Libération – Irak : financer des étudiants pour lutter contre l'exil des chrétiens d'Orient

Monseigneur Yousif Mirkis, archevêque de Kirkouk, en Irak.

L’archevêque de Kirkouk en Irak, Mgr Yousif Mirkis, dit de lui-même qu’il a la «baraka». De justesse, il a pu monter à bord d’un avion à Erbil, il y a une dizaine de jours, juste avant que les autorités irakiennes ne ferment provisoirement les lignes aériennes dans le nord du pays à cause de la situation en Syrie. D’Erbil, il a gagné Istanbul puis l’Europe.

Figure intellectuelle de l’Irak, le prélat catholique est en tournée pour trouver un million d’euros. Par souci de l’avenir, il veut financer les études de 380 étudiants chrétiens d’Irak. Pour cela, il a obtenu le soutien officiel des évêques français qui mobilisent actuellement toutes leurs paroisses. Une délégation se rendra très prochainement sur place afin d’évaluer les besoins. «Nous devons redonner de l’espérance», souligne Mgr Pascal Gollnisch, le directeur de l’Œuvre d’Orient, la principale association catholique française d’aide aux chrétiens d’Orient.
Entre 300 000 et 400 000 chrétiens d’Orient déplacés
Les «déplacés» chrétiens, installés dans le Kurdistan irakien, en ont cruellement besoin. «Leur projet, c’est l’émigration», martèle Mgr Mirkis, qui redoute une «yougoslavisation » de son pays. Malgré les difficultés, l’Eglise catholique souhaite que les communautés chrétiennes puissent demeurer sur place.

Depuis 2003, l’Irak a perdu les deux tiers de sa population chrétienne. Selon l’archevêque de Kirkouk, leur nombre s’élèverait aujourd’hui entre 300 000 et 400 000. La moitié vit à Bagdad et Bassorah, l’autre moitié est réfugiée dans le Kurdistan irakien. «Lorsque, en août 2014, ils ont quitté Mossoul et la plaine de Ninive, les chrétiens espéraient rentrer rapidement chez eux. Mais dans cette zone chrétienne, pas un seul centimètre carré n’a été libéré», explique Mgr Gollnisch.

Relancer l’activité économique
Généralement arabophones, ces étudiants chrétiens ne peuvent pas étudier dans les universités à Erbil, où les cours sont dispensés en langue kurde. L’archevêque de Kirkouk, une ville arabophone mais sous contrôle kurde, a prévu d’en accueillir le plus grand nombre. Reste à trouver les financements. «Les familles qui ont tout quitté ne peuvent plus payer les études de leurs grands enfants. Elles s’adressent aux églises pour obtenir de l’aide. Former des étudiants, c’est se tourner vers l’avenir. Nous ne sommes pas des gardiens de musée», explique encore le directeur de l’Œuvre d’Orient.
Pour les familles déplacées dans le Kurdistan irakien, les conditions de vie se se sont un peu améliorées. «Nous sommes parvenus à scolariser à peu près tous les enfants et nous assurons les soins de santé, explique Mgr Gollnisch. Mais les familles n’ont pas de travail. Sans ressources, elles dépendent essentiellement de l’aide ; ce qui est très difficile pour elles.» Sur place, les ONG tentent tant bien que mal de relancer des activités économiques.

Bernadette Sauvaget