Titre

Rouvrir les portes de l’islam

Auteur

Omero Marongiu-Perria

Type

livre

Editeur

Neuilly/Seine : Atlande, 2017

Collection

Coup de gueule et engagement

Nombre de pages

160p.

Prix

15 €

Date de publication

5 novembre 2017

Rouvrir les portes de l’islam

 

 

Ce chercheur humaniste[1] n’hésite pas à pourfendre certains tabous pour « rompre avec  le paradigme hégémonique dans lequel sont enfermés les leaders religieux musulmans [qui] partagent une même vision de la soumission du monde à un ordre présenté comme divin » (p. 21 et 22).  M. Marongiu-Perria prend comme exemple le concept coranique de l’esclavage qu’aucun des ouvrages théologiques musulmans contemporains ne considère comme aboli (p.73). Les exemples actuels de l’esclavage sexuel des citoyennes yezidies irakiennes que Daech justifie par des citations du Coran le montrent, comme l’esclavage pérenne d’une partie de la population « en Mauritanie, au Niger ou au Soudan » (p.97). « Les théologiens musulmans contemporains assument le fait qu’une société musulmane idéale inclurait des esclaves  » (p.58),

C’est donc la lecture littérale du Coran qui est mise en cause dogmatisant « théologie et orthopraxie fondées sur la Charia médiévale » (p. 26), sacralisant ainsi « de manière prohibitive les sources et les personnages de l’islam. » (p.53). Amine Nejdi, vice-président du Rassemblement des musulmans de France, d’obédience marocaine, soutient que les versets coraniques « doivent être appliqués pour l’éternité dans leur littéralité » (p.135) « Le droit musulman laisse ainsi supposer que, si les conditions étaient réunies, les détenteurs de l’autorité pourraient de nouveau les appliquer ». Ce qui est grave, c’est qu’aucun Institut Musulman ne propose d’enseignement académique sur l’histoire de l’islam, l’historicisation du Coran (p.174)  et que les ouvrages musulmans et de référence, relatifs au droit et à l’exégèse, sont « sans filtres linguistiques et historiques permettant au lecteur de les comprendre à la lumière du contexte contemporain » (p.172/173).

 

On aboutit ainsi à imposer aux fidèles « un Dieu dominateur du monde et obnubilé par la comptabilisation des actions humaines » (p.45), ce qui transforme la société – comme le recommande le prédicateur égyptien des Frères Musulmans, Yusuf  al Qaradhawi,  devenu citoyen du Qatar – en « société vertueuse, où la citoyenneté est d’ordre religieux, où règnent la ségrégation naturelle des sexes et la liberté individuelle par droit divin (p.153) de même  naturellement que  « l’assujettissement de la femme à l’homme, du non-musulman au musulman, et de l’administré au détenteur de l’autorité » (p.46). Daesh, d’ailleurs défie les leaders religieux musulmans français « de prouver que les références sont erronées » (p.17).

 

Rappelant que « sur  6236 versets, à peine 200 possèdent une source fiable », l’auteur condamne « cette sacralisation  exacerbée du texte qui empêche toute possibilité de le rendre intelligible par la critique humaine puisqu’elle s’écarterait de la soi-disant « lecture littérale » (p.37). Il regrette que la dynamique réformiste des XIX e et XX e siècles « ait été stoppée par l’islam politique, les Frères Musulmans » (p.147).

 

L’ouvrage bénéficie d’un grand nombre de notes très précises (p.179 à 207), d’un  utile glossaire (p.209 à 232) consacré aux définitions des termes de théologie islamique et surtout d’un deuxième glossaire  (p.233 à 252) contenant les notices de 59 islamologues médiévaux et contemporains cités dans le livre. Le lecteur francophone peut  ainsi  se familiariser avec ce nouveau Combat des Anciens contre les Modernes qui est mené dans le cadre de l’islam aujourd’hui.

Christian Lochon

 

[1] Omero Marongiu-Perria est sociologue, spécialiste de l’islam français. Passé par la mouvance des Frères musulmans il est aujourd’hui l’un des piliers du courant réformiste dans l’Islam de France. Il était l’invité de Ghaleb Bencheikh dans l’émission Questions d’islam sur France Culture, le 07/05/2017 (59 mn).