Recension

Titre

Rue des Voleurs

Auteur

Mathias Enard

Type

livre

Editeur

Actes Sud, 2012

Nombre de pages

256

Prix

21,50 €

Date de publication

14 janvier 2017

Rue des Voleurs

 

Après une formation à l’École du Louvre, et des études d’arabe et de persan à l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales), Mathias Énard, né en 1972, effectue plusieurs séjours au Moyen-Orient, et s’installe en 2000 à Barcelone. Il a enseigné l’arabe à la faculté de traduction et d’interprétation de l’université autonome de Barcelone.

Sa carrière littéraire (au moins 8 romans et récits) est jalonnée de nombreux prix dont deux en particulier marquent bien son intérêt pour la civilisation méditerranéenne et les relations Orient Occident.

Le premier, Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants (Actes Sud, 2010), récit imaginaire d’un voyage de Michel-Ange à Constantinople,  a reçu le Prix Goncourt des lycéens (2010).

Le second, Boussole (Actes Sud, 2015) récit d’un voyage imaginaire en Orient (Alep, Palmyre, Istanbul) réalisé au cours d’une nuit d’insomnie par un jeune musicologue autrichien, a reçu le prix Goncourt en 2015.

Son roman Rue des Voleurs[1] est l’histoire de Lakhdar, un jeune marocain de Tanger. Répudié par sa famille – car il a regardé d’un peu trop près sa cousine – il entame une longue route qui le mènera à Barcelone. Tout au long de son périple, il va devoir se battre pour sa survie. Après 10 mois de cavale, il trouve du travail dans une librairie islamiste puis il la quitte, révolté par le tabassage d’un libraire jugé déviant car il vend des romans policiers ; il est ensuite employé à numériser des documents divers, puis comme homme à tout faire sur le ferry Tanger-Algésiras, il travaille ensuite dans une entreprise de pompes funèbres qui recueille les cadavres de clandestins échoués sur les plages d’Andalousie et leur procure une sépulture financée par la famille ou par la commune. Son employeur meurt accidentellement. Lakhdar est obligé de s’enfuir et se retrouve à Barcelone, sans papiers, rue des Voleurs.

Dans un style vif, l’auteur ancre son roman dans l’actualité : le héros côtoie les attentats de Marrakech, le printemps arabe à Tunis, le mouvement des indignés à Barcelone.

Il nous fait partager une interrogation et une conviction :

Une interrogation sur la “banalité” de l’islamisme : Lakhdar se demande jusqu’à la dernière page si son copain d’enfance n’est pas l’un des auteurs de l’attentat terroriste de Marrakech.

La conviction de la valeur d’une culture métissée nourrie chez le héros par la fréquentation aussi bien de l’arabe classique que des romans policiers ; la conviction que seul le métissage culturel  est porteur de vie et que le refuser conduit à des contradictions telles qu’elles ne se résolvent que dans la mort.

Actes Sud termine ainsi sa présentation : parcours d’un combattant sans cause, Rue des Voleurs est porté par le rêve d’improbables apaisements, dans un avenir d’avance confisqué, qu’éclairent pourtant la compagnie des livres, l’amour de l’écrit et l’affirmation d’un humanisme arabe.

Yves Dupuy

[1] A été couronné de 3 prix : Prix du Roman-News- 2013.

Prix littéraire de la Porte Dorée – 2013

Prix Liste Goncourt/Le Choix de l’Orient – 2012