Le Monde – La France revoit ses ambitions à la baisse sur le conflit israélo-palestinien

L’ouverture était étroite. Voilà la porte refermée. Pendant plusieurs mois, la France a tenté de promouvoir un projet de résolution, destiné à être soumis au Conseil de sécurité des Nations unies, sur le conflit israélo-palestinien. La particularité de cette initiative était son caractère contraignant. Il s’agissait de fixer dans le marbre les paramètres des négociations entre les parties, mais surtout une date butoir, dans dix-huit mois.

Si, au terme de cette période, Israéliens et Palestiniens n’étaient pas parvenus à un accord, la France aurait reconnu l’Etat de Palestine. Depuis cet été, cette initiative est remisée, alors qu’approche l’ouverture des débats de l’Assemblée générale de l’ONU, lundi 28 septembre, et que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, doit rencontrer François Hollande à l’Elysée mardi 22 septembre.

« C’est une reculade liée au principe de réalité, soupire un diplomate français. Mais, au moins, on aura été les seuls à tenter de faire quelque chose de positif. » Paris s’est replié sur une proposition moins ambitieuse mais pragmatique, dans un contexte international dominé par la menace djihadiste : la création d’un groupe de contact pour soutenir les efforts des deux parties concernées. Ce groupe rassemblerait les membres du Quartet (ONU, Etats-Unis, Union européenne et Russie), des pays européens comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne et les piliers de la Ligue arabe.

Impasse désespérante

Le Quartet n’est guère ravi de cette initiative, qui souligne son inefficacité. Mais l’élargissement du cercle semble nécessaire, tant l’impasse israélo-palestinienne est désespérante. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a invité les ministres des affaires étrangères de l’Egypte, de la Jordanie et de l’Arabie saoudite à se joindre à leurs collègues du Quartet, le 30 septembre à New York. « Notre idée est plus large, nous voudrions que l’ouverture aux pays arabes soit pérenne », précise une autre source française. Côté israélien, on rejette l’initiative. « On ne veut pas encore se trouver dans une situation où l’on parle de nous dans notre dos », résume un diplomate israélien.

Le repli français avait été esquissé par Laurent Fabius au cours de sa visite régionale, les 20 et 21 juin. La résolution n’était plus « une fin mais un moyen ». Il fallait en priorité créer les conditions d’un « accompagnement international » pour « aider les deux parties à faire les derniers pas, les plus durs », dans les négociations. Malgré cette prudence, Laurent Fabius avait été battu froid par Benyamin Nétanyahou. Le premier ministre israélien avait dénoncé toute tentative de « diktat international ». Depuis, ce dernier se dit prêt à se rendre à Ramallah pour discuter avec Mahmoud Abbas, mais ne donne aucun gage d’ouverture.

Discussions confidentielles

Cette prudence française sur le dossier israélo-palestinien s’explique notamment par les tergiversations américaines. En juin, Washington avait demandé à Paris de s’abstenir de toute initiative en faveur d’une résolution, avant le dénouement des négociations sur le nucléaire iranien. Aujourd’hui, les Etats-Unis et Israël ont entamé des discussions confidentielles sur les compensations – militaires, financières et politiques – dont bénéficiera l’Etat hébreu après l’accord avec l’Iran. M. Nétanyahou sera reçu à la Maison Blanche le 9 novembre.

Dans ce contexte, Washington ne voit guère d’intérêt à une résolution qui hérisserait à nouveau Tel-Aviv. D’autant que l’électorat juif américain est très courtisé dans la campagne électorale américaine qui débute. Mince espoir, caressé par certains : dans la dernière année de son mandat, le président américain, Barack Obama, pourrait faire un geste inédit pour promouvoir la cause palestinienne et exercer une pression sur Israël.

« Les Français ont passé beaucoup de temps à obtenir un consensus sur leur initiative, explique Hanan Ashrawi, membre du Conseil exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Quand on veut faire plaisir à tout le monde, on n’arrive nulle part. Les Etats-Unis n’ont fait que gagner du temps. Aujourd’hui, après l’accord sur le nucléaire iranien, ils sont très occupés à payer Israël en argent, en armes et en soutien politique. »

Husam Zomlot, expert en politique étrangère au Fatah et ambassadeur extraordinaire désigné par le président Mahmoud Abbas, estime que l’accord sur le nucléaire iranien rend « d’autant plus inacceptable le fait que la communauté internationale continue de traiter Israël comme une exception ». « On a mis une belle veste, on a participé à tous les processus, on a suivi toutes les règles, poursuit-il. Mais, depuis 1988 [reconnaissance d’Israël par l’OLP], personne n’est venu à notre secours. »

 

Piotr Smolar, Le Monde, lundi 21 septembre 2015