Recension

Titre

Les derniers jours de Moïse

Auteur

Armand Abécassis

Type

livre

Editeur

Flammarion, 2015

Nombre de pages

224 p

Prix

19€80

Date de publication

1 juillet 2017

Les derniers jours de Moïse

 

 

On ne présente pas Armand Abécassis.

Armand Abécassis, né à Casablanca au Maroc, est professeur honoraire de philosophie générale et comparée à l’université Michel-de-Montaigne de Bordeaux. Il enseigne à l’École Aquiba de Strasbourg, et à l’Alliance israélite universelle. Il anime de nombreux séminaires. Ses écrits et ses enseignements cherchent à promouvoir un dialogue fécond entre judaïsme et christianisme et il reçoit le prix de l’Amitié judéo-chrétienne de France en 2009. Il anime chaque année les rencontres entre juifs et chrétiens de l’association DAVAR.

Ses publications sont impressionnantes. Il faut citer parmi tant d’autres Jacob, Rachel, Léa et les autres, Paris, Albin Michel, 1981 ; À Bible ouverte, avec Josy Eisenberg, Paris, Albin Michel, rééd. 1991-1993 et son impressionnant ouvrage, La Pensée juive, en quatre volumes (LGF, coll. «Le livre de poche», 1987 à 1996).

Parmi toutes les publications récentes sur Moïse, le livre d’Armand Abécassis surprend par son rythme et sa tonalité. Moïse médite, aux confins de la terre promise, en vue du Jourdain qui coule à ses pieds, au terme de sa vie. Méditation sur son destin exceptionnel, sur sa mission et sur le destin de son peuple. Ce peuple, toujours présent en arrière-plan, est figé dans une attente anxieuse, au seuil de son avenir qui se fera sans Moïse.

Armand Abécassis nous invite à partager ce long dialogue entre Moïse et son  Dieu. Cheminant depuis le Moïse égyptien, le Moïse prophète et interlocuteur de Dieu, le Moïse législateur jusqu’au Moïse passeur de son peuple. Mais il brosse aussi le portrait d’un homme révolté, qui ne peut se résoudre à se plier à la décision de Dieu. Il convoque les Patriarches, la création toute entière qui ne tient que par la Torah. Les anges même qui pleurent comme ils ont pleuré sur Isaac au mont Moriah. Même Samaël renonce un moment à recueillir l’âme du plus grand des prophètes. Dans le dernier chapitre, Armand Abécassis convoque le psalmiste et termine par la prière : « Que la paix advienne ! Que ceux qui marchent droit demeurent en repos sur leur couche. Que la mention du juste soit toujours faite pour la bénédiction. »

Mais au-delà du discours, Armand Abécassis nous invite à partager sa propre méditation, son goût pour le désert, ses solitudes mais aussi ses points d’eau. Sous le discours de Moïse transparait les préoccupations de l’auteur : la responsabilité éthique, la place de la tradition, le rôle de l’éducation. Mais aussi son inquiétude devant la fragilité humaine : «  Moïse doit mourir et, comme tous les êtres humains il voudrait vivre plus longtemps, très longtemps […] Pourquoi Dieu décrète-t-il la mort des hommes justes et de bien ? ».

Pour celui qui a l’oreille fine et qui est familier de la littérature rabbinique, apparait la fine trame qui porte tout le livre : le midrash : ce long commentaire qui scrute, tourne et retourne le texte pour en faire jaillir des étincelles de vérité pour l’ici et maintenant. Comme le dit ailleurs Armand Abécassis, et il en fait ici la démonstration : le midrash n’est pas une technique exégétique, c’est une anthropologie.

Cet ouvrage entraine le lecteur dans une lente méditation qui fait accéder à l’intimité de « l’homme Moïse », à ses craintes et à ses angoisses bien humaines loin de la figure hiératique communément admise.

Daniel Ollivier[1]

[1] Diplômé d’hébreu biblique. Collaborateur du Centre Chrétien pour l’’Etude du Judaïsme (CCEJ) de la Faculté de Théologie de l’Université Catholique de Lyon. Membre du Cercle de la Pensée Juive Libérale de Lyon. (CPJL)