Syrie : pourquoi le processus de Genève est à bout de souffle – OLJ

Les seules questions sur lesquelles l’opposition et le régime peuvent trouver un terrain d’entente à l’heure actuelle ne sont traitées qu’à Astana.

Anthony SAMRANI | OLJ
27/02/2017

Plus de 72 heures. Pas une seule avancée. Genève IV est bien partie pour être encore moins productive que les précédentes. Alors que les pourparlers de paix entre le régime syrien et l’opposition ont débuté jeudi soir, il aura fallu attendre dimanche pour que le médiateur de l’ONU Staffan de Mistura annonce officiellement les thèmes qui allaient être discutés par les deux belligérants au cours de ces négociations. Au menu : la gouvernance, une nouvelle constitution et les élections. Alors que les trois parrains du conflit, la Russie, l’Iran et la Turquie, ont réuni à deux reprises le pouvoir et l’opposition à Astana, M. de Mistura veut clairement ramener les négociations syriennes dans le giron de l’ONU. Les trois thèmes de discussions sont inscrits dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité adoptée en 2015, qui fixe la feuille de route internationale pour parvenir à une solution politique en Syrie. Le problème ? Aucun de ces sujets ne fait consensus.
En ce qui concerne la gouvernance, la résolution 2254 évoque « une autorité de transition dotée des pleins pouvoirs exécutifs ». Mais le régime et l’opposition ne s’entendent pas sur ce que cela signifie. Pour le premier, il n’est pas question de discuter du départ de Bachar el-Assad ou de limiter ses pouvoirs. À peine accepte-t-il, sous la pression des Russes, d’accorder quelques ministères sans importance aux membres les plus « tolérables » de l’opposition. Cette dernière considère, au contraire, que l’autorité de transition doit avoir les pleins pouvoirs et que cette période doit préparer le départ de M. Assad.

La question de la concentration du pouvoir est primordiale sur toutes les autres, notamment sur celle d’un changement de Constitution. Celui-ci n’aurait de sens que si, en pratique et non seulement en droit, les citoyens pouvaient s’exprimer démocratiquement. À titre d’exemple, rien n’indique dans la Constitution actuelle que le clan Assad doit concentrer la totalité des pouvoirs entre ses mains pour une période indéfinie, mais c’est pourtant le cas dans les faits. Autrement dit, une nouvelle Constitution ne garantirait pas nécessairement une meilleure représentation de l’opposition au sein des institutions de l’État syrien.
Les discussions autour de l’organisation des prochaines élections devraient être tout aussi houleuses. Les possibles désaccords ne manquent pas. Comment sera organisée la future consultation sachant qu’une partie importante du territoire n’est pas sous le contrôle du régime ? Est-ce que les déplacés et les réfugiés, qui composent la moitié de la population, auront le droit de voter ? Et surtout, est-ce que Bachar el-Assad aura le droit de se représenter une nouvelle fois ?

Absence de moyens

Gouvernance, Constitution et élections seront discutées « en parallèle », selon le document rédigé par M. de Mistura, qui précise qu’« il n’y a accord sur rien tant qu’il n’y a pas accord sur tout ». Une façon de placer la barre très haut, ce qui paraît être en complète contradiction avec les possibilités d’avancées réelles.

Le régime semble bien décider à saboter les négociations de Genève, prétextant de l’attentat contre les services de renseignements à Homs samedi, revendiqué par Fateh al-Cham, pour limiter les discussions à la lutte contre le terrorisme. L’opposition profite, au contraire, de cette vitrine pour montrer qu’elle existe encore, malgré sa déroute sur le terrain. Mais la dynamique n’est pas de son côté et le risque est, qu’à terme, le processus de Genève soit complètement marginalisé par rapport à celui d’Astana. Les questions du cessez-le feu, de la lutte contre le terrorisme et le dossier humanitaire doivent être traitées à Astana, précise le document de M. de Mistura. Et c’est là tout le paradoxe : la solution finale passera nécessairement par Genève, mais les seules avancées possibles à l’heure actuelle ne peuvent avoir lieu qu’à Astana.

Le processus de Genève n’a pas vocation à régler la totalité du conflit syrien puisqu’il ne traite ni de la guerre entre les Turcs et les Kurdes, ni de celle entre les Kurdes et l’État islamique (EI), ni de celle entre les rebelles et les jihadistes, mais uniquement de celle qui oppose les troupes loyalistes aux rebelles modérés. Le problème, c’est que c’est sans doute la plus difficile de toute à régler. Et que Genève ne semble pas du tout avoir les moyens de le faire.