Publié le 20 décembre 2022
Les chrétiens conservateurs l’adoraient, les réformateurs beaucoup moins. Durant ses 27 ans de pontificat, Jean-Paul II aura pourtant toujours réussi ses voyages dans les pays arabes. Comment ce pape venu de Pologne, un pays totalement étranger à l’islam, a-t-il pu comprendre aussi bien ce monde ? La question demeure. Au Liban, en mai 1997, il avait été accueilli dans la liesse générale, aussi bien par les chrétiens que par les musulmans, laissant un souvenir vivace, présent aujourd’hui encore dans les esprits.
Preuve de la persistance de cet enthousiasme populaire, l’inauguration le 16 juillet 2000, d’un centre baptisé Jean-Paul II à Ghadir, un quartier de Jounieh, à la sortie nord de Beyrouth. Succédant à Jocelyne Khoueiry (*), décédée en juillet 2020. Chiraz Aouad en est l’actuelle directrice. Les deux femmes se connaissaient depuis 1974, scolarisées toutes deux à l’école des Sœurs des Saints Cœurs à Beyrouth, en classe de terminale. Elles ne se sont jamais quittées, que ce soit comme militantes dans le parti chrétien des Kataëb, ou dans les combats contre les Palestiniens et l’armée syrienne à partir de 1975. Chiraz Aouad ne renie pas cette période. “Si j’ai pris les armes, c’était pour libérer le Liban des deux envahisseurs qui voulaient l’annexer. Notre combat était juste. Et je le referais.” L’idéal d’indépendance des premières années disparaîtra peu à peu face aux divisions, aux ambitions personnelles et aux luttes interchrétiennes sanglantes. En 1984, Chiraz “comprend qu’il y a une autre façon de gagner la guerre”, et prend ses distances. Très croyante, elle se tourne vers cet Invisible qui peut tout, et, dit-elle, “sur l’exemple de Jean-Paul II venu à bout de la dictature stalinienne sans violence.”
Chiraz Aouad
C’est au deuxième étage du bâtiment, juste au-dessus de la chapelle, que la responsable du Centre depuis un peu plus de deux ans, accueille les visiteurs. Cet espace, le plus grand du Centre, est consacré à “La Libanaise – Femme du 31 mai”, un mouvement marial fondé en 1983 par les anciennes combattantes pour défendre la famille : “La famille c’est notre vocation première, rappelle Chiraz. Nous la soutenons, nous nous efforçons de la remettre debout, de la ressouder, et de faire face à ses multiples difficultés financières, relationnelles, professionnelles et scolaires pour ses enfants. Elle est la base de notre société.”
Outre la salle consacrée à “La Libanaise”, le Centre compte des locaux où consultent et travaillent assistantes sociales, psychologues, orthophonistes, et psychomotriciens. Ouvert à tous, Chiraz et son équipe ont tenu à ce que le Centre, leur création, ressemble à ce Liban indépendant, tolérant et uni, dont elles avaient rêvé. En témoigne cette colonie de vacances organisée chaque été dans le Chouf, une région druze musulmane, où tous les enfants sont admis sans discrimination de religion… une façon de construire enfin ce “Liban message” prophétisé par Jean-Paul II, mais que les Libanais attendent depuis si longtemps.
Luc Balbont
Journaliste
Administrateur de Chrétiens de la Méditerranée
(*) Lire l’article sur Jocelyne Khoueiry publié dans ce blog, le 20 juillet 2022, par L’Œuvre d’Orient. Cet article de Luc Balbont, “De la kalachnikov au Carmel“, a aussi été reproduit sur notre site.
Le centre Jean-Paul est soutenu financièrement par L’Œuvre d’Orient.
Article original, https://blog.balbont.oeuvre-orient.fr/au-liban-un-centre-jean-paul-ii-pour-aider-les-familles-a-se-reconstruire/
Photos Luc Balbont