Recension

Titre

Exode, exil, déportation. Les migrants et Dieu

Sous titre

Dossier de la revue Le monde de la Bible

Auteur

Benoît de Sagazan

Type

livre

Editeur

Bayard, sept.-nov. 2016

Nombre de pages

146 p

Prix

15€

Date de publication

7 décembre 2016

Exode, exil, déportation. Les migrants et Dieu

 

 

L’équipe de rédaction du Monde de la Bible nous propose coup sur coup deux dossiers imprégnés d’actualité. La livraison de l’automne nous immerge parmi les migrants, ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier, voire de toujours. Comme le suggère l’éditorial de Benoît de Sagazan, ce « saut dans l’inconnu » risque de chambouler notre confort et nos certitudes.

Les flashs de l’actualité sont une nécessaire introduction à la réflexion proposée par les spécialistes de l’histoire, de la religion ou des Ecritures. On ne saurait faire l’économie du drame : leface à face avec le migrant, étranger et démuni est une épreuve. Comment la traversons-nous ?  Ni l’appel à « créer un état d’esprit bienveillant » de Benjamin Serven, ni l’invitation à agir du pasteur François Clavairoly ne sont ici superflus.

Le parcours proposé par Thomas Reiser dans son article : Quitter sa patrie et se confronter au divin commence par un panorama sur des phénomènes migratoires étalés de l’Antiquité à nos jours. Comprendre l’impact des migrations forcées sur l’histoire des peuples déplacés ou accueillants exige d’envisager la longue durée. L’intention est audacieuse mais risquée en quelques colonnes. Dans ces brassages de populations, l’univers du religieux a toute sa place et nos pratiques de foi ne sont ni intemporelles ni éternelles, retenons que « la religion est un moyen pour les migrants de conserver leur identité communautaire », d’une part, et que « la question migratoire replace la question religieuse au cœur de nos sociétés modernes » en les amenant à prendre en compte « le fait religieux », d’autre part. (p. 28).

Christophe Lemardelé jette ensuite le projecteur sur L’exode des Hébreux et les événements qui, « entre mythe et histoire » ont fait de ces migrants un peuple de croyants, le peuple israélite en terre de Canaan.  Mais il semble qu’il s’agisse là plus d’une dynamique de migration que du drame des migrants.

Thomas Römer dans Déportations, exils et découverte du Dieu unique fait apparaitre la reconnaissance du Dieu unique au travers des expériences de déportations infligées au peuple des Judéens notamment sous le joug des Assyriens puis des Babyloniens.  Il montre comment l’exil produit le phénomène de diaspora et structure la vie des communautés juives dans les diasporas. Ces communautés partageant des cultures dominantes mais radicalement étrangères à la tradition juive revendiquent l’attachement aux moments fondateurs de leur histoire peut-être plus que le lien à la terre des ancêtres. « C’est notamment la lecture de la Torah – du Pentateuque – compilée à l’époque perse qui donnera aux Judéens dispersés parmi les peuples leur identité et leur cohésion. » (p.45).

Serge Molla dans l’article Prier pour survivre à la traite négrière transporte sans ménagement le lecteur à l’autre bout de la terre, dans un autre temps et met en lumière comment des millions d’êtres humains déportés en Amérique ont survécu en s’appropriant la libération du peuple d’Israël du pouvoir de Pharaon comme la victoire proclamée de Jésus sur les forces de la mort. Il y a, bien sûr, à l’origine de cette désolation une migration organisée et imposée. Le phénomène migratoire semble s’effacer devant la déréliction, stade ultime du mépris, de la domination, de la violence. Alors revendiquer son humanité se confond avec l’affirmation d’une espérance messianique.

Il y a peut-être là, une parenté avec ce que ressentent les Chaldéens aujourd’hui exilés du fait des guerres à répétition survenues aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak.

Philippe Emmanuel Krautter retient surtout le repli sur soi d’une communauté privée de sa terre et de son histoire, à la fois soucieuse de préserver son identité mais très séduite par les perspectives d’intégration.

Jean-Marie Carrière, au nom du Jesuit Refugee Service (JRS) en Europe créé en 1980 par le supérieur général Pedro Arrupe, utilise plus volontiers – pour qualifier le temps de l’intégration –  les termes de « social inclusion » ou de « reconnaissance mutuelle ».

Pour conclure ce dossier, Gérard Billon, du Service biblique Evangile et vie, invite à relire et à reconsidérer le texte d’Exode 2, 21-24 : le découvreur du Dieu unique, Moïse, donne au fils né de son union avec Cippora, la madianite, « le nom de Guershôm – Emigré-là – car, dit-il : ‘je suis devenu là (sham ou shom) un émigré (guer) en terre étrangère’. » (Ex 2, 22).

 

  Marc Ameil

[1] Ce dossier a fait l’objet sur RCF, le 13/09/2016, de l’émission Grand Angle, de Christophe Henning, en partenariat avec Bayard Presse, avec pour invités : Benoît de Sagazan, Anne Groisard, Christophe Lemardelé, bibliste, Antoine Paumard, s.j. (JRS)   https://rcf.fr/spiritualite/bible/migrants-depuis-les-temps-bibliques

Durée : 55 mn.