Source : CCFD-Terre solidaire « Faim et Développement » n°292, mars-avril 2016
Favoriser la démocratie locale en impliquant les jeunes et les femmes
Cinq ans après les révolutions arabes et le mouvement du 20 février 2011 au Maroc pour exiger des réformes institutionnelles, plus d’égalité et de justice sociale, la participation des citoyens reste un enjeu majeur. Dans le cadre du processus de décentralisation mené au Maroc depuis plusieurs années, des partenaires du CCFD-Terre Solidaire ont lancé en 2013 un projet pour favoriser la démocratie participative locale et l’inclusion des jeunes et des femmes.
Au Maroc, 50 % de la population a moins de vingt-cinq ans, et le potentiel de cette jeunesse est l’un des atouts essentiels du développement. Mais les jeunes, peu associés aux décisions, sont frappés de plein fouet par le chômage : 19,3% en 2013 selon le Haut-commissariat au plan, contre une moyenne nationale d’environ 10%. Ils ont été parmi les premiers à se mobiliser lors du mouvement de contestation du 20 février 2011 pour demander un changement de modèle politique, économique et social. Conscients que le développement local ne peut réussir sans la participation de tous les acteurs du changement, le réseau IDD (Immigration développement démocratie) et l’Ifad (Institut de formation des agents du développement) ont fait de la participation des jeunes l’un des axes majeurs de leur projet de démocratie participative.
L’université d’Automne de la jeunesse qui s’est tenue à Mehdia en octobre 2015 a été l’un des temps forts de cette dynamique. Durant deux jours, une soixantaine de jeunes venus de France et de toutes les régions du Maroc, engagés dans différentes associations membres ou alliées du réseau IDD, ont partagé leurs expériences et confronté leurs idées. À la suite de débats animés dans quatre ateliers thématiques liberté d’expression et médias communautaires genre et égalité femmes-hommes ; société civile, des ponts entre ici et là-bas ; participation dans le territoire, ils ont élaboré des recommandations sur la modernisation du travail associatif, la reconnaissance du bénévolat, l’importance d’impliquer les associations de jeunes ayant un rayonnement national dans les dynamiques locales…
Des jeunes de la web radio Ejoussour, première radio associative marocaine, ont assuré la couverture de cette rencontre. Durant les deux jours, l’équipe d’Ejoussour a produit des chroniques et des interviews diffusées ensuite sur les ondes. La présence de la web radio à l’université n’était pas fortuite. En effet, dans le cadre du projet de démocratie participative, des journalistes de la web radio forment depuis plusieurs mois une dizaine de jeunes membres d’association aux bases du journalisme citoyen.
LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS SUBIES PAR LES FEMMES
L’implication des femmes au sein des associations et des instances communales de concertation est un autre objectif majeur de ce projet de démocratie participative. Le défi est de taille : alors que les femmes constituent plus de la moitié de la population marocaine, elles demeurent très marginalisées, surtout en milieu rural. Leur participation aux activités associatives ou politiques est souvent freinée par des réticences sociales, familiales et personnelles, elles-mêmes alimentées par des stéréotypes de genre encore très présents dans la société. C’est pour lutter contre ces blocages que les jeunes d’IDD ont décidé de lancer une mini-campagne de sensibilisation relayant des messages forts contre le harcèlement, les discriminations professionnelles et l’esclavagisme conjugal ainsi que pour le droit des femmes à étudier, travailler et voyager. IDD et l’Ifad ont décidé de renforcer la dynamique de cet atelier en diffusant la campagne au printemps 2016, au Maroc et en France, pour sensibiliser les associations et les citoyens aux questions de l’égalité femmes-hommes et à l’importance de renforcer la place des femmes dans la société.
Alice Champseix, chargée de mission Afrique du Nord
UN PROJET DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE
Le projet de démocratie participative mené par IDD et l’Ifad s’inscrit dans le cadre d’un processus de décentralisation qui a vu les communes prendre une importance grandissante dans les dynamiques de développement au Maroc. Depuis 2009, les conseils communaux élaborent des plans de développement qui peuvent avoir un impact réel sur le développement local. La réforme de la Constitution de 2011, à la suite du mouvement de contestation du 20 février, a également contribué à donner plus de pouvoirs aux élus locaux.
Ce projet s’étend sur tout le territoire marocain, à travers quatre « communes-pilotes », une pour chaque pôle régional : le Nord-Est et l’Oriental, le Centre, les bassins versants autour du Haut-Atlas et l’Anti-Atlas.
L’idée : faire émerger au niveau local des modèles de développement participatif avec tous les acteurs du développement local, notamment les communes et les associations. Depuis 2013, de très nombreux ateliers et formations locales ont permis de renforcer les capacités de ces acteurs et de favoriser la concertation entre eux et les citoyens.
C’est dans le cadre de ce projet qu’ont eu lieu en mars 2015 et 2016 deux ateliers d’échange d’expériences entre des délégations française et marocaine. Lors du premier voyage en 2015 en France, la délégation composée de huit associations marocaines et de trois représentants de communes marocaines a pu rencontrer des associations et des communes en région parisienne et en Lorraine. Ses membres ont pu découvrir des dispositifs concrets de démocratie locale et de concertation citoyenne au niveau français. Lors du second voyage en mars 2016, une délégation d’élus et associatifs français a participé à une visite d’échanges dans la région de Zagora, au sud du Maroc.
A. C.
LE RESEAU IDD
Le réseau IDD (Immigration développement démocratie), créé en 1999 à Paris, est composé de quatorze associations issues de l’immigration marocaine et de vingt-deux associations au Maroc. C’est une plateforme de réflexion, de formation et d’appui aux initiatives de solidarité et de rencontre entre des partenaires français et immigrés sur les questions du développement culturel et socio-éducatif, de promotion de la citoyenneté et des droits humains. Le CCFD-Terre Solidaire soutient IDD depuis 2000 en France et au Maroc. Depuis 2013, il soutient le projet intitulé « La démocratie participative pour un développement humain et solidaire au Maroc ».