La Vie – Inquiétude après l'enlèvement d'un prêtre syrien vers Homs

« Nous vivons en ce moment un temps difficile, beaucoup de tension, car les extrémistes qui s’appellent “Daech” approchent de notre ville de Qaryatayn après leurs domination de Palmyre où ils ont tué beaucoup des gens en coupant les têtes… c’est terrible ce que nous vivons… aujourd’hui nous sommes là, demain on ne sait pas… la vie devienne compliquée.. priez pour nous S.V.P » Voilà le message envoyé par le P. Jacques Mourad mercredi 20 mai, la veille de son enlèvement, à l’association des amis de Mar Moussa liée à la communauté fondée par le P. Paolo Dall’Oglio, comme une bouteille à la mer.

Alors que la ville de Palmyre, en Syrie, tombe entre les mains de l’organisation État islamique, le prêtre syriaque voit affluer les réfugiés vers son monastère Mar Elias, dans le village de Qaryatayn, à une centaine de kilomètres de la cité antique. « Après la chute de Palmyre, beaucoup de civils se sont dirigés vers Qaryatayn, petite ville à 30 km de Homs, et surtout le monastère de Mar Elias où le Père Jacques Mourad avait commencé à organiser l’accueil des familles déplacées » raconte à l’Oeuvre d’Orient le P. Ziad Hilal, jésuite à Homs de passage en France et ami du P. Mourad.

C’est dans ce contexte, le jeudi 21 mai dans l’après-midi, que le prêtre a été enlevé. Marie Rose, une femme qui vivait au monastère Mar Elias, a rapporté ce qu’elle avait vu au Temps : « Beaucoup d’hommes en armes sont arrivés cet après-midi. Ils l’ont mis dans un véhicule et sont repartis. Ils ont aussi pris sa voiture et son ordinateur. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle de lui ». Sous le choc, les membres de la petite communauté se sont réunis dans la cour centrale : craignant le pire, ils ont abandonné le monastère pour se réfugier chez l’habitant, relate le journal suisse. Le P. Ziad Hilal précise aussi qu’un chrétien âgé de 37 ans originaire d’Alep, Boutros, a été kidnappé avec lui.

Le P. Jacques Mourad était un membre de la communauté fondée par le P. Paolo Dall’Oglio, expliqueLa Croix. Il s’était installé il y a une dizaine d’année à Qaryatayn pour faire revivre le monastère Mar Elias. « Il multipliait les gestes de rapprochement entre les différentes populations. Avec le durcissement de la guerre, plusieurs centaines de personnes s’étaient réfugiées dans le monastère pour passer l’hiver. Enfants, femmes, hommes, chrétiens, musulmans, l’homme d’Eglise ne faisait aucune différence », raconte Le Temps.

Le journal suisse souligne aussi comment, il y a quelque mois, Jacques Mourad est allé négocier auprès du Front Al-Nosra la libération d’un jeune homme que cet autre groupe islamiste détenait en otage. Aux côtés des notables de Qaryatayn, il a aussi obtenu un accord tacite entre l’armée syrienne et les groupes rebelles afin que tous épargnent le centre de la ville.« Alors que je lui proposais de quitter un moment Qaryatyan avec le rapprochement du Daech il m’a répondu « comme prêtre et pasteur je ne quitterai jamais le lieu tant qu’il y a des gens, sauf si on me chasse », confiait à l’Oeuvre d’Orient le Père Ziad Ilal.

L’inquiétude est maintenant viveconcernant le sort du prêtre et du jeune homme enlevé avec lui. Les habitants de Qaryatayn craignent aussi que ce kidnapping soit le prélude à l’invasion de leur village par l’organisation État islamique. 

Laurence Desjoyaux 

La Vie