La Croix- Tribune de Mgr Pascal Gollnisch : Quelle paix en Syrie ?

 

Soulager la population, une tribune de Mgr Pascal Gollnisch publiée dans la Croix le 24 avril 2015

Le 15 mars 2011 quelques manifestants défilent à Alep, Hassakeh, Deraa, Deir Ez-Zor, Hama et Damas. Considérant la répression excessivement brutale, la France rappelle son Ambassadeur le 16 novembre et ferme l’Ambassade le 2 mars 2012. Elle ne cesse depuis de réclamer le départ du Président ASSAD, chef d’État reconnu d’un pays souverain.

Depuis le conflit a fait plus de 250 000 morts, près d’un million de blessés, détruit l’économie. La moitié de la population est déplacée ou réfugiée hors de Syrie, en particulier au Liban. Le peuple exténué et angoissé ne voit pas d’issue à cette guerre civile. Chaque camp se refuse à arrêter le combat avant la victoire finale, car cela représenterait une trahison des combattants décédés, et tous les observateurs considèrent impossible le triomphe par les armes d’un des camps.

L’aide publique internationale ne parvient pas aux personnes qui en auraient besoin. Les structures des Églises sont souvent les seules à permettre une aide d’urgence dans les domaines de la santé, l’alimentation et l’hébergement. Il convient de louer l’action des évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui se dévouent au service de tous. Certains ont été kidnappés, d’autres tués comme le Père Frans, jésuite de Homs.

Au-delà de cette aide d’urgence que faire ?

Nous ne pouvons pas négocier avec les groupes ultra-violents qui terrorisent la population. L’émergence du DAESH est un fait nouveau aux conséquences considérables pour l’Orient comme pour l’Occident. Il faut prendre les moyens pour le neutraliser au plus vite. La France ne peut se limiter à des frappes en Irak. Elle doit agir aussi, même symboliquement, en Syrie. Simultanément il faut stabiliser des lignes de front et obtenir un cessez-le-feu dans des zones comme Alep, Damas ou le Kurdistan. Y parvenir nécessite des influences internationales, comme celles de la Russie ou de l’Iran, sans pour autant envisager leur intervention dans une zone exclusivement arabe. On peut d’ailleurs regretter ici l’impuissance de la Ligue arabe. Simultanément encore, il convient de mettre en place une commission d’enquête sur les sources de financement et d’approvisionnement en armes et munitions du DAESH, lesquelles sont passibles de sanction par le Conseil de sécurité.

On le voit, ce chemin pragmatique n’est peut-être pas glorieux — et risque de ne satisfaire aucun dirigeant — mais permettrait de mettre en place des couloirs humanitaires et de soulager la population. Il est peut-être possible de procéder ainsi sans avoir mis toutes les parties d’accord sur un avenir politique acceptable pour la Syrie, ce qui se fera sans doute dans un futur lointain et sans ratification satisfaisante par les Syriens. Car il y a là un problème fondamental : donner la parole aux Syriens eux- mêmes. Ceci est essentiel. Voilà pourquoi je ne suis pas de ceux qui se méfient d’une avancée de la démocratie qui serait un produit « importé de force par l’Occident et dont on a vu les dégâts qu’il faisait ». Si dégâts il y a, ce n’est pas à cause d’une avancée démocratique, mais d’une avancée insuffisante de la démocratie, qui ne consiste pas seulement à procéder à des élections, mais encore à établir les droits de l’opposition, la liberté d’expression, l’indépendance de la justice, la pleine citoyenneté pour tous, la neutralité de l’État en matière religieuse. Dans tous ces domaines la Syrie, et le monde arabe en général, doivent inventer des modèles qui leur soient adaptés ; il n’y a pas qu’une forme de démocratie. La Syrie a sans doute besoin d’une forme fédérale permettant aux différentes composantes de jouir d’une autonomie suffisante ; il appartiendra alors aux Syriens de désigner leurs dirigeants. Il faut que les sunnites aient d’autres perspectives que le recours à la violence. Je ne crois pas non plus à une révision des frontières qui risque d’être lourde de conflits à venir.

Enfin il faut mettre en place un vaste plan de reconstruction et un programme de réconciliation avec les forces spirituelles positives, ce qui prendra du temps…