Déclaration conjointe des dirigeants de la France, du Royaume-Uni et du Canada sur la situation à Gaza et en Cisjordanie. Appel 2025 de Global Kairos for Justice. Gérer la faim, protestation des Amis de Sabeel en Amérique du Nord.

La déclaration a été publiée sur le site de l’Elysée le 19 mai 2025. Elle peut être vue comme allant dans le sens de l’appel de l’organisation œcuménique “Kairos Palestine pour la justice”, reproduite plus bas.. Elle affirme en particulier :

“Nous soutenons fermement les efforts déployés par les États-Unis, le Qatar et l’Égypte pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Seuls un cessez-le-feu, la libération de tous les otages restants et une solution politique à long terme offrent le meilleur espoir de mettre fin à l’agonie des otages et de leurs familles, d’alléger les souffrances des civils à Gaza, de mettre fin au contrôle du Hamas sur Gaza et d’ouvrir la voie à une solution à deux États, conformément aux objectifs de la conférence du 18 juin à New York, coprésidée par l’Arabie saoudite et la France.”

Voici son texte in extenso.

Nous nous opposons fermement à l’extension des opérations militaires israéliennes à Gaza. Le niveau de souffrance humaine à Gaza est intolérable. L’annonce faite hier par Israël d’autoriser l’entrée d’une quantité minimale de nourriture dans la bande de Gaza est tout à fait insuffisante. Nous demandons au gouvernement israélien d’arrêter ses opérations militaires à Gaza et d’autoriser immédiatement l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Cela doit inclure un engagement avec les Nations Unies pour assurer la reprise de l’acheminement de l’aide dans le respect du droit humanitaire. Nous demandons au Hamas de libérer immédiatement les derniers otages qu’il retient si cruellement depuis le 7 octobre 2023.

Le refus du gouvernement israélien d’apporter une aide humanitaire essentielle à la population civile est inacceptable et risque d’enfreindre le droit international humanitaire. Nous condamnons le langage odieux utilisé récemment par des membres du gouvernement israélien et la menace agitée d’un déplacement forcé des civils confrontés à la destruction désespérante de Gaza. Le déplacement forcé permanent est une violation du droit international humanitaire.

Israël a subi un attentat atroce le 7 octobre. Nous avons toujours soutenu le droit d’Israël à défendre les Israéliens contre le terrorisme. Mais cette escalade est totalement disproportionnée.

Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement Netanyahou poursuit ces actions scandaleuses. Si Israël ne met pas fin à la nouvelle offensive militaire et ne lève pas ses restrictions sur l’aide humanitaire, nous prendrons d’autres mesures concrètes en réponse.

Nous nous opposons à toute tentative d’expansion des colonies en Cisjordanie. Israël doit mettre fin aux implantations qui sont illégales et compromettent la viabilité d’un État palestinien ainsi que la sécurité des Israéliens et des Palestiniens.  Nous n’hésiterons pas à prendre d’autres mesures, y compris des sanctions ciblées.

Nous soutenons fermement les efforts déployés par les États-Unis, le Qatar et l’Égypte pour obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Seuls un cessez-le-feu, la libération de tous les otages restants et une solution politique à long terme offrent le meilleur espoir de mettre fin à l’agonie des otages et de leurs familles, d’alléger les souffrances des civils à Gaza, de mettre fin au contrôle du Hamas sur Gaza et d’ouvrir la voie à une solution à deux États, conformément aux objectifs de la conférence du 18 juin à New York, coprésidée par l’Arabie saoudite et la France. Ces négociations doivent aboutir et nous devons tous travailler à la mise en œuvre d’une solution à deux États, seul moyen d’apporter la paix et la sécurité durables que méritent les Israéliens et les Palestiniens et d’assurer la stabilité à long terme de la région.

Nous continuerons à travailler avec l’Autorité palestinienne, les partenaires régionaux, Israël et les États-Unis afin de parvenir à un consensus sur les dispositions à prendre pour l’avenir de Gaza, en s’appuyant sur le plan arabe. Nous affirmons le rôle important de la conférence de haut niveau sur la solution à deux États qui se tiendra aux Nations unies en juin pour dégager un consensus international autour de cet objectif. Nous sommes déterminés à reconnaître un État palestinien en tant que contribution à la réalisation d’une solution à deux États et nous sommes prêts à travailler avec d’autres à cette fin.

Source https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2025/05/19/declaration-conjointe-des-dirigeants-de-la-france-du-royaume-uni-et-du-canada-sur-la-situation-a-gaza-et-en-cisjordanie

Texte en anglais https://www.elysee.fr/en/emmanuel-macron/2025/05/19/joint-statement-from-the-leaders-of-the-united-kingdom-france-and-canada-on-the-situation-in-gaza-and-the-west-bank

On peut voir ici les commentaires du media en ligne Euronews.

