Titre

Le globe et la loi

Sous titre

5000 ans de relations internationales. Une histoire de la mondialisation

Auteur

Jacques Huntzinger

Type

livre

Editeur

Paris : Le Cerf, sept. 2019

Nombre de pages

406 p.

Prix

24 €

Date de publication

12 janvier 2020

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Le globe et la loi

Le projet est ambitieux, mais le pari est réussi dans cette suite du développement de la mondialisation depuis 5 000 ans, à laquelle participent maintenant tous les peuples de la terre. L’auteur, diplomate de carrière[1], connaît l’histoire de ce vaste monde qui commence à Sumer, avec ses différents acteurs, le peuple, le prêtre, le prince et le marchand. Il parcourt à grandes enjambées, mais avec une foule de détails précis, ces millénaires dans leur histoire et leur géographie.

La Chine est reconnue comme le plus vieil État du monde, dirigée par un empereur, le Fils du ciel, et travaillée par le confucianisme et le taoïsme. La dynamique du prince et du marchand s’y développe jusqu’à aujourd’hui. Pendant ce temps, un autre foyer de puissance se constituait dans la Méditerranée, autour d’Athènes puis de Rome. C’est la naissance du droit, pierre d’angle de l’État moderne. Quelques siècles plus tard, le monde se globalise au Moyen Age avec la constitution de différents empires, en Amérique, en Afrique, dans la péninsule arabique, en Perse.

L’auteur propose alors trois chapitres autour de l’Europe. Cette péninsule de l’Asie se transforme, depuis l’avènement des royaumes barbares du VIᵉ siècle aux États modernes du XIXᵉ siècle. Au Moyen Age, l’Église catholique y imprime sa marque en imposant une pensée unique. Mais les philosophes continuent à réfléchir, de Machiavel à Hobbes, pour ouvrir le continent à la modernité. En quelques siècles, cette Europe va découvrir le monde, le dominer, le façonner par son économie et son application du droit. Puis elle chutera dans ses guerres fratricides du XXᵉ siècle, dans une sorte de guerre civile interne qui fera des dizaines de millions de morts.

Le XXᵉ siècle est intitulé le siècle américain, car même s’il est dominé apparemment par la division Est-Ouest et la constitution d’arsenaux nucléaires gigantesques après 1945, les États-Unis dominent de très loin les capacités économiques d’une Union soviétique dont le tissu industriel reste faible et l’agriculture peu productive. Un modèle rationnel de « paix impossible et de guerre improbable » s’installe jusqu’à la grande surprise de la chute du mur de Berlin[2] et de l’empire soviétique[3].

Arrivé aux années 2000, l’auteur propose cinq chapitres sur les divers aspects de la mondialisation, politique, économique, sociale, culturelle et juridique.  Une société internationale émerge d’une accélération des échanges. La mondialisation devient quelque peu anarchique avec des pouvoirs multiples qui se manifestent de tous côtés. « Le pape, combien de divisions ? » de Staline, est une remarque bien du passé quand la société internationale était solide, faite d’alliances et de structures bien délimitées ; elle est aujourd’hui « liquide », insaisissable, bousculée par les médias, les évolutions culturelles, les peurs irrationnelles et le terrorisme.

Ainsi, la force et la puissance se métamorphosent. Au-delà de l’État, les instruments de puissance émergent bien au-delà des forces armées. L’exemple américain propose une civilisation ouverte et dynamique qui a une grande puissance attractive, un soft power très influent, même s’il est soutenu par des forces armées toujours considérables. Si des actes d’agression existent encore, en Irak en 2003, en Ukraine en 2014, ils sont réprouvés par toute la communauté internationale.

Question finale : dans ces nouvelles configurations, qui gouverne le monde ? Une multitude de pouvoirs imbriqués agissent sur la scène internationale, mais les États-Unis, la Russie et la Chine apparaissent comme des puissances mondiales qui restent néanmoins empêtrées dans des contraintes qui limitent fortement leurs marges de manœuvre. Plus que jamais, les peuples restent le fondement de cette scène mondiale prise dans la logique des marchands.

Le parcours de ce livre est donc immense dans l’histoire et la géographe, mais des analyses historiques fouillées le rendent concret, proche de chaque citoyen qui devrait le lire attentivement pour devenir acteur sur cette scène.

Pierre de Charentenay

 

Notes de la rédaction

[1] À lire : ses différentes contributions sur notre site, notamment La Méditerranée existe-t-elle ? ; Jérusalem menace-t-elle la paix du monde ? ; Révolutions arabes, chance ou danger pour le pluralisme des cultures et des religions ? et la recension de ses livres : Initiation à l’islam ; Il était une fois la Méditerranée

[2] Le 9 novembre 1989

[3] En décembre 1991