La Vie – Mgr Sako sanctionne des religieux ayant fui l'Irak

Le décret publié (en anglais) le 22 septembre dernier par le patriarche des chaldéens est arrivé à expiration. Mgr Sako y rappelait longuement le vœu d’obéissance auquel sont liés les moines et l’engagement pris par le prêtre au moment de son ordination : “donner sa vie entière au Christ et à l’Eglise”.

Il revenait également sur la mission du prêtre : “Garder la foi complète, édifier le corps mystique du Christ, renforcer l’unité de l’Église”. Une mission qui n’envoie pas toujours le prêtre “là où il veut servir”. C’est pourquoi il demandait aux prêtres ou moines ayant fui l’Irak de parler à leurs évêques ou aux supérieurs de leurs communautés afin d’évoquer ensemble leur retour ou leur transfert officiel dans d’autres diocèses ou communautés. En l’absence de quoi, ces religieux seraient suspendus.

Soirée de prière

Le décret, qui concerne une douzaine de moines et de prêtres ayant fui récemment l’Irak sans l’accord de leurs supérieurs, a déclenché une mobilisation inattendue aux Etats-Unis, relate (en anglais) le site 10 news. Ainsi, des dizaines de fidèles catholiques chaldéens ont assisté à la “messe d’urgence” célébrée ce mercredi 22 octobre dans l’église catholique chaldéenne Saint-Pierre de Rancho San Diego, en Californie. La chaîne télévisée éponyme a même consacré un reportage à cette soirée de “prière pour soutenir les prêtres qui ont été maintenant suspendus par Mgr Sako”.

L’un des moines mentionnés dans le décret, le Père Noël Gorgis, témoigne face à la caméra. “Me dire de rentrer en Irak…C’est comme me demander de me suicider”, explique ce prêtre. Comme d’autres prêtres, explique la chaîne, le Père Gorgis a “fui l’Irak au moment de la Guerre du Golfe” et a, depuis, créé une paroisse catholique chaldéenne en Californie, dans la ville d’ El Cajon. L’article de 10 news précise que leur départ vers les Etats-Unis n’a “jamais été approuvé” par Mgr Sako, qui leur demande de rentre en Irak pour “corriger leur statut”.

Fidélité au Christ

Une position que le patriarche des chaldéens détaille longuement dans un entretien accordé ce lundi 20 octobre à Aleteia, en marge du consistoire consacré aux chrétiens d’Orient. “Les prêtres qui ont fui sans aucun document canonique encouragent les autres à partir, ainsi que leurs familles, précise Mgr Sako. Si nous ne fixons pas de limites, d’autres vont partir, l’Église et le pays resteront sans chrétiens.”

Et de rappeler la vocation du prêtre, qui, s’étant “donné au Seigneur et à son service”, ne doit pas “chercher sa liberté, sa sécurité”. Pour Mgr Louis Raphaël Sako, l’avenir du prêtre “est la fidélité au Christ et aux personnes, pas en Amérique ou en Australie”.

Revenant sur le cas particulier des moines, qui le touche particulièrement, il précise : “un moine a fait le choix de la vie communautaire. Comment peut-il la laisser et s’en aller pour être curé aux Etats-Unis sans l’autorisation de son supérieur ?” À la journaliste italienne qui lui demande ce qui va se passer si les prêtres ne revenaient pas en Irak d’ici le 22 octobre, il répond : “Ils seront suspendus. Nous sommes des pasteurs et nous devons donner le bon exemple. Nous devons servir le troupeau.”

“L’exil n’est pas une solution”

Il maintient donc sa position, qu’il nous expliquait en août dernier : “La solution pour notre pays ne réside pas dans l’exil d’une partie de ses enfants, quelle que soit leur confession, mais dans une solution politique, qui nous permette de rester dans ce pays que nous aimons, et d’y vivre en sécurité, égalité, et dignité avec tous.”

Une affaire qui “met en lumière l’un des facteurs les plus déterminants mais moins connus qui contribuent à l’extinction de communautés aux traditions millénaires”, analyse (en anglais) le Vatican Insider, rappelant ainsi la conviction profonde de Mgr Sako: “le dépérissement du christianisme” en Mésopotamie n’est pas seulement dû aux djihadistes de l’organisation Etat islamique, mais aussi aux prêtres et aux moines, qui “sont les premiers à fuir leur lieu de naissance pour ‘trouver refuge’ en Occident” comme “membres des communautés florissantes de la diaspora”.

ANNA LATRON