OLJ – Témoignage : Cinq jours à Erbil avec SOS Chrétiens d’Orient-Liban

Tout a commencé en juillet 2014 par un coup de fil de mon amie Henda. En fait, elle voulait que je rencontre quelques jeunes venus de France qui partaient en Irak, dans la zone kurde. Je ne la remercierais jamais assez. Ces jeunes m’ont impressionnée par leur engagement, leur motivation et leur détermination.

Pourquoi partir en Irak ? Parce que nous ne pouvons pas rester immobiles et inactifs face à la disparition de nos frères chrétiens d’Orient. Suite à cette rencontre, Elisa Bureau me contactait. En effet, étant un certain temps au pays du Cèdre, elle décidait de créer SOS Chrétiens d’Orient section Liban et me demandait de la rejoindre.
Je n’ai pas eu besoin de réfléchir trop longtemps pour répondre positivement à l’appel d’Elisa Bureau, jeune Française restée pour ses études au Liban, me demandant de rejoindre l’association SOS Chrétiens d’Orient qu’elle venait de créer. Défendre les chrétiens d’Orient dépasse largement la cause religieuse : je pense que la présence chrétienne est aussi et surtout le gage de valeurs démocratiques, républicaines et symbole de liberté. Et leur effondrement démographique depuis des décennies n’a laissé place qu’à plus d’extrémisme et d’oppression.
En Irak, 1,5 million de chrétiens en 2003, 300 000 aujourd’hui. Le constat est identique pour tous les pays du Proche-Orient où vivent des chrétiens. Deux possibilités s’offrent : soit on encourage tous les chrétiens à partir en Occident, soit on s’unit, on se bat pour pérenniser leur présence. Même si certains politiciens bougent, même si les médias communiquent sur ce sujet, je pense que nous ne sommes jamais mieux servis que par nous-mêmes et que tous les chrétiens du monde doivent se mobiliser. Il va sans dire par ailleurs que si le Proche-Orient devenait une zone entièrement contrôlée par des extrémistes, l’Occident subirait des conséquences inéluctables.
Elisa Bureau me proposa de partir à Erbil où, depuis juillet 2014, de jeunes Français se succèdent sur place pour évaluer concrètement les besoins des chrétiens et réagir rapidement. Sur place, j’ai pu rencontrer et parler avec de nombreux réfugiés. J’ai été frappée par leur perte de repère. Ces réfugiés vivaient correctement, travaillaient, possédaient pour la plupart une maison, une voiture. La majorité est originaire de Qaraqosh. Du jour au lendemain, ils se retrouvent entassés dans des camps sans travail et sans école pour les enfants, et le plus dur pour eux est la perte de dignité. Ces camps sont organisés grâce à des caravanes ou des bâtiments en cours de construction et laissés à l’abandon. L’association offre des couvertures, des chaufferettes, des jouets pour les enfants. Elle anime des jeux au sein des camps. Une équipe de volontaires composée de jeunes Français chrétiens pratiquants ou non, est présente. Depuis plusieurs mois, cette présence continue notamment grâce à François-Xavier, volontaire de SOS Chrétiens d’Orient présent depuis plusieurs mois en Irak et ayant donc acquis une bonne connaissance des problèmes des familles. L’Église et les puissantes ONG sont aussi omniprésentes.
Nous avons eu aussi des rencontres plus politiques. Alain Marsaud, dont je suis la suppléante, est député de la 10e circonscription, dont l’Irak. Deux cents Français environ sont inscrits au consulat d’Erbil où fonctionnent l’Institut français et l’Ifpo, situés au cœur de la citadelle, sans oublier la French School de la Mission laïque. Ces institutions sont indispensables pour asseoir la présence de la France dans cette région si fragilisée. La France parle aussi diplomatiquement grâce à cette présence. La francophonie, que de colloques, de rapports, de réunions ! Tout cet argent dépensé pourrait servir à conforter le quotidien de ces institutions, voire augmenter les postes. Ces réfugiés ont tout perdu et sont conscients que Daech a tout détruit et tout pillé. SOS Chrétiens se finance grâce aux dons des nombreuses conférences données sur le territoire français.
Chaque soir, l’équipe présente à Erbil communique via Facebook sur leurs actions diverses : fabriquer des poulaillers et créer des potagers pour inciter les réfugiés à plus d’indépendance ; assurer l’eau potable pour les camps ; financer des caravanes médicalisées (pharmacie, consultations) et des écoles grâce à des caravanes (par exemple, SOS Chrétiens finance une école à Menguesh, village au nord du Kurdistan, à 50 km de Mossoul. En effet, les nombreux enfants réfugiés dans ce village pourront être enfin rescolarisés dans un mois environ), et donner des cours de français et encourager les écoles à la francophonie.
Lors de ces cinq jours, j’ai été entourée de jeunes compatriotes formidables, porteurs de valeurs devenues rares. Ces jeunes font honneur à la France. Les réfugiés sont perdus. Si certains ont pu louer des maisons, très chères d’ailleurs, c’est qu’ils ont vendu tout ce qu’il leur restait (voiture, bijoux..) et que très vite ils seront dans une situation précaire. D’autres ont rejoint ces camps où l’électricité et l’eau chaude sont capricieuses et où le confort n’existe plus. Malgré ces conditions, ces familles vivent proprement. Aucun enfant n’est scolarisé et ce fut pour moi une cause de profonde tristesse de parler et partager quelques jours avec ces enfants. Ils s’ennuient et rêvent de repartir à l’école.
Pour conclure, mobilisons-nous contre les barbares. Les minorités sont leurs proies mais aussi les musulmans modérés… Ces barbares existent aussi parce qu’ils ont des moyens financiers et militaires. Ne soyons pas naïfs : nous savons tous qui les finance. Les minorités d’Orient, notamment les chrétiens, ont besoin de nous : chrétiens ou démocrates vivant confortablement. Notre présence auprès d’eux en Irak, voire en Syrie, leur donne un espoir solide. Notre devoir est de les soutenir et de les aider pour qu’ils restent chez eux en Orient. Ce séjour m’a enrichie humainement et politiquement, car ce n’est pas un séjour unique mais le début d’un combat de vérité. Française au Liban, l’Orient est rentré dans ma vie. Engagée politique, je ne peux rester indifférente à l’image dégradée de mon pays dans cette région où pourtant tous les peuples ont la France dans le cœur.

Fabienne Blineau-Abiramia

Conseillère AFE zone Moyen-Orient-Asie centrale