Pour des droits humains et l’égalité des sexes en Iran, et dans l’ensemble du monde arabo-musulman.

Cette tribune a été communiquée à Bertrand Wallon, administrateur de CDM et Secrétaire général de l’Institut Dominicain d’Etudes Orientales (Idéo), par Leila Tauil, l’une des signataires, enseignante-chercheuse spécialiste du féminisme musulman, qui est déjà intervenue plusieurs fois pour les Amis de l’Idéo. Elle nous a demandé de la diffuser, en même temps qu’elle était publiée dans le quotidien Libération. Nous faisons ainsi écho au mouvement de femmes, issues du monde arabo-musulman et en particulier des pays des deux rives de la Méditerranée, qui s’insurgent après la mort en Iran de Jina Mahsa Amini aux mains de la police des mœurs.

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Près d’une soixantaine de militantes, écrivaines et universitaires démocrates et laïques font appel à l’ONU pour mettre fin à la répression contre les citoyens d’Iran qui se soulèvent au péril de leur vie pour la liberté, l’égalité et la démocratie.

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La mort de Jina Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, battue à mort par la police des mœurs en Iran pour avoir laissé apparaître quelques mèches de cheveux, est le point de départ d’un soulèvement sans précédent de l’ensemble de la population iranienne, mené par une jeunesse féminine assoiffée de liberté et d’égalité, qui rejette majoritairement la dictature religieuse installée depuis 1979 et fondée essentiellement sur le contrôle du corps des femmes, la légalisation de leur infériorisation et la prégnance d’un patriarcat sacralisé par la loi islamique médiévale, la charia, qui entérine de fait le rapport hiérarchique des sexes.

Nous, femmes démocrates et laïques, issues du monde arabo-musulman, dénonçons le silence des nôtres face à ce qui se passe en Iran et manifestons notre soutien total au peuple iranien qui se soulève pour la liberté, l’égalité et la démocratie. Nous sommes totalement solidaires avec les Iraniennes et les Iraniens, tout autant qu’avec les Afghanes et les Afghans, car nous vivons, à des degrés différents, depuis les indépendances, sous le joug d’autorités non démocratiques qui, au nom de l’islam d’Etat, privent leurs citoyens des libertés individuelles, notamment la liberté de conscience et la liberté de disposer de son propre corps. Cet état de fait explique grandement le silence assourdissant et complice de ce qu’on appelle la «rue arabe» et de la quasi-majorité de nos gouvernements face à la politique répressive de la théocratie iranienne.

Pour une société affranchie de toute discrimination

Nous, femmes démocrates et laïques, issues du monde arabo-musulman, dénonçons tout régime qui astreint ses citoyens au diktat des religieux et qui, au nom de l’islam, leur impose, politiquement ou socialement, une loi patriarcale moyenâgeuse renforcée par l’activisme islamiste qui, en contextes musulmans, réislamise par le bas le lexique, les représentations et les pratiques sociales tout en réduisant les femmes à des objets érotisés (’awra), contraintes de se voiler et soumises à l’impératif de la virginité avant le mariage, au tutorat et à l’inégalité successorale.

En Iran, depuis la mort de Jina Mahsa Amini, des jeunes filles brûlent vaillamment leurs voiles, prémices de la fin de l’islamisme mondialisé, et les femmes et les hommes héroïques iraniens, modèles d’inspiration pour l’ensemble des sociétés à majorité musulmane, crient au monde, au péril de leurs vies, leur aspiration aux valeurs universelles des droits humains et de l’égalité des sexes.

C’est pourquoi, nous, femmes démocrates et laïques, issues du monde arabo-musulman, appelons l’ONU, les gouvernements démocratiques et la communauté internationale à exiger de la part du pouvoir iranien d’arrêter dans l’immédiat la répression de son peuple.

Nous, femmes démocrates et laïques, issues du monde arabo-musulman, au nom de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUHD, 1948) et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw, 1979) – acquis majeurs de la modernité qui inaugurent l’ère de la dignité humaine et de l’égalité citoyenne en rompant résolument avec les dispositions juridiques et ordres sociaux fondés sur des rapports hiérarchiques entre les êtres humains –, nous réclamons, en Iran et dans l’ensemble des sociétés à majorité musulmane, l’instauration d’un Etat de droit, laïque ou séculier, fondé sur la séparation des pouvoirs, l’égalité hommes-femmes, la garantie des libertés individuelles et des droits sexuels.

