Recension

Titre

Géopolitique de l’Iran

Sous titre

Les défis d’une renaissance

Auteur

Bernard Hourcade

Type

livre

Editeur

Armand Colin

Collection

Perspectives géopolitiques, 2016

Nombre de pages

336 pages

Prix

25 €

Date de publication

21 mai 2017

Géopolitique de l’Iran

 

En 2010, Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et grand spécialiste de l’Iran, avait publié Géopolitique de l’Iran. En 2016, il publiait une nouvelle édition de son livre en y ajoutant un sous-titre Les défis d’une renaissance. Après de très longues négociations, le 14 juillet 2015 l’Iran signait l’accord sur le nucléaire avec les cinq membres du Conseil de sécurité plus l’Allemagne. Cet accord entré en vigueur le 16 janvier 2016, soit 37 ans après le début de la révolution islamique, permettait la levée des sanctions économiques. L’Iran pouvait reprendre sa place « dans le concert des nations ».

Mais que connait-on de l’Iran ? Finalement peu de choses : une des plus anciennes civilisations du monde, une population perse d’origine indoeuropéenne, un islam chiite, actuellement un soutien inconditionnel au régime de Bachar el-Assad… et beaucoup de clichés. Depuis l’enfermement qui a suivi la révolution de 1979, l’Iran apparaissait comme une puissance révolutionnaire voire terroriste et toujours menaçante. Dans ce contexte, les pays occidentaux soutinrent Saddam Hussein dans la guerre Iran-Irak.

Pourtant, au carrefour de l’Europe méditerranéenne, du Moyen-Orient et de l’Asie, l’Iran (ou la Perse) occupe depuis des millénaires une situation stratégique. Conquérante ou conquise, elle a toujours assimilé peuples et influences extérieurs. Aujourd’hui, la société iranienne multi-ethnique (Iraniens, Kurdes, Turcophones, Arabes, etc.) trouve sa cohésion dans une unité nationale solidement établie depuis un siècle. Le nationalisme iranien est une clé majeure pour comprendre ce pays.

En 1979, la révolution islamique n’aurait pu s’imposer sans l’appui des classes moyennes urbaines. Les jeunes qui ont renversé le Shah et qui sont partis immédiatement se battre sur le front irakien, se sont accommodés de la prise en main de la République par les autorités religieuses qui ont su éviter ensuite conflits et guerre civile ; ils ne sont plus qu’une minorité. Aujourd’hui plus de 72 % de la population vit dans des villes ; 85 % est alphabétisée (dont 69 % des femmes rurales) ; 60 % des étudiants sont des femmes ; ils forment le socle de la société. Mais ce très bon niveau d’instruction ne doit pas cacher certains problèmes liés à l’isolement forcé et subi du pays, en particulier la fuite des cerveaux. Depuis 30 ans une partie importante des élites (scientifiques, ingénieurs, hauts fonctionnaires, etc.) formées dans les universités ont émigré en occident : « en 2005, trois quart des étudiants de master de science et technologie quittaient l’Iran » ; ce mouvement s’est accentué dans les années suivantes. Seule une évolution politique pouvait endiguer cette immigration pernicieuse.

En 1997, l’élection de Mohammad Khatami suscita de grands espoirs mais dans un environnement géopolitique difficile, il ne put ou ne sut répondre aux demandes de changement d’une société multiculturelle qui malgré son isolement aspirait à une amélioration de ses conditions de vie et à une ouverture sur le monde contemporain. L‘élection de Mahmoud Ahmadinejad en 2005 avec le soutien des milieux populaires puis sa réélection contestée en 2009 referma la parenthèse réformiste de Khatami, malgré la main tendue par Barak Obama en mars 2009. L’arrivée du modéré et pragmatique Hassan Rohani à la présidence de l’Iran permit l’accord sur le nucléaire de 2015 : « le XXIe siècle pourrait être celui de la renaissance de l’Iran et surtout des iraniens » conclut Bernard Hourcade.

Géopolitique de l’Iran, bien que d’une lecture aisée, est une mine inépuisable d’informations dont il serait difficile de donner un compte rendu complet : de nombreux encarts apportent des précisions très utiles d’ordre historique, géographique, économique ou statistique.

Le livre est complété par une abondante bibliographie, un index pour faciliter des recherches transversales et une chronologie. A lire absolument.

Cette analyse doit-elle aujourd’hui s’écrire au passé ? L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis va sans doute rebattre les cartes moyen-orientales.

Bernard Hourcade[1] devra-t-il bientôt procéder à une nouvelle édition ?

 

Francis Labes

[1] Ecouter la remarquable conférence de Bernard Hourcade, à l’Institut de Recherche et d’Etudes Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO), le 28/09/2016 : http://iremmo.org/videos/liran-defis-dune-renaissance/ (durée : 1h18).