À Oran, la rénovation de Notre-Dame de Santa-Cruz jette des ponts par-delà la Méditerranée

 

D’une rive à l’autre. Voici quelques mois, huit étudiants lyonnais partaient pour Oran avec, à l’horizon, une même statue de la vierge : celle dorée à l’or fin veillant sur Lyon depuis la basilique de Fourvière et sa réplique, mains ouvertes et esquissant un sourire, qui surplombe la baie d’Oran. Symbole de la deuxième ville d’Algérie, la chapelle repose sur le mont Murdjajo, un éperon rocheux dominant la mer.

Fouettée par les embruns, dégradée par le temps, elle était en triste état. Pour sauver l’édifice, une restauration a été entreprise en 2014. Le wali d’Oran – équivalent algérien du préfet – a confié la maîtrise d’ouvrage déléguée à l’Association diocésaine d’Algérie. Comme pour la restauration de Notre-Dame d’Afrique, à Alger, et de Saint-Augustin à Annaba, achevées en 2010 et 2013.

Huit Français « de la génération Erasmus »

Cela ne relevait toutefois pas de l’évidence. Lieu de pèlerinage depuis le milieu du XIXe siècle, le site oranais avait été achevé en 1959 et, peu après, les pieds-noirs bâtissaient un autre sanctuaire de l’autre côté de la Méditerranée, à Nîmes. « Notre-Dame de Santa-Cruz aurait pu être perçue comme un symbole de l’Algérie chrétienne et coloniale, glisse Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran. Pourtant, mystérieusement, ce n’est pas le cas ».

Pour témoigner de l’attachement des habitants, le dominicain a donc fait venir huit étudiants de l’Institut de management Marc Perrot, rattaché aux maristes de Lyon. Huit Français « de la génération Erasmus », mais pas vraiment préparés au choc culturel qui les attendait, dans un contexte « de peur de l’autre ». « Nous sommes arrivés en même temps que survenaient les attentats de Bruxelles », soufflent-ils. Leurs appréhensions se sont pourtant envolées au fil des rencontres avec la jeunesse locale.

« Il a fallu que j’aille là-bas pour vivre une veillée pascale avec un musulman à mes côtés », glisse Thérèse. Et c’est en Algérie qu’ils disent avoir franchi leurs « frontières intérieures ».

Invitant leur auditoire à « se rassembler sans se ressembler », ils ont témoigné, le 14 juin dernier, de la richesse de ces échanges à l’hôtel de ville de Lyon, non sans avoir « passé le flambeau aux étudiants de troisième année », précise Felina, qui espère revenir à Oran une fois le chantier achevé. Ce devrait être le cas fin 2017.

L’extérieur de la chapelle a déjà été restauré, tout comme la tour sur laquelle est juchée la statue de la Vierge. Reste à rénover la galerie entourant le site, avant de refaire l’esplanade et l’intérieur. Sur les fonds engagés jusqu’à présent, plus de la moitié provient de l’État algérien. « Un signe important », insiste Mgr Vesco. « Il nous manque encore 1 million d’euros », précise Jean Coiraton, chargé de mission par l’évêque, qui entend faire de Notre-Dame de Santa Cruz « un lieu de rencontre ».

Bénévent Tosseri, à Lyon