Recension

Titre

Plaidoyer pour l’utopie ecclésiale Auteur : ; Type : Livre Editeur :

Auteur

Paul Ricœur texte établi et postface par Olivier Abel et Alberto Romele

Type

livre

Editeur

Labor et Fides, 2016

Nombre de pages

152 pages

Prix

18 €

Date de publication

13 avril 2017

Plaidoyer pour l’utopie ecclésiale

 

En janvier 1967, à Amiens, Paul Ricœur donne, en deux jours, une longue conférence en trois parties, sur la place et le rôle d’une communauté chrétienne dans la société. D’abord polycopié, le texte est ici publié pour la première fois. Il est suivi de la transcription des débats avec la salle, et d’une postface qui le situe dans les échanges philosophiques et théologiques, particulièrement autour de la parole et du langage.

Une communauté chrétienne qui se veut fidèle à l’Evangile, se retrouve au cœur de quatre tensions. Premièrement, il lui revient de maintenir ses convictions, donc de garder une certaine stabilité. En même temps, elle ne peut se dispenser de s’engager dans la vie de la société où elle se trouve, donc d’entrer en mouvement.

Ensuite, au sein de la communauté, il s’effectue une circulation de divers services pour sa propre vie ; mais elle accomplit également des services extérieurs. Cette double activité de sa cohérence interne et de son témoignage actif s’impose à elle.

Troisièmement, la société actuelle se soumet à la raison calculatrice qui prévoit les moyens de ses productions. Mais elle néglige de réfléchir à ses finalités, elle manque de perspectives autres que la consommation. Une communauté chrétienne se doit de rappeler sans cesse les finalités propres à l’homme, le sens profond de ce qu’il fabrique.

Enfin – la conférence reprend ici des questions de l’époque – il est impossible de ne pas entendre les critiques qui cherchent à démystifier la foi, alors même qu’un travail veut libérer la foi des mythes dans lesquels elle s’est autrefois exprimée.

Devant ces quatre tensions inévitables, il faut renoncer à une morale englobante (p. 46-51), pour affronter le rapport entre morale de conviction qui s’attache aux principes, et morale de responsabilité qui mesure les engagements et les risques.

Il devient alors possible de comprendre le mot « utopie » utilisé dans le titre et fréquemment dans le texte. L’utopie n’est pas un rêve. Elle exprime le cadre des tensions qui demeureront toujours irrésolues. Loin de rêver la victoire d’un côté sur l’autre, l’utopie maintient l’aspect irréductible de ces conflits. Elle juge cependant de leur équilibre jamais achevé. Alors elle est un autre nom de l’espérance.

D’un style très accessible, cet ouvrage n’a pas vieilli. Aussi loin des replis frileux que d’une dissolution dans l’activisme, il rappelle qu’une communauté est d’autant plus fidèle qu’elle se donne. Il intéressera tous ceux et celles qui se préoccupent de la vitalité et de la crédibilité de leur propre communauté[1].

 

Albert Rouet

Archevêque Emérite de Poitiers

[1] Cf. Chronique de Bernard Ginisty, sur RCF, le 12/10/2016 : Cf. Présentation par Bernard Ginisty sur RCF,, le 12/10/2016 : https://rcf.fr/actualite/plaidoyer-pour-l-utopie-ecclesiale (durée : 3 mn)