Le pèlerinage des Sept Saints fait vivre l’amitié islamo-chrétienne – La Croix

Le pèlerinage des Sept Saints fait vivre l’amitié islamo-chrétienne

Depuis 1954, chrétiens et musulmans se réunissent à la chapelle des Sept-Saints dans la commune du Vieux-Marché (Côtes-d’Armor) pour honorer la mémoire des Sept Dormants d’Éphèse, légende commune aux deux religions.

Sous les ifs de la forêt qui jouxte la chapelle des Sept-Saints, l’imam Mohamed Loueslati psalmodie la sourate 18 du Coran au bord d’une « fontaine sacrée ». Après une messe à la chapelle-dolmen, une centaine de pèlerins assiste à une prière interreligieuse au croisement des traditions celtes, catholiques et musulmanes. Fatima El Gzre est venue de Paris grâce à Marie-Clarté O’Neill, dont la fille – qui travaille au Maroc – a permis leur rencontre. « Sans Marie-Clarté, je n’aurais jamais soupçonné l’existence d’un tel lieu dans un coin perdu de Bretagne », glisse-t-elle, distribuant dattes et lait à la fleur d’oranger aux pèlerins.

Les musulmans sont peu nombreux

Autochtones ou vacanciers des quatre coins de la France, souvent retraités, près de 150 personnes sont venues prendre part les 22 et 23 juillet à ce pèlerinage lancé en 1954 par l’orientaliste Louis Massignon et qui, année après année, garde le cap malgré l’actualité tragique. « Certains ne viennent pas parce qu’ils ont peur de trouver nos échanges trop intellectuels, alors qu’il n’en est rien », se désole Marie-Ange Siebrecht, fidèle des Sept-Saints.

Les musulmans sont peu nombreux, ce que regrette ­Mohamed Loueslati, aumônier dans deux prisons de Rennes et habitué de ce rendez-vous estival : cette absence traduit une faille dans l’éducation des jeunes qu’il rencontre, « plus dans la revendication que la pratique ». L’enjeu est pourtant de taille – rien moins que « celui de la foi en Dieu et du monothéisme » – à ses yeux. « Notre grand regret, c’est l’absence de jeunes et de jeunes parents. Toute une génération semble faire abstraction du religieux », admet Geneviève Boisnard, adjointe à la mairie du Vieux-Marché.

Mais pour Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran (Algérie), « pardonneur » du pèlerinage cette année, peu importe le nombre de musulmans ou de jeunes présents : « Ce n’est pas ce pèlerinage qui changera le monde. Mais attention, celui-ci n’en devient que plus indispensable. Il est l’aiguille qui fait vivre la botte de foin. Il n’y a pas d’anciens combattants, tous les défis sont à venir ». Invoquant la méthode des petits pas au sein de dynamiques interreligieuses et laïques « complexes, fragiles et incandescentes », Jean-Michel Le Boulanger, vice-président de la région Bretagne, compare les pèlerins à de « petites lucioles qui éclairent dans la nuit et qui, un jour, gagneront contre l’indifférence et la tiédeur ».

« Nous n’avons plus le choix de nous ignorer ou de nous tolérer. Il nous faut nous aimer », a enjoint Mgr Jean-Paul Vesco en conclusion du pèlerinage, devant une assemblée émue mais fière à l’idée de faire vivre « un petit patelin qui rayonne d’humanisme pour la planète entière ».

Delphine Allaire, au Vieux-Marché (Côtes-d’Armor)