Titre

Jérusalem 1900

Sous titre

La ville sainte à l’âge des possibles

Auteur

Vincent Lemire

Type

livre

Editeur

Armand Colin, janvier 2013

Prix

25 €

Date de publication

17 juin 2013

En savoir plus

Jérusalem 1900 : la ville sainte à l’âge des possibles

Pourquoi Jérusalem 1900 ? N’est-elle pas cette belle endormie décrite par les voyageurs ou cette ville sanctuarisée visitée seulement par quelques pèlerins comme Chateaubriand ou Pierre Loti ?

Vincent Lemire, universitaire et chercheur, spécialiste d’histoire urbaine, raconte Jérusalem entre les années 1860 (où se met en place une institution municipale mixte et 1934 marquée par l’éclatement du conseil municipal en deux entités distinctes, l’une juive l’autre arabe), mais concentre son analyse sur la période 1880-1917.

Jérusalem compte 10 000 habitants en 1800, 30 000 en 1881 (dont 2 000 extra-muros), 70 000 en 1914 (dont 35 000 extra-muros). La ville se développe alors hors les murs et de nouvelles infrastructures apparaissent : inauguration de la première gare de chemin de fer en 1892, rénovation des canalisations hydrauliques en 1901, création d’une chambre de commerce et d’industrie en 1909, développement d’un réseau routier autour de la ville de 1870 à 1910, etc. La municipalité de Jérusalem, l’une des premières à voir le jour dans l’empire ottoman, multiplie les initiatives pour éviter une extension anarchique de l’agglomération en défendant un espace public commun et cohérent.

L’auteur met à mal certains clichés récurrents : la division de la vieille ville en quatre quartiers (chrétien, juif, musulman et arménien) relève d’une invention cartographique rapportée par des observateurs occidentaux ; la plupart des lieux saints sont de création récente « tout frais sortie d’une fabrique patrimoniale en plein essor ». Jérusalem et la Palestine font partie d’un empire ottoman, « homme malade du Bosphore », incapable d’apporter progrès et modernité dans cette province « sans loi ni administration » (Tom Segev, 2000). Encore une fois nous avons affaire à une vision biaisée de l’histoire. En 1877, Constantinople confère à Jérusalem le rang d’un Sanjak administré par un gouverneur : ceux-ci, compétents et dynamiques, travaillant en bonne intelligence avec les autorités municipales, seront jusqu’à la guerre un rempart contre les fracturations identitaires. Dès le tournant du siècle, Jérusalem possède une identité citadine partagée par une population mixte.

La dégradation de la situation à Jérusalem à partir de 1920 dans le chaos des affrontements intracommunautaires relève de causalités géopolitiques exogènes et non d’hypothétiques conflits religieux ou politiques.

Le livre de Vincent Lemire est important car, fondé essentiellement sur les archives municipales, consulaires ou impériales de l’époque, il propose une autre vision de la société urbaine de Jérusalem, « rompant avec l’idée d’une histoire irrémédiable, d’un conflit irréversible ». Jérusalem 1900 était « autre chose que le sinistre champ de bataille qu’elle tend à devenir aujourd’hui ».

Francis Labes