Egypte : ballade parmi les trois religions monothéistes

 

Le Caire : silence aux abords de ses mosquées, églises et synagogues.

Ballade parmi les trois religions monothéistes

Article de Malika Ziane paru le dimanche 12 juin 2011 sur le site Jerusalem et religions.

 

Au Caire, ville surpeuplée et bruyante, il existe ici et là des îlots de silence à proximité des lieux de culte, qu’il s’agisse des mosquées, des églises ou plus exceptionnellement des seules deux synagogues de la ville. Tout à coup, au détour d’une rue, l’atmosphère devient paisible et apaisante. Pays d’abondance et de prospérité au temps de la Bible, l’Égypte fut souvent une terre de refuge. Abraham, Joseph, Moïse, la Famille Sainte y auraient séjourné. Dans l’Islam, l’Égypte a une place de choix : le Caire est appelée « la ville au mille minarets »…Voyageons au coeur de cette ville fascinante avec notre envoyée spéciale Malika Ziane, partie à la découverte de la présence des trois religions.

 

Situé au centre du Caire, le quartier de Saint Georges (Mar Girgis en copte), doit son nom au martyr chrétien du IVème siècle. Une grande église grecque orthodoxe datant du 10ème siècle accueille les pèlerins qui, tour à tour, embrassent les magnifiques icônes et des chaînes qui, selon la tradition, auraient martyriser Georges faisant ainsi de lui un saint.

 

Le silence apaisant du quartier chrétien de Mar Girgis

Silencieux, les fidèles, pour la plupart égyptiens, se recueillent puis prennent une photo devant la statue de Saint-Georges. Non loin de là, au milieu d’un cimetière grec, une petite église abrite le lieu où aurait trouvé refuge la Famille Sainte. Selon l’Évangile de Saint Matthieu, Marie, Joseph et Jésus alors encore enfant auraient quitté Bethlehem pour échapper au décret du roi Hérode qui condamne à mort tous les enfants de moins de 2 ans, et cela peu après la naissance de Jésus. Cet épisode est retracé dans la superbe fresque à l’intérieur de l’église : Joseph, allongé sous un arbre voit en songe un ange qui lui intime l’ordre de fuir son pays. Au centre, Marie sur un âne traverse péniblement le désert avec au loin les pyramides de Guizeh. La scène se termine par leur arrivée en Égypte où ils sont accueillis, les bras ouverts, par les disciples. A droite de la fresque, une petite porte entrouverte laisse échapper une odeur d’encens. Un escalier mène en bas vers une cachette, celle qu’aurait utilisée la famille sainte. Le lieu est obscur mais aussi plus frais. Au milieu se trouve un puits d’eau : les fidèles s’y abreuvent malgré son âpreté et sa tiédeur. Deux petites pièces tapissées d’icônes du Christ entourent le puits. Le responsable des lieux, d’origine grecque raconte les larmes aux yeux son amour pour l’Égypte : « nous prions tous le même dieu, Allah, Jésus, seul son nom change…et malgré quelques problème de sécurité, nous vivons en harmonie ensemble. Les musulmans sont nos frères. »

 

La spiritualité vivante du quartier musulman du Vieux Caire

Au cœur de Khan al Khalili, le quartier musulman très animé du Vieux Caire, le promeneur découvre tout d’un coup l’immense façade de la mosquée d’Al Azhar. Cette mosquée abrite l’une des écoles coraniques les plus anciennes et les plus respectées dans le monde musulman. Une atmosphère paisible remplie la cour de l’édifice. Les touristes sont autorisés à visiter les lieux, chose rare dans les mosquées.

Après avoir enfiler une robe ample et noire, je rejoins la salle de prière quelques minutes avant la prière de midi. Dans une salle obscure et tapissée, de veilles femmes dorment alors que des jeunes filles lisent des extraits du Coran. L’atmosphère est reposante. Seuls quelques bruits furtifs d’enfants brisent par moment ce silence. Soudain, le muezzin appelle à la prière : les fillettes mettent maladroitement leur foulard visiblement trop grand pour elles et se rangent aux côtés de leurs aînées. Ensemble, toutes prient et se prosternent à l’unisson. Le regard des femmes fixe le sol sans que rien ne semble pouvoir troubler leur piété tandis que certaines adolescentes, elles, sont plus dissipées. A la fin de la prière, instant de spiritualité commune furtive mais intense, les adolescentes quittent la salle et reprennent leur vie normale à l’extérieur de la mosquée, dans cette ville tentaculaire.

 

La lutte contre l’oubli des synagogues

Il y a deux synagogues au Caire : Cha’ar Hachamaïm au centre ville et Ben Ezra dans le quartier de Mar Girgis. La première est la plus grande synagogue d’Égypte. Le bâtiment est gardé par quatre militaires. La guide, de confession musulmane, fait une visite rapide de Chaar Hachamaïm : « ici on s’assoie, ici on lit la Torah ». Mes questions ne trouvent souvent aucune réponse auprès d’elle. Comme l’ensemble des lieux de culte musulmans et chrétiens de la ville, cette synagogue est silencieuse mais pour d’autres raisons. Car ici, aucun fidèle. De cette grande communauté juive, une des plus vieille au monde, il ne reste presque plus rien. Juste, quelques noms, ceux des grands donateurs d’antan, rappellent la prospérité de la communauté. Ainsi, d’un certain monsieur Levy dont le patronyme est à peine déchiffrable sur le dossier d’une chaise qui lui avait été dédiée.

Le lieu est triste de cet abandon. La bibliothèque, fermée, reste pourtant riche en manuscrits très anciens et uniques au monde. Comme la synagogue, elle résiste malgré tout au temps et aux révolutions.