La concentration médiatique autour de l’évolution de la pandémie en cours a rendu presque invisibles, à nos yeux, plusieurs crises qui affectent gravement l’espace méditerranéen.
C’est en particulier le cas de trois pays du Moyen-Orient – Syrie, Irak, Liban – tous chers au cœur de Chrétiens de la Méditerranée et auxquels Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Oeuvre d’Orient a consacré mardi 5 mai un point de presse essentiel intitulé « Le spectre de la faim ».
Comme il l’a déclaré à cette occasion, il faut lancer un cri d’alarme auprès de la communauté internationale concernant le risque grave de famine que court désormais une partie de leurs populations, résultat d’une longue série de conflits que la pandémie ne peut qu’aggraver.
Depuis neuf ans, la Syrie est ainsi en guerre, plusieurs de ses villes sont détruites et une partie de sa population fuyant les zones des combats a dû s’exiler. Aujourd’hui, son économie est exsangue, étouffée par les sanctions internationales instaurées notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne qui, sous prétexte de lutter contre le pouvoir syrien, fragilisent en réalité d’abord la population civile qui est privée en particulier de matériel médical et de certains médicaments.
Le confinement sanitaire ordonné en mars dernier n’a fait qu’amplifier une situation dont Mgr Gollnisch déclarait qu’« elle est explosive » après un hiver où beaucoup n’ont pas eu les moyens de se chauffer.
L’Irak dévasté par une succession de conflits, connaît quant à lui non seulement un profond chamboulement de sa société ponctué de nombreux attentats ainsi qu’une succession de crises politiques insolubles, mais aussi une crise économique aggravée par l’effondrement brutal du prix du pétrole depuis janvier, cette ressource constituant presque 85 % de ses recettes. Dans ce contexte le confinement et le couvre-feu qui privent de nombreux irakiens de leur travail se traduisent pour de nombreuses familles par l’impossibilité de se nourrir.
Mgr Gollnisch soulignait à ce propos : « L’Etat est en déliquescence et une partie de la population est proche de la famine. Face à cette situation dramatique, les paroisses chrétiennes irakiennes servent des soupes populaires à la population ».
De son côté, le pays du Cèdre qui a fait récemment défaut à ses engagements financiers internationaux connaît la crise économique la plus grave de son histoire à tel point que le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé lundi 4 mai, la communauté internationale à lui venir en aide. Selon Luc Balbont, journaliste, membre de Chrétiens de la Méditerranée (voir dans la rubrique « Regards » son article sur les institutions religieuses d’enseignement, privées de ressources) le taux de chômage est aux alentours de 30% à 35% et 40%de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Alors que ce pays connaît une crise sociale et politique sans solution prévisible, Mgr Gollnisch, prévenait que « la pauvreté est grandissante dans le pays, une grande partie de la population risque la famine et la famine est déjà là »… « La situation est terrible avec des régions pauvres comme à Tripoli mais aussi avec les réfugiés palestiniens et les réfugiés syriens ». Par ailleurs, la Caritas au Liban lançait aussi le 4 mai un cri d’alarme : « Nous ne pourrons satisfaire les besoins de tous face à la hausse du nombre de foyers privés de nourriture ».
En conséquence, ces pays traversent de multiples crises à la fois politique, économique et alimentaire amplifiées par la crise du Covid-19 qui plongent une grande partie des peuples dans la pauvreté. Dans l’immédiat, survivre et se nourrir sont des exigences prioritaires pour ces populations. Terrible bilan aux portes de l’Europe qui doit s’attendre à voir encore ces peuples à la dérive se masser à ses frontières !
Chrétiens de la Méditerranée se déclare profondément solidaire avec eux et s’engage à poursuivre sa mission d’information à leur égard, spécialement dans un moment où nos propres difficultés pourraient nous conduire à oublier leurs tragédies et se joint à l’appel lancé afin que cesse immédiatement des sanctions « économiques » contraires à tout principe d’humanité qui les accablent.
Nous invitons enfin chacun à s’associer au temps de prière proposé, dans le cadre de la troisième journée internationale des chrétiens d’Orient, dimanche 17 mai.
Patrick Gérault
Président de Chrétiens de la Méditerranée
Image: Irak, Programme Alimentaire Mondial de l’ONU