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Appel mondial 2025 de Global Kairos for Justice
pour affirmer et défendre les droits des Palestiniens et le respect du droit international.

Kairos nous demande de diffuser le plus largement possible cet appel publié le 12 mai 2025, de le signer sur Change.org par ce lien et de l’envoyer au ministre des Affaires étrangères, aux dirigeants politiques concernés ainsi qu’aux dirigeants des communautés religieuses en les encourageant à également signer et diffuser cet appel.

Nous sommes voisins aujourd’hui, tous et partout dans le monde, et vivons une époque de chaos mondial marqué par la destruction de l’environnement, l’aggravation des catastrophes écologiques, une inégalité croissante entre riches et pauvres, l’influence excessive des entreprises, la montée de l’autoritarisme et des guerres sans fin.

Nous-mêmes sommes un mouvement composé de communautés de foi, d’étudiants, d’universitaires, d’organisations à but non lucratif, d’organisations de la société civile, de membres de syndicats, d’hommes d’affaires et d’autres gens de conscience et de bonne volonté qui voulons dénoncer l’indifférence et le silence croissants face aux violations systématiques du droit international par des États membres des Nations Unies.

Nous voulons attirer votre l’attention sur le fait que certains quittent le cadre d’un ordre international qui a été sérieusement construit après la Seconde Guerre mondiale, notamment à travers les conventions sur les droits de l’homme et des institutions telles que les Nations unies, la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale, et nous nous engageons à plaider pour leur efficacité, leur intégrité, leur indépendance et leur autorité.

Aujourd’hui nous sommes consternés par les lois, les politiques et les pratiques de l’État d’Israël qui aggravent les souffrances du peuple palestinien par la poursuite de l’occupation et une politique d’apartheid qui mène aujourd’hui à un nettoyage ethnique et un génocide.

C’est pourquoi nous appelons les dirigeants du monde entier à reconnaître et à insister sur les réalités énoncées ci-après (1) :

1. Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, reconnu dans d’innombrables résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations unies et réaffirmé par la Cour internationale de justice dans son Avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les “Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est (paragraphes 230-243)”.

2. Le droit au retour des réfugiés palestiniens, reconnu dans la Résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies.

3. Le droit du peuple palestinien à ne pas être soumis à un génocide et à la purification ethnique, reconnu dans la Convention de 1948 pour la prévention et la punition du crime de génocide et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

4. Le droit du peuple palestinien à ne pas être soumis à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, affirmé dans le statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5. Le droit du peuple palestinien à la vie, à la liberté et à la dignité, et à la jouissance des droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.

6. Le droit du peuple palestinien à ne pas être soumis à la discrimination raciale et à l’apartheid, comme l’interdit l’Article 3 de la Convention internationale de 1966 sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale et comme l’a récemment réaffirmé la Cour internationale de justice dans son “Avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est”.

7. Le droit du peuple palestinien à ne pas être soumis à la confiscation de ses terres, aux déplacements forcés, à une colonisation croissante et à la construction constante de nouvelles colonies israéliennes a été réaffirmé par la Cour internationale de justice dans son avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les “Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est (paragraphes 156-157, 285)”.

8. Le droit du peuple palestinien à ne pas être soumis à une occupation illégale par Israël a été récemment déclaré par la Cour internationale de justice dans son “Avis consultatif du 19 juillet 2024 sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est”.

À cette fin, nous nous engageons à mener des actions non violentes afin de parvenir à une paix juste et durable pour tous les peuples du Moyen-Orient.

Traduit par les Amis de Sabeel France

(1) Une fois sur le site indiqué, choisissez la version du texte en français là où elle est proposée.

Télécharger ici le texte français de l’appel de Global Kairos for justice.

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Gérer la faim, par Jonathan Kuttab,
directeur exécutif des Amis de Sabeel en Amérique du Nord.

Le 9 mai 2025.

La semaine dernière, l’armée israélienne a annoncé son plan pour “gérer la faim” à Gaza. Le plan était si maléfique et si cauchemardesque que je n’ai pu fermer l’œil tant je pensais à ses implications. J’en ai été hanté tous les soirs.

Rahaf Ayad, photographiée par Khames Alrefi

Fondamentalement, l’armée israélienne a annoncé qu’elle revoyait sa position de ne pas autoriser l’entrée de nourriture et d’eau à Gaza. Pour cela, elle propose un nouveau plan pour éviter d’être accusée d’affamer la population et d’avoir à faire face à des accusations internationales au niveau juridique. Selon ce nouveau plan, la distribution de nourriture sera radicalement modifiée pour s’assurer qu’elle ne tombe pas entre les mains du Hamas. Au lieu de cela, Israël sera seul à déterminer comment la nourriture sera distribuée une fois que son entrée à Gaza aura été autorisée, et qui pourra y avoir accès. Dans le passé, Israël a essayé de contrôler la quantité globale de nourriture autorisée d’entrer à Gaza et de calculer le nombre de calories nécessaires pour maintenir 2 millions de personnes “dans un [régime] alimentaire serré”. Maintenant, c’est le réseau de distribution lui-même qui est visé afin qu’Israël puisse contrôler pleinement toute l’alimentation.

