Tunisie – Droits des femmes : une loi historique pour lutter contre “les violences” – Le Point

Tunisie – Droits des femmes : une loi historique pour lutter contre “les violences”

Après 20 ans de combat, le Parlement tunisien a voté une loi pour lutter contre les “violences faites aux femmes”.
PAR IDRISS ELRAM (AVEC AFP)
Publié le  | Le Point Afrique

Le projet de loi contre la violence faite aux femmes en Tunisie, en gestation depuis 2014, vient d’être adoptée par le Parlement tunisien ce 27 juillet 2017. Longtemps attendue, cette loi ambitieuse doit débloquer les derniers verrous pour garantir aux femmes une totale égalité des droits telle que définie dans la Constitution tunisienne. C’est donc une étape décisive qui vient d’être franchie après des débats passionnés au sein de la société. Pour l’ONG Human Rights Watch, il va falloir maintenant que les autorités assurent le financement des mesures votées. Le texte doit entrer en vigueur six mois après sa publication au Journal officiel.

La Tunisie, pionnière dans le droit des femmes

« En promulguant cette loi, les autorités tunisiennes ont montré qu’elles étaient impliquées en faveur des droits des femmes et ont établi une norme que beaucoup d’autres pays seraient avisés de suivre », a déclaré dans un communiqué Amna Guellali, la directrice du bureau de Tunis de HRW. La législation, adoptée ce 27 juillet, renforce la protection des victimes de violences, notamment familiales, et abolit des dispositions « rétrogrades ». La loi pénalise notamment « le harcèlement sexuel dans les lieux publics, l’emploi d’enfants comme employés domestiques et prévoit des amendes pour les employeurs qui discriminent intentionnellement les femmes au niveau des salaires », a décrit l’ONG. Cette loi va même un peu plus loin, puisqu’elle instaure également des programmes spécifiques pour ancrer « les principes des droits humains et de l’égalité entre les genres » dans l’enseignement.

La Tunisie est un pays précurseur dans le monde arabe sur le droit des femmes. C’est un acquis de l’État moderne dans le prolongement du Code du statut personnel (1956) et de l’article 46 de la Constitution qui dit que « l’État se charge de prendre toutes les mesures adéquates pour en finir avec toute forme de violence faite aux femmes ». Inscrire cet objectif dans la Constitution a été une grande avancée pour les femmes tunisiennes, et plus largement pour les femmes dans le monde arabo-musulman.

Toutes les violences sont visées

Elle modifie aussi le très controversé article 227 bis du Code pénal, en supprimant la disposition qui permettait à l’auteur d’un acte sexuel « sans violences » avec une mineure de moins de 15 ans d’échapper à tout châtiment s’il épouse sa victime. « Le gouvernement doit à présent financer et soutenir les institutions qui permettront de traduire cette loi en véritable protection », a déclaré Amna Guellali.

En effet, si « la loi demande aux autorités d’envoyer les femmes dans des refuges (…), elle ne prévoit aucun mécanisme pour leur financement », selon HRW. Près d’une femme sur deux en Tunisie dit avoir déjà subi « une ou plusieurs formes de violence », selon une étude réalisée par un établissement public.

La Tunisie est considérée comme pionnière en matière de droits des femmes dans le monde arabe, mais les femmes restent victimes de nombreuses discriminations. HRW appelle ainsi les autorités à s’attaquer à ces discriminations, comme celle qui « désigne toujours l’homme comme chef de famille et refuse aux filles tunisiennes la même part d’héritage que leurs frères ».

Reste le chantier de la prise en charge

Sept Tunisiennes sur dix disent ne pas savoir à qui s’adresser en cas de violences subies au foyer ou dans l’espace public. Un programme bi-annuel, d’un montant de 870 000 dollars et intitulé « amélioration de la prise en charge de la violence faites aux femmes », a été signé en mai 2017 dans ce sens en présence de responsables de l’ONU et des autorités tunisiennes.

« Près d’une femme sur deux » en Tunisie dit avoir déjà subi « une ou plusieurs formes de violence », a noté la représentante du Fonds des Nations unies pour la population (FNUP), Delphine Lavaissière, lors de la présentation du projet à la presse. Alors que plus de sept Tunisiennes sur dix (73 %) s’estiment livrées à elles-mêmes en cas de violences, Mme Lavaissière a décrit un programme « ouvert » et « fédérateur », au sein duquel « toutes les initiatives sont les bienvenues ».

Outre des campagnes d’information et de sensibilisation, il compte plusieurs axes d’intervention, dont un renforcement de la coordination entre les différents acteurs, afin d’assurer un suivi des victimes. Les « violences fondées sur le genre constituent une lutte de longue haleine », a fait valoir lors des débats Naziha Abidi, du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance.