« Les morts continuent et personne ne fait rien », dénonce le père d’Aylan Kurdi, un an après sa mort / Le Monde 

Quelque chose a-t-il changé un an après la mort d’Aylan Kurdi, qui a péri noyé au large de la Turquie alors qu’il fuyait la guerre ? A quoi a servi l’émotion suscitée à travers le monde par la photo de cet enfant syrien gisant face contre terre sur une plage de Bodrum ? Son père, Abdullah Kurdi, a regretté dans le quotidien allemand Bild, jeudi 1er septembre, la passivité et l’inaction des responsables politiques face au sort des réfugiés.


« Après la mort de ma famille, les politiciens ont dit : Plus jamais !” », se souvient Abdallah Kurdi, qui a perdu le 2 septembre 2015 dans le naufrage de leur embarcation surchargée non seulement Aylan, 3 ans, mais aussi sa femme Rehab, 35 ans, et son fils aîné Galip, 5 ans. « Tous voulaient absolument faire quelque chose à cause de la photo qui les avait tant remués. Mais que se passe-t-il maintenant ? Les morts continuent et personne ne fait rien. »

En 2015, 3 771 personnes sont mortes en traversant la Méditerranée pour tenter d’atteindre l’Europe, selon l’Office international des migrations (OIM). Au cours des cinq premiers mois de 2016, près de 2 500 personnes ont déjà perdu la vie sur les routes migratoires méditerranéennes, malgré le sauvetage de milliers d’autres par les marines italienne et grecque.

« L’horreur doit enfin s’achever »

M. Kurdi, 41 ans, dont la famille est enterrée à Kobané, une ville kurde syrienne proche de la Turquie, ne regrette pas la médiatisation de la photo de son fils, estimant qu’une« telle chose doit être montrée, pour que les gens voient clairement ce qu’il se passe (…)L’horreur en Syrie doit enfin s’achever. Les tragédies de l’exil aussi ».

Il a cependant été choqué par l’initiative de l’artiste chinois Ai Weiwei, qui a recréé en début d’année la mort d’Aylan en se faisant photographier dans la même position sur une plage grecque. « On ne m’a rien demandé avant et j’ai été totalement choqué. Je comprends bien qu’Ai Weiwei veuille faire quelque chose pour les réfugiés, c’est une bonne chose. Mais il faudrait aussi penser à moi. Je suis le père et je dois vivre avec ça », explique-t-il.

Aujourd’hui installé à Erbil, dans le Kurdistan irakien, le père d’Aylan et de Galip se dit« plus en sécurité » qu’il ne l’a jamais été.« Mais pour quoi faire ? », demande-t-il.