« Je souhaite que mon pays ressemble à la République de Platon »

« Je souhaite que mon pays ressemble à la République de Platon »
Omar
35 ans, réfugié en Turquie

« Je vous écris du camp de Kahramanmaraş.
Je suis un réfugié arabe, syrien, sunnite. Avant la guerre, le mot ”syrien” était suffisant pour dire qui nous étions. Ce n’est plus le cas. Je suis père de trois garçons. Je vis sous une tente dans le camp de Kahramanmaraş, dans le sud de la Turquie. J’enseigne l’anglais dans l’école secondaire du camp. Vivre sous la tente n’est pas facile, particulièrement l’hiver où chaque tempête est un défi, où les inondations et le vent sont des menaces constantes. Le feu est aussi un danger. J’ai vu des enfants brûler comme des torches en quelques secondes.
« Pourquoi nous n’avons pas de maison  ? »
Ma vie tourne autour de mes enfants, Kazim, 7 ans, Imran, 4 ans et Hussam, 3 ans. Kazim a commencé l’école cette année et n’arrête pas de poser des questions auxquelles, la plupart du temps, je ne peux répondre : “Es-tu soumis ?”, “Pourquoi Bachar nous tue ?”, “Pourquoi n’avons-nous pas de maison ?”,“Quand iras-tu au paradis ?”…
Elle tourne aussi autour de mes élèves. Ils donnent un sens à ma vie. Chaque cours est un défi. Capter leur attention est difficile, parce que ce sont des adolescents et parce que, vivant dans une société de réfugiés où chacun a des membres de sa famille qui combattent en Syrie, ils sont sensibles à l’idéologie de Daech qui parle de raccourcis pour le paradis. Qui peut en dire autant ?
Il m’arrive de passer tout un cours à tenter de convaincre un étudiant séduit par un tel discours qu’il fait fausse route. Je montre les contradictions entre leur message et celui du Prophète et de ses compagnons. Que propose Daech ? Un cercle sans fin de combats jusqu’à l’apocalypse. Or l’islam dit que personne ne sait quand celle-ci se produira. Daech prétend que cela doit arriver maintenant. Cela lui donne-t-il le droit de violer les cinq piliers de l’islam ?

Mon discours a un impact auprès des étudiants, mais pas auprès de ceux qui me suivent sur Facebook. Ceux-là me laissent des messages de menace, des insultes.

« Je rêve d’une nouvelle République en Syrie »
Si je pense à l’avenir, je souhaite par-dessus tout que mon pays, la Syrie, ressemble à la République de Platon. On en est très loin. Ce que j’imagine est plus proche de ce qu’est le Liban, où plusieurs communautés participent à un gouvernement. Et la conclusion que l’on peut en tirer est que cela ne marche pas.
L’autre possibilité, de l’ordre du rêve, serait un gouvernement de transition sous l’égide de l’ONU, avec une nouvelle constitution et l’émergence d’une nouvelle république. J’espère en faire partie un jour. »