pages du Talmud pour en retrouver la trace. Dans le Traité Yoma, les rabbins réfléchissent aux multiples manières de “sauver une vie. Et leurs réponses, toujours plurielles, sont vertigineusement contemporaines. L’une d’entre elles est la suivante : “Quand il s’agit de sauver une vie, on ne suit pas la majorité.

“Aucun calcul ne saurait justifier qu’une vie humaine ne soit pas sauvée des décombres

Si j’interprète l’interprétation des Sages du Talmud : la décision de sauver une vie ne doit jamais être prise au regard du nombre et de la majorité. Aucun calcul, même politique, ne saurait justifier qu’une vie humaine ne soit pas sauvée des décombres. L’État français a les moyens de sauver une vie et même plusieurs, par l’intermédiaire du programme Pause qui soutient les chercheurs et artistes contraints à l’exil, des visas étudiants…

Contrairement aux apparences, le gel de l’accueil des Gazaouis depuis le 1ᵉʳ août 2025 n’est pas le signe d’une protection des Français, mais celui d’un effondrement moral, terriblement silencieux. Alors que les ruines de Gaza nous obligeraient à rebâtir une “dignité du présent, pour reprendre les mots de Corinne Morel Darleux : notre faillite morale ne cesse de s’accroître. C’est pourquoi je me tiendrai dignement dans le présent, face au ministère des Affaires étrangères, jusqu’à obtenir gain de cause.

Alors, je pourrai regagner mon champ : retrouver le chant des oiseaux et le bruit de la rivière, la rosée sur mes bottes et les douleurs de dos. Et je serai heureux, même si ma condition paysanne est restée la même. Je serai heureux qu’Alaa puisse entendre le chant des oiseaux et le bruit de la rivière, qu’elle puisse sentir la rosée sur ses pieds et la fraîcheur nocturne des montagnes qui descend dans la vallée. À cet instant, je me sentirai moins seul, et ma condition paysanne me paraîtra moins dure, presque envisageable.

Un banc pour Gaza

“Nous embrassons le bois jusqu’à ce que les racines repoussent
Un poète arabe, mort en 708.

Le mercredi 24 septembre, le Collectif de Dieulefit pour l’accueil d’Alaa organise une conférence de presse devant le ministère des Affaires étrangères à Paris, afin de protester contre l’injuste décision politique de suspendre l’accueil des Gazaouis.

À l’issue de cette conférence, je me tiendrai chaque jour et par tous les temps de 9 heures à 19 heures, sur un banc public situé entre le ministère des Affaires étrangères et l’Assemblée nationale, sur le quai d’Orsay, avec une demande simple et interminable : la reprise de l’accueil.

À partir du 24 septembre, je serai présent chaque jour, comme si j’ouvrais un espace “enduré en son lieu où les écrivains, les traducteurs, les musiciens, les circassiens, les cinéastes pourraient proposer une lecture, un enregistrement sonore, une danse, une musique, une performance…

J’aurai besoin de votre passage, même fugace, imprévisible et sans prévoir, pendant les horaires d’ouverture. Pour Alaa et pour tous les Gazaouis qui attendent de pouvoir venir en France.

Mathieu Yon, maraîcher dans la Drôme

Texte et image Mathieu Yon pour Reporterre

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