Signataires :

  • Hela Abdeljaoued. Militante féministe et militante des Droits de l’homme (Tunisie)
  • Aicha Abounai. Professeure d’université (Maroc)
  • Amina Achour. Ecrivaine et critique littéraire (Maroc)
  • Fouzia Assouli. Présidente d’honneur de la Fédération des Ligues des droits des femmes marocaines (Maroc)
  • Maram al-Masri. Ecrivaine et poétesse (Syrie)
  • Jouda Bakir. Documentaliste et universitaire (Tunisie)
  • Souhir Belahssen. Présidente d’honneur de la Fédération internationale des Droits de l’homme (Tunisie)
  • Bochra Bel-Haj Hmida. Militante féministe et ancienne députée (Tunisie)
  • Emna Bel-Haj Yahia. Ecrivaine et enseignante (Tunisie)
  • Sana Ben Achour. Juriste féministe et présidente de l’Association Beyti (Tunisie)
  • Rabaa Ben Achour. Ecrivaine et universitaire (Tunisie)
  • Habiba Ben Romdhane. Professeure de médecine (Tunisie)
  • Naima Benwakrim Féministe engagée et militante des droits humains (Maroc)
  • Sophie Bessis. Ecrivaine et ancienne rédactrice en chef du journal Jeune Afrique (Tunisie)
  • Maïssa Bey. Ecrivaine et romancière (Algérie)
  • Chochana Boukhobza. Ecrivaine et romancière (Tunisie)
  • Asmaa Boussetta. Universitaire et citoyenne engagée (Maroc)
  • Leila Chafai. Ecrivaine et universitaire (Maroc)
  • Chahla Chafiq. Essayiste, écrivaine et ancienne membre du Haut conseil à l’égalité (Iran)
  • Zeineb Chéhiss. Militante féministe (Tunisie)
  • Amel Chekkat. Militante pour les droits des femmes (Algérie)
  • Soad Chentouf. Universitaire féministe et consultante experte Genre (Maroc)
  • Khadija Chérif. Militante féministe et militante des Droits de l’homme (Tunisie)
  • Naïma Chikhaoui. Professeure d’université et chercheure féministe (Maroc)
  • Dora Carpentier Latiri. Ecrivaine et enseignante (Tunisie)
  • Zakia Daoud. Essayiste, militante féministe et journaliste (Maroc)
  • Saïda Douki. Dedieu Professeure de médecine (Tunisie)
  • Sedef Ecer. Ecrivaine, dramaturge et metteuse en scène (Turquie)
  • Latifa el-Bouhsini. Professeure d’université et militante féministe (Maroc)
  • Mounira el-Bouti. Chercheuse et enseignante (Algérie)
  • Badia el-Koutit. Militante des droits humains et droits des femmes (Maroc)
  • Nadia Essalmi. Ecrivaine et éditrice (Maroc)
  • Hella Feki. Ecrivaine, professeure de lettres et de théâtre (Tunisie)
  • Fatima Ghilmane. Professeure d’université (Maroc)
  • Wafa Ghorbel. Ecrivaine et autrice-compositrice (Tunisie)
  • Osire Glacier. Professeure d’université et chercheuse féministe (Maroc)
  • Nabila Hamza. Militante féministe et membre du Bureau de l’ATFD (Tunisie)
  • Khadija Hassala. Professeure de l’enseignement supérieur (Maroc)
  • Hédia Jrad. Ancienne présidente de l’Association des femmes démocrates (Tunisie)
  • Neyla Jrad. Féministe et militante politique (Tunisie)
  • Zora Kabbachi. Citoyenne engagée (Maroc)
  • Guila Clara Kessous. Artiste de l’Unesco pour la paix, auteure et metteure en scène (Maroc)
  • Fadila Maaroufi. Directrice de l’Observatoire des fondamentalistes à Bruxelles (Maroc)
  • Fatima Maghnaoui. Activiste des droits humains (Maroc)
  • Georgia Makhlouf. Ecrivaine, critique littéraire et journaliste (Liban)
  • Samia Maktouf. Avocate des victimes du terrorisme (Tunisie)
  • Laila Masli. Bénévole humaniste sans frontières (Maroc)
  • Zineb Mekouar. Ecrivaine et universitaire (Maroc)
  • Danielle Michel-Chiche. Essayiste, écrivaine et journaliste (Algérie)
  • Nadia Naïr. Activiste féministe et enseignante (Maroc)
  • Cécile Oumhani. Ecrivaine et poétesse (Tunisie)
  • Najat Razi Chercheuse en sociologie et militante féministe (Maroc)
  • Fahimeh Roubiolle. Enseignante et militante féministe (Iran)
  • Leïla Slimani. Ecrivaine, prix Goncourt 2016 (Maroc)
  • Wassyla Tamzali. Essayiste et ancienne directrice des droits des femmes à l’Unesco (Algérie)
  • Leïla Tauil. Enseignante à l’université de Genève et chercheuse féministe (Maroc)
  • Hyam Yared. Ecrivaine et présidente du Centre PEN Liban (Liban)
  • Fawzia Zouari. Ecrivaine et présidente du Parlement des écrivaines francophones (Tunisie)

Lien vers la tribune parue dans Libération le 25 octobre 2022 :

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/des-femmes-arabo-musulmanes-soutiennent-le-soulevement-du-peuple-iranien-20221025_46O2SDT3AVFH5EQLURBBX3OSCE/?redirected=1

Manifestation de femmes iraniennes

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