Le Regard sur le monde de Mgr Yves Boivineau – On ne naît pas fanatique

 

On ne naît pas fanatique

 

Le Regard sur le monde de Mgr Yves Boivineau

Evêque d’Annecy

Président de Justice et Paix

 

Nous savons que le terrorisme auquel nous sommes confrontés plonge ses racines dans des situations géopolitiques que seule la communauté internationale peut traiter. Mais il existe en Europe quelques centaines de jeunes Européens, souffrant manifestement d’exclusion sociale, qui sont une sorte d’armée de réserve djihadiste. Ils ne craignent ni la mort, ni la prison, à plus forte raison la déchéance de nationalité.

Comment prévenir la radicalisation de ces jeunes ? La difficulté est de taille, quand on sait que le fanatisme porte en lui la certitude d’agir pour la plus juste des causes et la conviction que tous ceux qui s’opposent à lui doivent être détruits. Pourtant, on ne naît pas fanatique – c’est-à-dire enfermé dans un système clos et illusoire de perceptions et d’idées sur le monde extérieur et sur soi-même -, on le devient. La dé-radicalisation est certes nécessaire, mais elle intervient généralement trop tard : il faut agir en amont.

Selon Edgar Morin, le fanatisme se construit à partir de trois données : – le réductionnisme à savoir la propension de l’esprit à prétendre connaître le tout à partir de la connaissance d’une partie, – le manichéisme, qui engage la lutte du Bien absolu contre le Mal absolu, – et la réification, quand l’idéologie ou la croyance religieuse masquent le réel et sa complexité et deviennent pour le fanatique le véritable réel (…)

(…) Le véritable projet à opposer au réductionnisme, au manichéisme et à la réification, c’est l’apprentissage de la connaissance, seule en mesure de relier les aspects divers, voire antagonistes d’une même réalité, de reconnaître les complexités au sein d’une même personne, d’une même société, d’une même civilisation. C’est la construction d’une justice réelle, qui permet à tous l’accès à un certain  niveau d’éducation, à un logement, à un emploi, en résumé la possibilité de vivre dignement sans souffrir de discrimination de quelque sorte que ce soit.

Extrait de la Lettre de Mars 2016 de Justice et Paix