Pour la fête de l’Assomption, l’élan d’espérance des catholiques

La Croix a assisté à des messes de l’Assomption dans quatre lieux en France.

Plus nombreux que d’ordinaire, les catholiques ont répondu à l’appel lancé par le président de la Conférence des évêques de ne pas céder à la peur. Les dispositifs de sécurité, parfois très visibles, n’ont pas empêché les fidèles de prier, notamment pour la France.

Solidement appuyée sur sa canne, Raymonde Juste, bientôt 80 ans, sourit largement, « émerveillée » par l’affluence en ce matin du 15 août aux abords de la cathédrale de Rouen. Elle a pris le bus non loin de l’appartement qu’elle occupe au HLM du Grand’Mare, – « un quartier qui n’a guère bonne réputation » – pour descendre dans le centre de Rouen et participer à la messe de l’Assomption présidée par l’archevêque, Mgr Dominique Lebrun. « Je ne vais pas très souvent à l’église, mais quand j’y vais, c’est sincère », affirme cette Méridionale, arrivée en Normandie il y a une quarantaine d’années.

Près de 1 200 personnes ont fait le déplacement, « au moins deux fois plus que l’année dernière à la même occasion »,assure l’ancien intendant de la cathédrale, placé à l’entrée, où a été installé un tableau du P. Hamel auréolé, offert par un musulman de Saint-Étienne-du-Rouvray. « Il ne faut pas qu’il soit mort en vain », glisse Raymonde. Comme d’autres, cette arrière-grand-mère s’interroge sur l’avenir d’une société traversée par de multiples tensions identitaires. « Quel monde laissons-nous à nos enfants ? Je veux prier pour les générations à venir », assure-t-elle. Dans la semaine, « quand il y aura moins de monde »,elle reviendra allumer un cierge…

À Cambrai, une quinzaine de paroissiens formés à la sécurité

Le sait-elle vraiment ? Par ses gestes, Raymonde répond à l’appel lancé aux catholiques par Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France : venir en nombre dans les églises pour les célébrations du 15 août, et prier pour la France, « dans les épreuves qu’elle traverse ». Une invitation à braver la peur d’un nouvel attentat en ajoutant à la foule des paroissiens ou des pèlerins, dans les sanctuaires…

À Cambrai (Nord), des policiers armés, vêtus de casque et de gilet pare-balles, sont positionnés devant le parvis de la cathédrale. Impossible de faire abstraction de leur présence. « Cela ne me plaît pas ! Les voir ainsi postés devant la cathédrale m’angoisse et me rappelle les attentats », s’attriste Bernadette.

Près de 1 300 personnes sont venues assister à la messe et à la procession de l’icône Notre-Dame de Grâce dans les rues de la ville. Une quinzaine de paroissiens se sont portés volontaires afin d’assurer la sécurité et ont été formés au filtrage et à la surveillance par la police.

Grande affluence

Plus loin, sur l’avenue de la Victoire, la circulation a été interrompue. Véhicules de police ou tracteurs ont été placés en travers de la route. Marthe, 58 ans, avoue avoir « hésité à venir dans une aussi grande célébration ». « Dès les portes de l’église franchies, je me suis sentie portée par ma foi, rassurée, et sans crainte pour la procession », assure-t-elle.

En bas des marches de la cathédrale, Héloïse, 15 ans, attend ses parents. Ils feront le pèlerinage ensemble « comme depuis une dizaine d’années », confie son père, Étienne.

À Pellevoisin (Indre) à la frontière de l’Indre-et-Loire, les pèlerins ont convergé vers le sanctuaire Notre-Dame de la Miséricorde, animé par la communauté Saint-Jean. Seuls quelques visages tendus contrastent avec l’atmosphère paisible. L’église est si bondée qu’on demande aux fidèles de se serrer sur les bancs. Une sono et quelques bancs ont été installés, à la dernière minute, sur le parvis de l’église où une centaine de personnes s’installent, faute de places à l’intérieur. La communauté attendait 130 fidèles, ils sont entre 300 et 350.

« Ces terroristes voudraient que nous ayons peur mais nous ne devons pas les laisser gagner »

Le recteur, le P. Jean-Emmanuel de Gabory, frère de Saint-Jean, commence la messe qu’il célèbre par une note d’humour :« aujourd’hui on nous demande de prier pour la France, cela fait 140 ans que nous le faisons, ici à Pellevoisin ! », lieu de piété mariale. Il précise qu’il s’agit de « prier pour la France, pour la paix et pour le monde. Pour que la France revienne à Dieu, avant tout et loin d’une démarche politique ».