Chaque famille aura un membre désigné et approuvé par Israël qui sera le seul à être autorisé à se rendre dans un centre de distribution spécial dans le sud de Gaza où des entreprises de sécurité remettront à ce représentant de la famille une boîte de nourriture soigneusement calibrée pour répondre aux besoins de la famille pendant quelques jours seulement. De cette façon, l’armée s’assurera qu’aucune nourriture ne soit stockée ou accumulée ou puisse aboutir dans la bouche d’une personne non approuvée par Israël. L’armée israélienne surveillera le périmètre du Centre de distribution, mais n’effectuera pas la distribution elle-même. Celle-ci sera assurée soit par des organisations internationales, soit par des sociétés de sécurité privées américaines ou arabes agissant sous le commandement d’Israël, et non pas de l’Autorité palestinienne, de l’UNRWA ou de toute autre organisation non approuvée et contrôlée par Israël. La nourriture ne sera pas distribuée de manière collective ou servie aux foules, mais seulement soigneusement distribuée dans des boîtes aux personnes autorisées de chaque famille à qui l’on permettra d’entrer dans le Centre de distribution et qui pourront ensuite faire le périlleux voyage vers le reste de la famille pour les nourrir, puis revenir pour un nouvel approvisionnement conçu pour ne permettre de survivre que quelques jours de plus. La justification est que de cette façon, la nourriture ne se retrouvera pas entre les mains du Hamas.

Aucune mention d’eau ou de médicaments n’apparaît dans le plan. L’article a mentionné que des sources arabes, qui étaient informées sur le plan, ont exprimé leur scepticisme quant à la possibilité de le mettre en œuvre.

Depuis lors, d’autres détails ont été divulgués. Les organisations internationales ont publiquement critiqué le plan, déclarant qu’il utilisait la faim comme une arme et mettrait toute organisation qui allait coopérer dans une position qui allait servir les intérêts politiques d’Israël plutôt que de répondre aux besoins humanitaires.

Comme Israël a déjà reconnu qu’il ne pourrait pas éliminer le Hamas, ce plan sera en place pour une période indéfinie.

L’horreur de ce plan cauchemardesque ne m’a pas quitté l’esprit depuis que j’en ai entendu parler pour la première fois. Je suis assez familier avec l’utilisation cynique du régime de permis qu’Israël met déjà en œuvre en Cisjordanie pour recruter des collaborateurs, soumettre la population et rendre le commun des Palestiniens totalement dépendants d’Israël et de ses agences de sécurité pour les besoins humains les plus fondamentaux comme se déplacer, travailler, se soigner, avoir accès à l’éducation, etc. Mais jamais auparavant le système n’a été utilisé pour contrôler et gérer à un niveau aussi basique la quantité de nourriture nécessaire à la population, non seulement collectivement mais même individuellement.

Rien que d’imaginer un tel plan n’est possible que dans un contexte dans lequel les Palestiniens sont privés de leur humanité, traités comme des “animaux humains” dont le comportement peut être contrôlé comme des chiens de Pavlov dans un laboratoire. Ceux qui ont conçu ce plan et qui le vendent à l’administration américaine ont déjà décidé qu’ils ne voulaient ni la paix ni la coexistence avec les Palestiniens, mais qu’ils voulaient soit les dominer soit les anéantir. Comme l’a dit un ministre israélien : ils auront le choix soit d’accepter notre suprématie, soit de quitter le pays pour ne jamais y revenir, soit de mourir. Ce seront les seuls choix qu’ils auront.

Un article récent a signalé que ce plan est activement mis en place, et des images satellites montrent qu’Israël prépare déjà une zone dans le sud de Gaza qui servira de lieu de distribution alimentaire pour ce projet. D’autres rapports indiquent que l’administration Trump a déjà été associée à la mise en œuvre de ce projet, qui sera bientôt annoncé comme une solution humanitaire majeure au problème de la faim à Gaza.

La seule question qui reste est la suivante : les États-Unis et le reste du monde permettront-ils que les choses se passent ainsi ? Des agences internationales de développement ont déjà publiquement critiqué ce projet en disant qu’elles n’allaient en aucun cas coopérer avec lui. Mais Israël prévoit de “privatiser” l’ensemble du projet en faisant appel à des agences américaines de sécurité pour sa mise en œuvre. La question qui reste et à laquelle chacun de nous devra répondre est la suivante : “Permettrons-nous que les choses se passent ainsi ?”

Jonathan Kuttab,
directeur exécutif des Amis de Sabeel en Amérique du Nord (FOSNA).

Traduit par les Amis de Sabeel France

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