La Croix – Le pape François appelle société civile et autorités à vaincre l’indifférence

Dans la lignée des préoccupations du pontificat, le texte est axé sur la lutte contre l’indifférence et le « désengagement ».

Le pape interpelle à cet égard les familles, les associations et les médias sur leurs responsabilités, ainsi que les gouvernements.

« L’opposé de l’amour n’est pas la haine, c’est l’indifférence », selon le fameux mot d’Élie Wiesel. Depuis son déplacement à Lampedusa, le 8 juillet 2013, moins de quatre mois après son élection, le pape François a fait de la lutte contre « la mondialisation de l’indifférence », contre l’inertie et le désengagement, un fil rouge de son pontificat. Son message pour la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 2016, rendu public mardi 15 décembre, étaye sa pensée à ce sujet et recense des pistes jugées encourageantes pour vaincre cette « menace pour la famille humaine ». Leur évocation fait de ces 23 pages un texte au final porteur d’espoirs.

À cet égard, le pape commence par saluer la COP21, la conférence de Paris sur le climat, dont il a souligné déjà les résultats lors de l’angélus dimanche dernier. Les objectifs de développement durable retenus par les Nations unies pour l’horizon 2030 l’aident aussi à « croire en la capacité de l’humanité à agir ensemble, en solidarité ».

Le pape interroge les médias

Mais pour changer en profondeur le climat général d’indifférence qui imprègne les sociétés, le pape en interroge les acteurs. À commencer par le rapport aux médias. « Il y a celui qui est bien informé, écoute la radio, lit les journaux ou assiste aux programmes télévisés, mais il le fait de manière tiède, presque dans une condition d’accoutumance », observe-t-il. Sans compter « certaines personnes qui préfèrent ne pas chercher, ne pas s’informer, et vivent de leur bien-être et leur confort, sourdes au cri de douleur de l’humanité souffrante ».

En réaction, Jorge Bergoglio appuie le travail des « journalistes et (…) photographes qui informent l’opinion publique sur les situations difficiles qui interpellent les consciences ». Une allusion peut-être à la photographie, en septembre, d’un petit garçon retrouvé mort sur une plage turque, qui bouleversa le monde. Le pape, à diverses reprises, lors d’audiences publiques, commente les images de l’actualité qui l’ont touché. Il dénonce souvent, à l’inverse, que la mort d’un sans-abri ne fasse pas les titres des journaux.

Son message de mardi interpelle aussi les médias sur leur responsabilité, comme ses propos, déjà, dans le vol retour d’Afrique le mois dernier. « Les agents culturels et des médias devraient être aussi vigilants afin que la manière dont ils obtiennent et diffusent les informations soit toujours juridiquement et moralement licite », écrit-il alors que se tient le procès « Vatileaks 2 ». L’État du Vatican est en train de juger deux journalistes italiens après la divulgation de documents confidentiels sur les dysfonctionnements dans la gestion de la Curie.

Rôle éducatif des familles
Autre acteur-clé pour vaincre l’indifférence, le monde associatif, lié ou non à l’Église catholique. Le pape, qui s’était adressé en juillet aux mouvements populaires (discours de Santa Cruz en Bolivie), mentionne en particulier « les associations qui portent secours aux migrants ». Même encouragement envers les « familles (qui) ouvrent leurs cœurs et leurs maisons à celui qui est dans le besoin, comme aux réfugiés et aux migrants ! » Les familles sont plus largement sollicitées pour leur rôle éducatif. Reprenant un thème de ses catéchèses avant le dernier synode sur la famille, le pape François rappelle leur mission éducative : « Les valeurs de la liberté, du respect réciproque et de la solidarité peuvent être transmises dès le plus jeune âge. » Le monde éducatif dans l’ensemble est interpellé à cette fin.

Mais vaincre l’indifférence est aussi une question concrète de politiques publiques pour les gouvernements. Le message du pape prend toute sa tonalité sociale lorsque, toujours à propos des migrants, il attire l’attention sur leurs « conditions de séjour ».

Abolition de la peine de mort
Attentif comme souvent au sort des détenus, il invite de nouveau à chercher « des peines alternatives à la détention carcérale ». À la suite de son discours au Congrès américain en septembre, Jorge Bergoglio renouvelle son appel à « l’abolition de la peine de mort ». Il demande aussi « à considérer la possibilité d’une amnistie ».

Conditions précaires de travail, chômage, mal logement sont autant d’injustices sociales également recensées dans ce message, dont l’édition 2015 portait en particulier sur les trafics de personnes. Sans oublier non plus les déséquilibres financiers. Signant son texte du 8 décembre, jour de l’ouverture du Jubilé de la miséricorde, le pape appelle à « l’effacement ou à la gestion soutenable de la dette internationale des pays les plus pauvres ». C’est la raison même d’un jubilé : celui de 2000 s’accompagna d’une campagne pour l’annulation de la dette extérieure des pays du Sud.

Sébastien Maillard, à ROME