Chez les pèlerins, c’est justement la nécessité de prier pour la France qui prévaut, bien davantage que toute appréhension liée à la sécurité. « Je n’ai pas hésité à venir, assure Frédéric Lamalle, père de 7 enfants, DRH d’une entreprise de distribution à Lille, en vacances avec sa famille. Il est encore plus important de ne pas renier ce que l’on est : chrétiens. Ces terroristes voudraient que nous ayons peur mais nous ne devons pas les laisser gagner. »

Il dit avoir « prié pour la France, pour la conversion de ses habitants et de ses dirigeants. Pour qu’ils dirigent toujours selon les valeurs du Bien Commun, qu’ils aient notamment à cœur le respect de la vie, de sa naissance à sa mort. »

« Rappeler que l’Église est symbole de mixité sociale »

À Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), dans une ville marquée par une forte tradition ouvrière et populaire, c’est aussi une certaine idée de la France que les paroissiens ont voulu transmettre en se rendant à l’église Notre-Dame-de-l’Espérance, où est célébrée la seule messe de l’Assomption dans toute la ville. Là aussi, certains fidèles, chargés de la sécurité, arborent un brassard rouge siglé « sécurité » et surveillent l’arrivée des fidèles sur le parvis.

« Nous sommes beaucoup plus nombreux que d’habitude », constate le P. Yves Petiton, prêtre de la Mission de France, qui anime la messe. L’assistance, aux profils variés et mélangeant les nationalités, entonne généreusement les chants. Ici, aussi, on prie pour la France et le monde. À la demande de l’évêque de Créteil, une prière de fraternité appelle aussi à la cohésion sociale. « Il s’agit de rappeler que l’Église est symbole de mixité sociale, que notre identité chrétienne n’est pas unique, mais faite de diversité,insiste le P. Petiton. On ne peut suspecter quelqu’un qui rentre dans une église en raison de son origine. »

Recueillement sur la tombe du P. Hamel

Dans la cathédrale de Rouen, qui a accueilli deux semaines plus tôt les funérailles du P. Hamel, l’émotion a cédé la place à un recueillement plus intérieur. « Craintifs et apeurés, nous le sommes », affirme Mgr Lebrun dans son homélie. Non loin de lui, une étole a été apposée sur une grande croix en bois, en hommage au vieux prêtre, tandis que 13 bougies ont été déposées sur l’autel, pour faire mémoire des victimes d’un incendie dans un bar de la ville quelques jours plus tôt. « La mort nous révolte », reconnaît-il encore, encourageant toutefois à ne pas céder à la tentation de « juger nos amis musulmans fautifs, (…), nos gouvernants trop faibles, nos juges imprudents ou bien votre Église – votre évêque – trop naïfs ».

Naïf, Jean-Louis, la soixantaine, ne veut pas l’être. « Mais je n’ai pas peur pour autant, au contraire, ces drames m’appellent à un sursaut d’espérance ». Venu d’une petite commune voisine, il veut croire à un « nouvel élan ». Avec son épouse, il participera dans l’après-midi au pèlerinage jusqu’à la basilique de Notre-Dame de Bonsecours, « l’un des plus anciens de France ».

Tombé en désuétude, il n’y avait plus qu’une cinquantaine de participants chaque 15 août. « Cette année, ce sera différent, car Mgr Lebrun a lui-même invité les Rouennais à venir, et cet appel a été relayé dans les paroisses ». Après la marche et les vêpres, les fidèles ont été conviés à un moment autour de la tombe du P. Hamel, enterré dans le jardin de la basilique.

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L’Assomption

Le 15 août est la fête de l’Assomption de Marie, mais l’Évangile de ce jour (Lc 1, 39-56) raconte la Visitation et ne dit rien de la mort de la mère de Jésus. Selon l’enseignement de l’Église catholique, la Vierge Marie, conçue toute pure par la grâce de Dieu, ne pouvait pas connaître la dégradation de son corps dans la mort. La tradition populaire a poussé l’Église
à définir l’Assomption de Marie comme un dogme en 1950.

Les fêtes mariales ont pris place progressivement dans le calendrier liturgique. Déjà au VIIe siècle, l’Églisede Rome en observait cinq : la fête de la Mère de Dieu (1er janvier), la Présentation (2 février), l’Annonciation (25 mars), l’Assomption (15 août) et la Nativité
de Marie (8 septembre).

Le 15 août est férié en France depuis 1638 : cette année-là, Louis XIII consacra le Royaume à la Vierge pour la remercier de lui avoir donné un fils (le futur Louis XIV). Par ce vœu, Louis XIII instaura les processions du 15 août.

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Une présence politique

Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’était rendu dès samedi 13 août à Lourdes pour inspecter le dispositif de sécurité exceptionnel mis en place pour le pèlerinage de l’Assomption face à la menace terroriste. Trente mille pèlerins étaient en effet attendus le week-end du 15 août dans la cité mariale. Parmi eux, Alain Juppé, candidat à la primaire des Républicains, venu en visite officielle. Pour leur part, François Fillon et Nicolas Sarkozy, deux de ses rivaux, ont assisté respectivement à la messe à Solesmes (Sarthe) et au Lavandou (Var).

Marie Malzac, Blandine Garot, Isabelle Demangeat et Bogdan Bodnar (à Rouen, Seine-Maritime ; Cambrai, Nord ; Pellevoisin, Indre ; Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne)