« Israël et le gouvernement de Netanyahu sont dans une phase dangereuse »

Le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a démissionné hier avec fracas et a remis ouvertement en cause la crédibilité du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « J’ai dit au Premier ministre qu’étant donné son comportement au cours des derniers évènements et mon manque de confiance en lui, je démissionnais du gouvernement et de la Knesset (Parlement), et je prenais mes distances avec la vie politique », a annoncé Moshé Yaalon sur Twitter. Devant la presse, M. Yaalon s’en est pris ensuite à ces « éminents politiciens » animés par « le cynisme et la soif de pouvoir », et gouvernés par « les échéances électorales et les sondages » plutôt que les valeurs morales. Des mots qui semblent directement adressés à MM. Netanyahu et Avigdor Lieberman. Il a dit ensuite son inquiétude pour la démocratie israélienne : « Malheureusement, des éléments extrémistes et dangereux ont pris le contrôle d’Israël et du Likoud, et menacent la société », a-t-il affirmé. Pour finir par ajouter : « Je reviendrai prendre part à la compétition pour la direction d’Israël. »
Il s’agit d’une attaque retentissante de la part d’un homme estimé en Israël pour avoir combattu lors de la guerre de 1973, pour avoir commandé ensuite la prestigieuse brigade parachutiste et gravi tous les échelons, jusqu’à la tête de l’état-major puis de ce ministère capital dans un pays constamment sur le pied de guerre.

Le monde politique israélien est en effervescence depuis que M. Netanyahu a proposé mercredi le portefeuille de la Défense à M. Lieberman, actuellement dans l’opposition. En retour, il était envisagé d’offrir les Affaires étrangères à M. Yaalon. Le but du Premier ministre est d’élargir sa majorité parlementaire, qui ne tient qu’à une voix. Mais la décision de M. Netanyahu de proposer la Défense à M. Lieberman a également été largement interprétée par les commentateurs comme une manœuvre destinée soit à sanctionner M. Yaalon, soit à écarter un potentiel rival au sein du Likoud, leur parti. De profonds différends opposaient dernièrement MM. Netanyahu et Yaalon sur la liberté de parole des généraux.

Barah Mikaïl, spécialiste du Moyen-Orient et directeur du centre Stractégia à Madrid, répond aux questions de L’Orient- Le Jour sur les enjeux de cette démission.
Comment expliquer la démission du ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon?

Dans son communiqué, Moshé Yaalon a justifié sa démission par « un manque de confiance » envers le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Il est difficile de savoir si ce sont des considérations d’ordre personnel qui ont été privilégiées ou si c’est un désaccord concernant l’intérêt d’Israël. Que ce soit par opportunisme politique ou pour des considérations personnelles, le fait est qu’il y a un malaise effectif. Ce que cette démission souligne, c’est la confirmation qu’Israël et le gouvernement de Netanyahu sont dans une phase dangereuse. D’une part, il y a un blocage total au niveau du conflit israélo-palestinien. Et d’autre part, il y a une constante droitisation de la scène politique israélienne.
Cette démission peut-elle affaiblir Benjamin Netanyahu ?

Cela fait des années qu’on annonce son affaiblissement, et il s’avère qu’il est encore là. Donc je resterai très prudent. Mais cela diminue peut-être sa marge de manœuvre alors qu’il est lui-même bloqué sur pas mal d’aspects parce qu’il est obligé de travailler avec divers partis politiques.
La possible nomination d’Avigdor Lieberman, connu pour ses diatribes antiarabes, au poste de ministre de la Défense répond-elle à des considérations internes ou est-ce un message adressé à la communauté internationale?

Cette option, si elle se confirme, est à la jonction des considérations internes et externes. Les considérations de type électoraliste se combinent avec les positionnements de Netanyahu sur la scène internationale. En nommant Lieberman, Netanyahu veut marquer le coup et montrer qu’Israël sera intransigeant quant aux conditions des futures négociations de paix israélo-palestiniennes. Lieberman est connu pour être très intolérant vis-à vis des Palestiniens, il a même scandalisé des personnes au sein de la classe politique israélienne. Netanyahu est clairement dans une attitude jusqu’au-boutiste. Il poursuit une option maximaliste, même si les considérations populistes sont toujours là.