Voyage "Mosaïques" au Liban: économie solidaire, tourisme solidaire et l’Evêque maronite de Deir El Ahmar

Dimanche 11 avril

Deuxième journée du weekend à la découverte de la plaine de la Bekaa, avec nos partenaires de Fair Trade Lebanon. Nous avons passé une éco-nuit (un peu fraîche) dans un éco-lodge de l’association Arc-en-Ciel, à Taanayel: l’idée est de proposer aux touristes de se replonger dans l’habitat traditionnel de la Bekaa: les chambres sont des petites bâtisses en torchis, une pièce unique où des matelas sont distribués autour d’un poêle… Rustique mais dépaysant!

La journée commence par une messe aux aurores, en arabe. Le rite est à mi-chemin entre le byzantin et le latin, mais on s’y retrouve. D’autant plus que Inchat-Nadjmat et Hichâm, arabisant, nous aiguillent.

Après le petit-déjeuner, nous assistons à une rapide présentation de l’association Arc-en-Ciel. Au-delà de son récent projet d’Eco-lodge que nous venons d’expérimenter, Arc-en-Ciel est plus généralement impliqué dans le développement durable au Liban. Fondé pendant la guerre civile en 1985, l’association s’est en premier lieu attachée à la question des handicapés, physiques ou mentaux, et à leur place au sein de la société libanaise. 25 ans plus tard, Arc-en-Ciel est constitué d’un réseau d’une dizaine de centres, répartis sur tout le territoire libanais. Soutenu par des subventions de l’Etat libanais, chaque centre développe des projet orientés vers le durable, allant de l’agriculture à la santé en passant par l’emploi. Le centre de Taanayel est spécialisé dans la fabrication de fauteuils roulants, confectionnés par des salariés atteints d’handicaps divers, leur donnant ainsi accès à une réinsertion professionnelle et donc sociale.

La prochaine étape se situe à Baalbek, centre historique de la Bekaa centrale. C’est là que se trouvent les vestiges d’un site unique témoignant de l’occupation romaine durant l’Antiquité. Aujourd’hui, la région, majoritairement chiite, voit fleurir le long de ses routes les portraits des leaders historiques du Hezbollah.

Une fois achevée cette visite incontournable du patrimoine historique libanais, la matinée se poursuit à Deir el Ahmar par la rencontre avec le président d’une coopérative viticole, qui nous explique son projet au milieu des vignes. L’objectif est de développer un vignoble dans cette partie de la Bekaa où dominent encore les cultures de haschich, illicites mais très lucratives. Soutenue par le département français de l’Oise, la coopérative voit dans le choix de la vigne une véritable opportunité de développement durable. De plus, la culture viticole qui demande bien moins d’irrigation semble une réponse adéquate à la problématique de l’eau dans une région menacée de désertification. Chrétiens et musulmans semblent prêts à travailler main dans la main à la réalisation de ce projet.

La matinée s’achève par une dégustation de ce cru local et d’un repas (ou plutôt d’un festin) dans une autre coopérative avoisinante, également membre de Fair Trade Lebanon. Entièrement gérée par des femmes, elle a été distinguée en 2002 à Dubaï par un prix récompensant l’ONG valorisant le mieux la contribution des femmes au développement rural et durable. La coopérative produit uniquement des spécialités locales issues du terroir, ayant la capacité d’être conservée et donc exportée. Cette association est maintenant désireuse d’étendre ses activités locales à l’éco-tourisme, espérant ainsi offrir des opportunités d’emplois aux jeunes de la région afin d’en freiner l’émigration.

 

Rencontre avec Monseigneur Semaan Attallah…

Il est l’évêque maronite de Deir El Ahmar, agglomération rurale localisée à 100 km de Beyrouth et 12 km au Nord Est de Baalbeck dans la Vallée de la Bekaa.

Le diocèse maronite de Baalbek–Deïr El-Ahmar a la particularité de la mixité, une caractéristique qui lui procure la richesse du brassage intercommunautaire et interreligieux, mais qui, paradoxalement, peut être source de conflits.

Monseigneur Atallah est bien placé pour en témoigner. Outre ses responsabilités à la destinée du diocèse, son expérience permet à Monseigneur Atallah de nous exposer principalement la problématique de la convivialité et du dialogue inter religieux.

L’Eglise maronite est une des Églises catholiques orientales. Le chef de l’Église porte le titre de Patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient.

Le rite maronite est pratiqué en langue syriaque mais aussi et de plus en plus en arabe. En général, seule la consécration est encore en syriaque. La principale prière eucharistique est celle dite de saint Jacques. Il en existe une trentaine d’autres, dont 13 seulement sont utilisées.

De toutes les Églises orientales, l’Église maronite est la seule qui soit entièrement catholique. Aux alentours de l’an 400, vécut dans les montagnes de Syrie un ermite du nom de Maron. On sait très peu de choses de ce solitaire, dont les disciples formèrent le noyau initial de l’Église maronite. Près du lieu de sa mort, s’édifia un grand monastère qui devint rapidement un centre spirituel pour les chrétiens locaux. L’Église maronite accepta le concile de Chalcédoine et fut même persécutée pour cela au VIe siècle. Elle n’est donc pas une Église monophysite. Elle relève de la tradition antiochienne d’expression syriaque. Au VIIe siècle, l’invasion musulmane contraignit les patriarches chalcédoniens d’Antioche à l’exil. De 702 à 742, il n’y eut plus de patriarche du tout. C’est au cours de cette période troublée que l’Église maronite se constitua en patriarcat. Le premier patriarche aurait été Saint Jean Maron, mort en 707. Chassés de Syrie par les persécutions au IXe siècle, les maronites s’installèrent principalement au Liban où ils vécurent en Église autonome. Au temps des croisades, les relations de l’Église maronite avec Rome s’intensifièrent. Elle professa ouvertement sa soumission au pape au XIIe siècle. Ces relations se relâchèrent sous la domination des Mamelouks (1291- 1516) mais reprirent et se renforcèrent sous le régime Ottoman. Le collège maronite de Rome, fondé en 1584, aida à la formation des évêques et de la hiérarchie. Il forma également des savants orientalistes. La Kadisha ou vallée sainte, à l’est de Tripoli (Liban), a été jusqu’au XVIIe siècle un lieu de prédilection pour le monachisme maronite. A ce dernier a appartenu le moine Charbel Makhlouf , ermite, canonisé en 1977. Au XVIe et XVIIe siècles, de nombreux éléments du rite latin furent introduits dans le rite maronite. Celui-ci garda son originalité et, depuis 1942, revient aux anciennes traditions.