La Croix – L’islam du « juste milieu » veut exister sur Internet

À Lille, Bordeaux, Strasbourg ou dans la région lyonnaise, des projets de sites Internet fleurissent prônant un islam du « juste milieu ».
La Fédération musulmane de la Gironde, pilotée par l’imam de la Grande mosquée de Bordeaux, Tareq Oubrou s’active ainsi « à la mise en place sur internet d’un contre-discours sur la propagande islamiste ». De son côté, l’imam de Valence (Drôme), Abdallah Dliouah, plaide pour que le futur Conseil des imams du Rhône « finance un site crédible, qui donne des avis (fatwas) homogènes ».
Ancien imam de la grande mosquée de Montpellier et aujourd’hui installé en Alsace, Farid Darrouf espère, lui, être prêt « d’ici deux à trois mois » pour lancer son site qui alliera les sujets « théologiques », « politiques », ainsi qu’une sorte de revue de presse hebdomadaire « commentée ». Une fois par mois, si possible sous forme vidéo, le site donnera aussi à voir des expériences de dialogue interreligieux, un domaine dans lequel Farid Darouf – qui a suivi une formation à la laïcité à l’Institut catholique de Paris – est solidement engagé.

Ravages des sites salafistes
Constatant tous les jours les ravages de la prolifération de sites plus ou moins salafistes, des responsables musulmans adeptes d’un islam « du juste milieu » se mobilisent pour faire exister ce dernier sur la Toile.
Il suffit, par exemple, de chercher – sur Google – une information sur la fête du mawlid, la naissance du prophète de l’islam, pour s’en rendre compte : toutes les premières références ne sont que des mises en garde contre cette célébration qui n’existait pas du temps des premiers compagnons de Mohammed et qui est donc, pour les salafistes, une « innovation condamnable »…
« Le problème est que ce type de discours est le premier auquel sera confronté sur Internet le musulman de base ou celui qui vient se former », regrette l’imam de Valence, qui voit bien le succès de ces « sites à tendance rigoriste, pas du tout adaptés à notre contexte ».
Des blogs pour lutter contre le fondamentalisme
Certains imams ou prédicateurs tiennent déjà un blog ou sont présents sur les réseaux sociaux, comme Facebook. C’est le cas de Mohamed Bajrafil, imam à la mosquée d’Ivry-sur-Seine

Auteur du livre «l’Islam de France, l’an I», ou d’Abdallah Dliouah, imam à Valence, dont le blog vise à « simplifier l’islam pour les francophones » et qui prend position vigoureusement contre les fondamentalistes.
« Comment peut on concentrer toute une religion en 2 sunnas et 3 interdits ? Le ’pseudo-salafisme’ est la voie du takfirisme qui conduit inévitablement vers le daechisme », n’hésite pas à dénoncer ce dernier dans un billet intitulé posté le 24 décembre. Parmi ses prochains articles en projet  « la religiosité de la haine », le désir de certains de ses corréligionnaires de « quitter la France » pour rejoindre une terre « musulmane », ou encore « l’imitation du koufar (mécréant) », un thème extrêmement présent dans l’univers salafiste et qui conduit ces derniers à interdire à la fois de souhaiter Noël aux chrétiens, ou de s’habiller à l’occidentale…
Face à cette culture radicale qui se répand, cet imam – comme d’autres – souhaiterait « un site Internet qui donne confiance aux musulmans de France et sur lequel ils pourraient venir poser leurs questions ».
Obstacle financier
Comme d’habitude, l’obstacle devrait être d’abord financier. « Les sites salafistes, eux, ont de l’argent et donc de l’argent pour être bien référencés » autrement dit d’être très visibles sur Google, peste Farid Darrouf, qui n’a lui « aucun financement ».
Autre handicap, qui risque d’aggraver le précédent et symptomatique de l’émiettement de l’islam de France : chacune de ces initiatives est autonome. « Chacun essaie de lutter à sa façon », reconnaît cet imam, qui rêve toutefois de « coopérations entre associations pour être plus forts ».

Anne-bénédicte Hoffner