Israël : Benjamin Netanyahu offensif malgré la menace d’une inculpation
Le Premier ministre israélien, cerné par les affaires, exclut de démissionner. Bien qu’affaibli, il peut compter sur ses partenaires de coalition.
De notre correspondante à Jérusalem, Danièle Kriegel
Modifié le – Publié le | Le Point.fr
« Un Premier ministre enlisé jusqu’au cou dans les enquêtes policières ne peut pas prendre de décisions cruciales pour le pays… » C’est en ces termes que Benjamin Netanyahu avait exigé, en 2008, la démission d’Ehud Olmert, alors chef du gouvernement et soupçonné de corruption. Aujourd’hui, alors que la police vient de recommander sa mise en examen, lui aussi pour corruption, les chefs de l’opposition ne manquent pas de lui rappeler son attitude de l’époque. Mais ils ne se font pas d’illusions. Netanyahu ne démissionnera pas.
Il l’a confirmé dans une allocution télévisée, peu après que la police a recommandé à la justice son inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance. Un discours en forme de plaidoirie de la défense. Rappelant d’abord ses années au service de l’État et pour son pays – sans oublier l’époque où il a combattu au sein d’un commando d’élite –, il a ensuite attaqué point par point, sans vraiment les démentir, les divers éléments de l’enquête. Non, il n’est jamais intervenu pour favoriser les affaires du milliardaire Arnon Milchan, un ami. Les cadeaux reçus n’ont jamais atteint la somme d’un million de shekels (230 000 euros). Selon le rapport de police, il s’agit de bouteilles de champagne, de cigares, de bijoux pour sa femme, de vêtements, de voyages et d’hôtels de luxe pour son fils aîné Yaïr. Au contraire de ce qu’affirme la police, ce n’est pas lui, dit-il, qui a œuvré pour tenter de faire adopter un amendement à la loi fiscale qui aurait permis à Milchan d’économiser des centaines de millions. C’était son rival, à l’époque ministre des Finances, Yaïr Lapid. Ce que ce dernier dément, affirmant que, au contraire, il avait résisté avec les responsables du Trésor aux pressions exercées par Netanyahu.
« Il n’y aura rien, car il n’y a rien »
Le Premier ministre a également lancé une attaque en règle contre les inspecteurs de la brigade Lahav 433 chargés de l’enquête. Selon Netanyahu, ils auraient fait alliance avec les médias, la gauche et l’opposition pour faire tomber le gouvernement. Les experts juridiques indépendants verront que « tout ce dossier contre [lui] est plein de trous, comme un fromage suisse ». Le procureur général, qui est aussi le conseiller juridique du gouvernement, comprendra que ces accusations ne sont qu’une série de mensonges et d’exagérations. Et, au lieu de le traduire en justice, il refermera le dossier sans autres poursuites. Bref, pour Benjamin Netanyahu, comme il le répète depuis des mois : « Il n’y aura rien, car il n’y a rien. »
De fait, à deux reprises dans des affaires le concernant, le procureur général n’a pas suivi la police. Il a fermé le dossier et annulé la procédure. Ce mardi soir, Benjamin Netanyahu n’a pas manqué de rappeler que 50 % des recommandations de la police sont rejetées par le système judiciaire. Mais, cette fois, les choses pourraient se passer différemment. Les soupçons qui pèsent sur le Premier ministre paraissent beaucoup plus graves que ceux auxquels il a fait face dans le passé.
Le début de la fin ?
Le compte à rebours a-t-il commencé pour Benjamin Netanyahu, dont la longévité au pouvoir atteint celle de David Ben Gourion, le Père fondateur ? Plusieurs éditorialistes de gauche et même de droite l’affirment. Il faudra pourtant attendre la décision du procureur général. Ce qui risque de prendre du temps. On parle de plusieurs mois. En attendant, bien qu’affaibli politiquement, il peut toujours compter sur sa coalition. Au Likoud, on serre les rangs, même si quelques personnalités ont déjà fait discrètement savoir que, le cas échéant, elles seraient prêtes à briguer sa succession. Parmi ses alliés, Naftali Bennett, le ministre de l’Éducation et patron du Foyer juif, le parti des colons, est dans l’expectative : « Accepter sur une période prolongée des cadeaux représentant des sommes importantes, ce n’est pas être à la hauteur des standards d’une personnalité censée donner l’exemple. Mais nous sommes dans un État de droit, et le Premier ministre est présumé innocent. C’est pourquoi j’ai décidé d’attendre. » Une attitude adoptée par d’autres partenaires au sein du gouvernement, qui ne veulent pas déclencher une crise qui risquerait de mener à des élections anticipées dont, à ce stade, les résultats restent imprévisibles.
Mais d’autres affaires risquent de rattraper Benjamin Netanyahu. Son nom est évoqué dans au moins trois autres dossiers sur lesquels la police enquête toujours