Titre

Pour une lecture profane des conflits

Sous titre

Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient

Auteur

Georges Corm

Type

livre

Editeur

Paris : La Découverte, 2012

Collection

Cahiers libres

Nombre de pages

275 p.

Prix

19,50 €

Date de publication

9 novembre 2014

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Pour une lecture profane des conflits

Économiste, historien, géopoliticien, ancien ministre des finances du Liban, Georges Corm reprend dans cet ouvrage une série de publications et conférences consacrées à la dynamique des conflits contemporains au Moyen-Orient.

À rebours des explications simplistes binaires qui voient dans le choc des civilisations et la prégnance de l’islam dans le monde arabe la source essentielle des conflits, G. Corm prône une analyse multifactorielle tenant compte de l’ensemble des paramètres : économiques, démographiques, politiques, historiques, géographiques, géopolitiques et culturels.  Il montre comment les ambitions de puissance et d’hégémonie des États sont faussement analysées selon un prisme  de « guerre des religions », mais aussi comment certains États jouent de la carte religieuse pour légitimer leurs ambitions.

On trouvera dans cet ouvrage une réflexion particulièrement stimulante sur la manipulation de l’histoire et de la mémoire, de part et d’autre de la méditerranée et aux États-Unis.

On y verra aussi une mise en perspective intéressante des conflits actuels. L’auteur identifie ainsi 5 événements clés qui ont contribué à battre en brèche une vision laïque des relations internationales :

  1. Le succès du wahhabisme saoudien, avec la création du royaume d’Arabie Saoudite en 1924 qui utilise sa puissance économique pour diffuser une vision puritaine et intransigeante de l’islam ;
  2. La sécession des musulmans de l’Inde donnant naissance en 1947 au Pakistan, État religieux ;
  3. La création de l’État d’Israël dans lequel le sionisme initial, socialiste, laisse la place à un sionisme religieux ;
  4. La création en 1969, sous l’impulsion de l’Arabie Saoudite et du Pakistan, de l’Organisation de la Conférence islamique, dont l’objectif était de battre en brèche le mouvement des non-alignés et le nationalisme arabe ;
  5. Enfin, la révolution religieuse iranienne de 1979 où, pour la première fois, les docteurs de la loi religieuse contrôlent le pouvoir civil.

G. Corm rappelle que trois de ces États religieux – Israël, l’Arabie Saoudite, le Pakistan –  sont des alliés des États-Unis, et de l’Europe, pour les raisons géopolitiques que l’on sait, et que la révolution iranienne a été au départ soutenue par Washington qui pensait qu’elle permettrait de contrer une révolution de type social ou marxiste.

On trouvera également des réflexions intéressantes sur les relations entre pouvoir politique et religieux en islam : alors que, dans les pays chrétiens, le pouvoir temporel a progressivement gagné son autonomie par rapport au pouvoir spirituel de la papauté, en islam, la tradition est que le pouvoir civil contrôle le religieux. De ce point de vue, la révolution iranienne est une véritable révolution pour l’islam même.

La manipulation de la religion à des fins politiques contribue in fine à écraser des populations entières au risque d’un embrasement violent généralisé : avant les révolutions arabes de 2011, les gouvernants arabes autoritaires avaient habilement joué de la peur de l’islam radical pour s’assurer le soutien des pays occidentaux, tout en affichant une religiosité de façade destinée à apaiser leurs populations. La récupération de certaines de ces révolutions par les groupes islamiques radicaux montre tout le danger de ces connivences entre pouvoir politique et religion.

Enfin, G. Corm appelle les occidentaux  à une analyse plus subtile et non sectaire du monde arabe et musulman,  comme il appelle les musulmans eux-mêmes à œuvrer pour la liberté de conscience et une liberté d’interprétation des textes sacrés, condition première de l’établissement de la laïcité.

Laure Borgomano